{III}

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Ses yeux verts... Ses yeux qui avaient reflété tout l'amour qu'elle avait pour moi. Des yeux verts, qui malgré ce que je lui avais fait, me regardaient avec douceur. 

Une âme se cachait dans ce corps mutilé, dans ce corps que j'avais abîmé. Mais ça, je l'avais ignoré. J'avais ignoré tout ce qui se cachait en elle, ignorant qu'elle était brisée, ignorant qu'elle s'était écroulée depuis déjà longtemps, que je n'avais fait que déblayer les quelques pierres, minuscules, d'espoir et de joie qui subsistaient en elle. 

Je lui avait collé cette étiquette de fille ringarde. 

Elle était assise, sur un banc, les yeux dans le vide, un stylo à la main, comme toujours, et une feuille remplie d'une écriture brouillonne, comme celle d'un médecin. Elle était toujours avec des feuilles et un stylo greffé à la main. Elle passait tout son temps à écrire, elle pleurait en écrivant, souriait , et des fois, tirait même des têtes de psychopathe. Elle donnait vie aux personnages qu'elle créait, elle donnait vie à son malheur. 

Elle donnait vie à une illusion, à une évasion . Tous ses sentiments étaient noyés par l'écriture, les sentiments qu'elle avaient pour moi, la douleur que je lui avais infligée, prenait vie avec des mots, sortaient de son corps ,avec de simple lettres alignées . 

Il état dix heures, c'était la récréation. Quelques gouttes de pluie tombaient, et Ritedj relevait quelques fois les yeux pour me regarder, enlarmée. Je lui rendait son regard, plein de moqueries et d'injures . Je soufflait souvent " Regarde, c'est quoi cette fille ringarde, banale, elle a pas de vie, elle écrit  à la place d'aller se faire des amis. " 

On la pointait du doigt, on la rabaissait plus bas que terre, à chaque fois qu'elle essayait de plaire .  Elle faisait tout pour obtenir l'acceptation des gens , mais on ne voulait pas d'elle, bien qu'elle essaya d'être comme tout le monde . 

Le problème n'était pas elle , mais nous . Elle aurait  beau ressembler aux autres filles, dont le seule valeur était le physique , on ne l'aurait pas acceptée. 

Elle était populaire, mais dans le mauvais sens . Tout le monde la connaissait , et personne ne l'aimait . 

" Ah we, t'as entendu les rumeurs sur Ritedj , askip elle se doigtait en CM2 , mais elle a arrêté, parce que ses doigts ils puaient trop . Bien profond askip"

" Askip ses parents l'ont abandonnée parce qu'elle était trop moche" 

"Askip elle s'est faite violer " 

"we weeee"

Les murmures allaient à son encontre, des murmures que j'avais façonné , des murmures qui me devaient aujourd'hui ceux de ces murs gris m'enfermant. 

J'avais perdu à ce jeu. Ce que tu fais on te fera, j'en étais l'exemple parfait. Cet échec était le mien. Cette chute était la mienne, et je me contentais de la contempler. 

Si seulement j'étais hors de ces murs, si seulement, alors j'aurais pu rattraper Ritedj. J'aurais pu... Mais je ne le peux pas. Je ne le peux plus. 

Moi , Sofiane Ben Salah, au nom sali, au nom crade. J'avais pris Ritedj pour la serpillère avec laquelle j'allais laver mon honneur. 

Et maintenant que Nedjma m'avais tout dis, maintenant que je savais ce qui m'avait conduit ici , seulement maintenant, je regrettais. Je traînait une grosse caisse de remords, des remords que j'aurais pu éviter. 

Les choix que nous faisons aujourd'hui seront nos remords de demain. Encore une chose que j'avais comprise trop tard. 

"Je ... Je t'aime, même dans le noir, je te reconnaîtrait entre mille autres, ton odeur me suit, ton nom me hante, ta beauté m'aveugle, je ne suis pas toujours avec toi, mais tu es toujours avec moi. " 

C'était le genre de phrase que Ritedj griffonnaient. Des phrases pleines de sens. Des phrase qui reflétaient ce qu'elle ressentait pour moi.

Je me souviens de ce jour, où j'avais attrapé ses feuilles, les avais lues à voix haute, ma lecture saccadée de petits rires moqueur, puis les avaient déchirées.

Elle s'était agenouillée devant moi, en larmes ,me détestant et m'aimant plus que jamais. J'avais fait ça alors qu'en réalité, son talent m'avais impressionné. Mes mots lui donnaient toujours de la matière à traiter. 

Les bout de feuilles simples déchirées, son écriture brouillonne, médicinale les remplissant, s'étaient envolées, sous son regard brouillé par les larmes , les larmes d'un âme plus déchirée que ces feuilles. Les morceaux étaient doucement retombés, tombés comme moi aujourd'hui. 

Ritedj ... Nedjma... Moi... 

Je m'étais tout enlevé tout seul. 

Les caresses de Nedjma ,  et ses  douces caresse sur mes joues me manquaient tant. Elle ,cette femme trompeuse, qui m'avait aimée en guise de vengeance, qui m'avait fait m'attacher à elle, qui m'avait détruit, me manquait comme jamais. Un manque insatiable, un désir inassouvi de mon corps contre le sien. 

J'avais fait tellement de choses qui n'avaient pas lui d'être. 

Nedjma ... Ritedj... Tout était si lié, tout était si entrelacé, que j'avais du mal à saisir à quel point j'avais fauté, à quel point j'avais tort. 

Mais... Avais-je vraiment tort ? Ritedj était bel et bien une fille ringarde, sans charme, sans personne à ses côtés, seule . Au final , je lui avais porté de l'attention, non ? Je lui avais donné ce qu'elle voulait. Elle voulait de l'attention de ma part . Elle l'a eu. 

Ai-je réellement fauté ? N'était-elle pas simplement trop susceptible ? Si elle avait voulu de l'affection, n'aurait- elle pas pu simplement me le dire. Quand bien même je ne la lui aurait pas donnée, elle aurait pu s'exprimer. 

Oui... Pourquoi m'alourdir la conscience... 

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