Domination

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  La guerre éclata bientôt sur toutes nos frontières. Nos ennemis étaient nombreux et courageux. Ils avaient déjà investi plusieurs de nos forteresses frontalières et établissaient des lignes de défense solides chaque fois qu’ils parvenaient à pénétrer un peu plus sur nos terres. Mon père nomma chacun de ses fils général de neuf centuries, tandis qu’il se réservait les dix plus féroces, et nous nous répandîmes sur la ligne de combat. Le front de l’est investi par les H’laus, les plus redoutables de nos adversaires, me fut confié avec pour seule armée une centurie de soldats inexpérimentés. Je soupçonnais mon père de vouloir me faire périr au combat, mais c’était sans compter ma ruse et ma force.

  J’eus recours à de grandes chevauchées pour tirailler l’ennemi, l’épuiser, instiguer en lui la peur de Cyaxares et de ses cent démons. Pour l’écraser. Je prenais un malin plaisir à le tourmenter, à garder des survivants que je torturais et renvoyais abreuver leurs alliés des pires anecdotes à mon sujet. Quant à mes hommes, j’utilisais leur témérité, leur soif de gloire et la crainte que je leur inspirais pour me les rendre loyaux. Un mois me suffit à reprendre les terres que nous avions perdues et à faire de mes compagnons de fervents adorateurs de ma personne. Je décidai alors de déborder nos assaillants sur les fronts tenus par mes frères, les tuant dans la mêlée.

  Consumé par la rancune, je dédiai à Akon le sort le plus cruel d’entre eux. Déguisé en soldat ennemi, je le battis en duel aussi facilement qu’on boute un gamin armé d’une épée en bois, l’empalai sur un pieu et l’immolai au sommet de la colline de Bêrezî, aux yeux de toute son armée. Ses soldats, minés par la perte de leur général, battirent en retraite et subirent des pertes colossales. Moi, je profitais du chaos pour réendosser l’armure de Cyaxares, seigneur mâdan, prendre l’ennemi à revers et remporter la victoire.

  La guerre dura quatre ans. Il ne m’en fallut qu’un pour me débarrasser de tous les prétendants au trône d’Ecbatana et devenir le nouveau roi de Bozorg Babr-hâ. Le seul regret que j’eus fut de ne pas avoir trouvé grâce aux yeux de mon père qui mourut sur le front d’une mort peu honorable. Vaincu par la maladie. Et même lorsque je rapatriai son corps dans la cité royale pour lui offrir une sépulture digne de lui, je trouvai dans ses yeux morts de la peur et du dégoût à mon égard. J’avais maintes fois rêvé de le tuer, mais le voir sans vie m’affecta grandement. Ce fut probablement la dernière fois que je répandis des larmes.

  Nos royaumes voisins goûtèrent à ma colère et se soumirent à moi. Leurs domaines furent avalés par Bozorg Babr-hâ que j’avais rendu gloutonne, avide de conquêtes. Notre beau royaume devint un empire que je régissais d’une main de fer. Dévasté par la mort de mon père, j’avais de nouveau cédé au nuage de folie qui assombrissait mon âme ; mais cette fois, il était drapé de flammes sanglantes. Je fis détruire le palais royal d’Ecbatana dans lequel j’avais grandi, en chassai toute la noblesse, et bâtis une pyramide de pierres rouges à sa place au prix de milliers de vies. L’unique chose que je conservai de l’ancien palais était le trône d’or et d’ivoire des Mâdan que j’avais tant convoité et qui était maintenant mien. Ma seule compagnie était celle des courtisanes de mon harem, constitué des plus belles filles des souverains que j’assujettissais, des soldats, des sorciers redoutables et des créatures monstrueuses que je collectionnais. Le peuple d’Ecbatana apprit lui aussi à me craindre. Les rues étaient éclaboussées de son sang. Mes gouverneurs, que je choisissais tant pour leur cruauté que pour leur intelligence, dispensaient des jugements impitoyables en mon nom et exposaient les corps des suppliciés sur des milles. Le règne de la terreur dominait Bozorg Babr-hâ que je renommai Keshvar Guermez. La Nation Rouge. On murmurait avec crainte le nom de Cyaxares jusque dans les confins du monde où on priait pour que mes yeux avides de domination ne s’y posent jamais.

  Le djinn avait tenu sa promesse. J’étais le plus puissant roi qu’ait connu l’Histoire des Hommes. Il me fallait maintenant payer mon tribut.

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