{VIII}

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...

-"Assalamu a3leykoum, nous salua celui qui était au centre du cercle.

-Wa a3leykoumu salamu, avons-nous répondu en chœur, Sofiane et moi.

-A qui ai-je l'honneur ?

-A Chamsudine et Sofiane, répondis-je, faisant semblant d'être calme devant son air grave.

-Asseyez-vous. "

Nous avons obéi, en stress, tout se déroulant très vite. Sofiane commençait à douter de sa bonne idée d'aller vers eux et leurs caravanes alignées et leur chameau. Lui et moi échangions des regards attentifs.

...

PDV Sofiane

Je tremblais. Je regrettais d'avoir autant couru. Ces hommes faisaient peur, inspiraient la crainte et le respect.

Autour du cercle qu'ils formaient, étaient alignés des chameaux et des caravanes. Étaient-ils des voyageurs comme moi et Chamsudine ? Je l'espérait du plus profond de mon cœur.
Chamsudine les regardait, dans l'attente d'une parole. Puis, ils nous firent signe de s'installer auprès d'eux, de la main.

On s'est mis au bout, Chamsudine et moi. Nous cherchions désespérément un échappatoire à leurs regards.

Un homme est sorti d'un des caravanes et nous a vus directement, on aurait dit qu'il était le chef, tous les regards s'étaient tournés vers lui et c'était le plus imposant.

-" Man hadu ? ( qui voici? ), questionna-t-il en nous fixant.

-Chamsoudine w Soufiene ( chamsudine et sofiane), répondit l'un.

-Hendek. ( attention. )"

Il s'est tourné vers nous.

-"Salam a3leykoum.

-Wa3leykoum salam, a répondu Chamsudine, plus rapide que moi. "

L'homme s'est assis auprès des siens, après nous avoir adressé un sourire. Ils nous donnèrent à manger, en silence. Puis, quand chacun eut finit de manger ses délicieuses pâtes au lait, Chamsudine commença à parler. Il parla dans un arabe que je ne comprenais pas. Je saisissait juste le nom d'Allah. Ces hommes étaient donc de véritables muslims, ils ne passaient pas le salam par culture. Un homme monta dans une des caravanes, et revint quelques secondes plus tard avec deux tambours et d'autres instruments à percussion que je ne connaissais pas. Il se mirent à jouer et à chanter. C'était sans doute un deux plus beaux chants que j'aie entendu. C'était doux et harmonieux, leurs voix étaient parfaitement synchronisées. Il me sembla connaître la chanson, mais peut-être après mon douloureux séjour l'avais- je oubliée ?

Pour la première fois depuis longtemps, je me sentais comme si j'étais parmi les miens, connecté à ma propre culture. Ce moment était une lueur d'espoir dans l'obscurité qui avait envahi ma vie depuis que j'avais été arraché à ma famille et emprisonné. J'étais heureux d'avoir vu ce feu, heureux d'avoir rencontré Chamsudine. Je sortais enfin de l'oppression et la violence pour de vrai.

La musique cessa et la soirée avança. Tout le groupe se leva, hormis nous. Les hommes nous firent signe de les suivre jusqu'à leurs caravanes. Ils nous accueillaient à bras ouverts, et j'avais l'espoir que notre rencontre avec eux soit un tournant dans notre destin. Nous dormîmes avec eux. Le lendemain matin, nous fûmes réveillés par les premiers rayons de soleil aveuglants. Chamsudine m'informa que ces hommes avaient prévus de nous emmener avec eux. Un long périple nous attendait.

Nous sommes sortis dehors. Les voix fusaient, et Chamsudine discutait vivement, alors que moi, je ne connaissais que le darija et le tunis, je n'étais aucunement en connaissance de l'arabe littéraire, alors j'étais quasiment privé de communication. C'était deux arabes complètement différent, l'argot et le littéraire.

Nous avons dû monter sur les chameaux. Chamsudine savait les gérer, alors nous en avons pris un à nous deux, tandis qu'un des hommes se mit avec un des siens.

Les paysages désertiques étaient à couper le souffle. Leur beauté était plus grande encore que celle de Nedjma.

Nedjma...

J'ai soupiré. Chamsudine m'a regardé, sachant presque à quoi je pensais.

-"Tu sais... C'est comme ça. Tu ne peux pas l'oublier. Apprends au moins de tes erreurs. On est au milieu du désert... On traverse une épreuve, regarde. Toi tu es là, tu tires la gueule, alors que le soleil incite au contraire. Pourquoi, mais pourquoi te prends -tu la tête ? Ca y est, le cauchemar est fini, le rêve était long et le réveil brutal. Mais c'est la fin.

-Chamsudine..., j'ai grogné, il avait raison mais je refusais de l'admettre.

-Sofiane, tu sais bien qu'on partage nos peines. Tu sais bien que je te comprends, qu'on est unis par la douleur.

-Plus perdus dans la douleur que dans le désert.

