Première rencontre
— Alors là voilà, la petite Marta. Elle est jolie comme un cœur.
Le bébé s’accroche à mon doigt et un courant électrique se produit. Me perdant dans ses petits yeux noirs, pour la première fois, je vois le futur, le sien.
— Elle est mignonne n’est-ce pas ?
— Hein ?
Maria se moque gentiment de moi, je me sens perdu. Est-ce que j’ai vraiment vu la vie de cette enfant ?! Pleins d’images se sont confondus mais surtout, je retiens cette boule d’énergie, de feu destructrice.
— Je reviens, je vais regarder un truc.
— Prend ton temps, je vais lui donner son biberon.
— Heu, avant que je file, on est bien d’accord, que personne d’autre, que ce soit ta sœur ou tes proches, ne savent que tu es ici ? Et que personne ne me connait ?
— Rosa a vaguement entendu ton nom. Hors, tu es bien au courant que nos liens sont, disons complexe. Elle refuse de croire comme moi bien qu’on partage le même métier. Enfin, tu peux vivre à l’extérieur, personne ne te recherche sauf si tu as commis un délit voir un crime.
— C’est chez moi ici. Dehors, bien évidemment que j’y vais, seulement pour travailler lors des remplacements, faire mes courses aussi. Enfin, une vie normal.
— Alors pourquoi tu sembles prendre peur ?
— Je tiens à garder pour le moment, secret notre religion.
— Tu ne m’as toujours pas raconté ta vision des choses. Qu’est-ce que tu as défini par rapport au plan de Zok ?
— Je reviens.
Elle rit encore et je me sens comme un enfant en fuite. Cependant, dans mon bureau, je reprend le contrôle en buvant un premier verre cul sec de cognac puis un deuxième, cette fois avec des glaçons.
Les neurones plus connectés, je reste devant ma bibliothèque pour sortir d’une boite en ivoire provenant d’Afrique, un cigare de Cuba. La fumée aveugle les éléphants sculptés tout sortant mes mauvaises idées.
— Non, non. C’est bien trop tôt, si irréel aussi. Hum…et si, finalement, cette enfant est celle qu’il me faut ?
Mes notes noircies sur mon mini carnet au fond du cigarettier, me permet de confirmer que rien ne sera parfait. J’arrive déjà depuis quelque semaine, à observer à distance Maria.
— Créer des morts-vivants ? Sérieusement ? Pour ça, faut trouver des cobayes…Et puis, les préparer à tuer. Mais assassiner qui ? Faudra commencer petit…Non, non. Je risque de me faire dénoncer. Il me faudra partir ailleurs, avoir des fidèles et commencer à préparer les nouveaux cœurs. Ouai, je garde ces pistes.
Je raye et coche au fur et à mesure de ma réflexion. On toque à la porte, jamais je ne peux être tranquille !
— J’ai dit que je reviens !
— Je voudrais juste le montrer ton bureau.
— Elle n’a que six mois, en quoi cela va l’intéresser ?!
— Je te cernerais jamais Ambrosio.
Je range mes affaires et de mauvaise grâce, les laisse rentrer. La petite est bien curieuse surtout quand elle veut se coller à moi. Sa grand-mère m’encourage à la prendre en m’aidant à la tenir. Cette dernière contemple mon tableau représentant le Dieu singe-serpent.
— Il est bien différent que l’original. Avec ses quatre bras, une marque au front, sans son éternel bâton. J’imagine que les créatures marrons, sont les morts qui reviennent ?
— L’original restera la même. Tout comme le sera les archives sur l’histoire des Zokias. Avec moi, l’aventure va s’écrire. Tu penses que ta fille sera la relève ?
— Aucune idée, on verra pendant son initiation.
— Pour revenir à notre religion, continue de me faire confiance. Je vais commencer à ramener des fidèles, qui vont prier ici, dans une salle d’autel. Si, Marta semble l’élue, un travail de fond sera de mise pour la préparer à son destin. Je te confie que le futur est floue, chaque décision ne devra jamais être prise à la légère.
— Au fait, j’ai remarqué que tu es entrée quelques fois en connexion avec moi, de manière illégale.
— La confiance Maria, la confiance. Je serais toujours sincère avec toi.