-Je confirme, fit-il avec un sourire appuyé que ses yeux vifs dans lesquels l'amusement se ressentait. "

Il m'impressionnait. C'était sans doute la meilleure rencontre de ma vie. Il avait du courage pour rire en ayant de telles pensées tourbillonnant dans la tête. Elles tourbillonnaient comme le sable à perte de vue soulevé par le vent dans ce lieu aride. Un lieu de douleur, un lieu de beauté. C'était beau quand c'était triste, c'était beau quand ça portait des marques. Les gens qui étaient passés par le désert avaient souffert, comme le fils du prophète Ibrahim et sa mère. Il s'étaient desséchés, affamés ,mais avaient trouvé les moyens de tout surmonter, malgré l'épuisement et la douleur. Et moi, pauvre de moi, je m'apitoyait ridiculement sur mon sort, à faire la star fragile, alors que je n'avais aucune valeur, que mon calvaire était passé, que j'avais trouvé des gens avec qui voyager. J'étais sans doute le pire homme qui ait été mis au monde depuis la nuit des temps. J'étais sans doute le plus ingrat, qui ne remerciait même pas Dieu pour ce qu'il lui avait donné.

Nous cheminions laborieusement, prenant quelques pauses pour boire de l'eau avec parcimonie. Nous privilégions les chameaux sur nous, car ils étaient plus importants. C'étaient eux qui allaient nous amener là où nous voulions. D'ailleurs, je ne savais même pas où nous allions. J'ai alors questionné Chamsudine, silencieux depuis un certains temps. Il baissait souvent les yeux, et alors je voyais la tristesse au fond de ses prunelles et je savais à quoi - ou plutôt à qui- il pensait.

-" Chamsudine ?

-On va où ?

-Là où personne ne nous cherchera.

C'était une réponse ça ?

-Plus sérieusement. Où allons- nous ?

- S'il te plaît, laisse moi, je n'en sait rien, mais rien de rien, je me contente de suivre le mouvement.

-Tu penses à Amel ?

-Tais-toi.

Aïe, j'avais touché le point faible. Il tenait à garder le silence sur elle, mais j'avais envie qu'il m'en parle.

-Tu veux pas en parler ? Partage avec moi la beauté de ton expérience. Toi au moins tu n'as pas eu droit à la prison.

-J'ai droit à la prison mentale, à l'enfermement perpétuel. Une maladie incurable, mon cher.

Il a baissé les yeux. Il tripotait ses bouclettes châtains, au reflets dorés. Ses yeux étaient quasiment devenus tout vert, avec le soleil. C'était un bel homme, j'avais du mal à croire que tant de joie pouvait se montrer sur son visage, alors qu'il était en réalité si triste. Il ouvrit la bouche, j'ai comme senti qu'il allait se confier. J'étais sur le qui-vive, je ne voulais pas manquer une seule syllabe de son histoire.

-Laisse tomber, Sofiane. Ce sera pour une autre fois. Chacun a reprit sa place et la solitude 'la remplacée. " 

On a voyagé pendant près d'une semaine. Chamsudine gardait le silence, sauf pour me raconter les blagues les plus éclatées qu'il connaissait.

-"Pourquoi les plongeurs plongent-ils toujours vers l'arrière et pas vers l'avant ? Parce que sinon ils tombent dans le bateau ! "

Il m'avait raconté ça ce matin et avait éclaté de rire. Il m'a interpellé il y a cinq minutes pour encore me faire soupirer avec son humour à deux balles.

-" Sofiane ? Est-ce que tu sais pourquoi le livre de maths était-il triste, au collège et au lycée ?

-Parce qu'il avait trop de problèmes, je suppose ?

-Tu supposes bien. Tu la connaissais déjà ?

-Non. Chez les Ben Salah, on a pas un sens de l'humour claqué comme ça.

-C'est Amel qui m'a appris cette blague. C'était une fille gênante, mais tellement gênante qu'elle en devenait drôle. J'imagine que c'est pour ça que je me suis attaché de la sorte. "

Soudain, des cris se sont élevés. Des cris de joie.

-"Apparemment nous sommes arrivés, fit-il en désignant le bâtiment qui se trouvait devant nous, mais que nous pouvions à peine apercevoir."

10 minutes plus tard, on était devant. Tous en cercle, et nous étions descendus de nos montures.

C'était une merveille architecturale perdue au cœur du désert, un oasis de splendeur au milieu de l'aridité. C'était un magnifique palais, assortis au couleur du paysage. Les gens qui y résidaient ne pouvait qu'être riches et posséder le pouvoir.

Des sons de tambour retentirent, et les grandes portes furent ouvertes. Sans que Chamsudine et moi ayons compris quoi que cela ne soit, nos compagnons sont rentrés, ont mit un genou à terre et une main sur la poitrine. Précipitamment, nous avons faits de même. J'ai levé discrètement les yeux et j'ai vu un homme, portant un grand turban surmonté d'un joyau nous toiser.

Où avions nous atterri ? C'était un nouveau départ. J'étais déterminé à saisir toutes les opportunités, mais pas celle de la soumission.

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