— Tu auras ma loyauté éternelle, en revanche, cette manière de fonctionner, m’intrigue. Il y a-t-il un rapport avec Zok ? Qu’attend tu de moi ?
— J’ai besoin de savoir ce qu’elle va devenir la petite Marta. Et, si c’est un échec, je te laisserais tranquille. Au fait, tu peux me laisser un peu avec elle ?
— Si tu veux, je vais en profiter pour faire quelques courses avant d’aller chercher sa sœur.
— Merci.
— Ses jouets sont dans le salon, j’ai changé sa couche aussi. À tout à l’heure.
— Ta grand-mère est partie, à nous deux pour une petite expérience.
Je la dépose sur mon tapis sur le dos avant de prendre un petit cahier neuf et un stylo pour m’assoir avec elle. Elle cherche à jouer et je file lui prendre son doudou lapin.
— Tu mordilles bien la pauvre oreille, sauf que je ne suis pas pédiatre. On aura sans doute, l’occasion de se revoir dans quelques années. En attendant, tu veux bien reprendre mon doigt ?
Son balbutiement me fait fondre, j’ai soudain envie d’être père. M’enfin ! Moi ? Papa ? Jamais ! L’amour va freiner mes intentions.
— Tout ça va bien trop vite mon enfant. Que retenir ? Ta maladie est un point de départ, je n’arrive pas à distinguer ton vrai potentiel. Tu seras populaire, ça oui. Et eux ? Pourquoi pas, je note.
Le troisième test, dévoile enfin, ce que j’avais cru saisir il y a moins d’une heure. Sa détermination, sa lutte, son courage, son impulsivité, sa colère.
— Je suis de retour !
— Déjà ?! Les courses ont été si rapide !
— Deux trois bricoles et puis, je n’avais pas fait gaffe à l’heure. Tout c’est bien passé ?
— Oui.
— Tu prends des notes ?
— Ho rien, c’est tombé de mon bureau.
Elle ne semble pas dupe mais préfère ne pas insister. Une fois dehors, je décide d’étudier ma peinture avec mon reste de cognac.
— Deux ans, oui, attendons deux ans pour inviter Maria. De là, je vais la surprendre avec mon envie de tout savoir sur Marta. Oui, Zok, elle n’a pas la carrure de l’envoyée, normal, c’est à moi de la modéliser à mon image. Il me faut écrire une autre prophétie.
Sûr de moi, je m’en vais œuvrer mes prototypes de greffe de cœur dans mon laboratoire. Des souris, des singes côtoient aussi des lapins, des poules et des oiseaux. L’endroit est bien insonorisé pour que Maria n’y fourre pas trop son nez, ni ses oreilles.
Pour le moment, mes petites machines sont en cours de fabrication. Etant très rigoureux et exigeant, voilà trois mois, que je ne suis pas satisfait. Autant, mes entrainements de transplantation sont parfaites, autant là, les matériaux sont d’une piètre qualité.
Recycler le plastique ne donne pas de la qualité dans le temps. Faut que je teste sans doute le caoutchouc et des éléments qui ne se dégrade pas dans le corps. Je décide de téléphoner à un ami d’enfance, tout en notant sur mon tableau, quelques données sur Yuka, la femelle singe, sous surveillance après l’injection d’une maladie.
— Salut Nils, j’ai besoin d’un service.
— Je dois faire attention pendant les vols mec. Mon patron me surveille.
— Je voudrais si possible, savoir où je peux prendre du caoutchouc ?
— Tu en voudrais combien ?
— Par avance, dix kilos.
— Pour quand ? Pour quand ? Ambrosio, tu es là ?
Je n’entends plus sa voix, tellement hypnotisé par mes mots écrits qui n’ont rien à voir avec mon analyse.
— Je te rappel.
Il en prend note et je remet le téléphone à son emplacement accoler au tableau. Jouant avec le feutre noir dans ma main droite pour gérer mon stress, je cherche quoi faire. Les bêtes occupent mes oreilles.
« Clonage Marta, test projet clé »
— Ho putain ! Faut que je ne perte pas de temps !
Je me prépare à tout quitter avec ma trousse de fioles et seringues. Sur le chemin, je passe acheter un jouet et m’arrête devant la maison de Maria. Il fait encore jour et je pense être remarqué par la plus grande sœur. Je simule une lecture d’un livre en attendant qu’elle rentre.
Normalement, les filles dorment ici étant donné que c’est les vacances. Faut-il que je sonne ou bien rentrer illégalement ? Sachant, que je ne suis venu que rarement chez elle. Une fois le sandwich avalé d’une boulangerie d’à côté, le hochet dans ma main, je sonne :
— Tiens ! Quel surprise. Tu es venu pour moi ou pour Marta ?
— Cadeau !
— Merci mon cher. Tu veux rentrer ?
— J’aimerais lui déposer dans sa chambre, Adela est au lit ?
— Elle danse avec son casque dans le salon.
— Alors pourquoi m’accorde tu de rentrer ?
— C’est qui mamie ? Bonjour Monsieur ! Mamie, je crois que c’est lui qui était perdu.
Je lui sourie et patiente que Maria trouve un argument.
— Il n’était pas perdu, il était attendu.
— Mais pourquoi il lisait un livre ? Pourquoi vous n’avez pas sonné Monsieur ?
— Il est timide, tu sais.
— Alors c’est qui ?
— Adela, ne le met pas mal à l’aise. Il ne restera pas longtemps, il a quelque chose à récupérer en haut. Vincent, le papier est sur mon bureau.
— Merci. Je fais vite.
— Adela ? Vient m’aider à préparer le souper.
— Oui mamie !
D’un geste, elle m’invite à prendre l’escalier tout en poussant la jeune danseuse guillerette en tutu rose. Trouver la chambre, est facile, vu qu’une porte est entrouverte avec des douces veilleuses en nuage.
La mission devient enfin plus délicate pour prélevé son sang sans que personne ne le remarque. La cuisse droite fera l’affaire pour trois petits prélèvements. Si nécessaire, j’en reprendrait, une autre fois.
De retour en bas, je salue de loin et revient chez moi. Le clonage est interdit mais pas forcément, de demander une mère porteuse. Ayant aucune amie, je lance de l’aide sur un forum dédié en Russie.
Ce n’est que six semaines plus tard, après une rigoureuse sélection, que j’invite une femme Suza, qui est finalement allemande. Elle ne pose aucune question sur ce lieu, voulant être hors système. Très pauvre, juste la trentaine, elle veut rendre service en échange du secret et d’un bon pactole.
Pour m’occuper du bon déroulé de la procréation, je l’invite au restaurant, lui fais visiter la capitale et la laisse dormir chez moi. En échange, elle me parle de ses rêves et me souhaite à la fin, une bonne vie de famille avec ma…fille. Entre Marta et Azaylaide , il y a un an de différence. Hors, physiquement, elle se ressemble.
— Que faire de toi quand tu seras grande hein ? Te cacher ? Où….
— Décidément, j’adore te surprendre ! Tu es enfin papa ?
J’ai pourtant murmurer, jouant avec ma fille dans le salon. Faut vraiment, que je reprenne les clés !
— Oui, je suis père. Pas la peine de savoir où est sa mère, elle me l’a confié, les femmes sont volage de nos jours. Et par pitié ! Donne-moi les clés ou sonne ! Tu veux quelque chose ?
— Je viens au nouvelle. Depuis la fois où tu avais offert un jouet à Marta, plus rien. Nos rares connexions mentales ne donnent rien.
— C’est gentil de t’inquiéter. Sache que j’ai eu un planning chargé.
— Tu m’as surtout menti.
— Sur quoi ? Ma vie sexuelle ?
— Sans doute, une fille de passage qui ne voulait resté mère. Bon, en tout cas, si tu as besoin de conseils pour l’élever, je suis là.
— Non, enfin, merci. Du coup, moi, j’aimerais qu’on se revoit plus pendant un moment. Je préfèrerais t’appeler.
— Au moins c’est clair. Je te souhaite une bonne vie de père.
— Les clés ? Merci.
Enfin définitivement tranquille ! Faut que je l’élève…en laboratoire. C’est cruel certes mais elle mourra un jour, je pense. J’installe une bonne connexion, elle devra contrôler ses envies et m’obéir. Le plan est en marche, plus de retour en arrière. Tout le monde est dans le filet, y compris moi.
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