La demeure

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  Le chemin est boueux, escarpé, dangereux, et je n'ose jeter un coup d'oeil sur le ravin qui borde mon côté droit. Ce qui m'étonne dans cette histoire, c'est que mon grand-père ne soit pas mort d'un accident de voiture, car tout est soigneusement conçu ici pour te faire trépasser. Trop de monde oublie ce côté mortel de la campagne. Je monte et dévale des pentes, qui zig zag de manière tellement étroites que je suis obligé de rouler à treize kilomètres heure si je ne veux pas mordre sur l'autre file. Ne croyez pas que je ne suis pas tenté de prendre les virages à contresens, mais il suffit parfois que j'y pense pour me retrouver nez à nez avec un autre véhicule, alors sans façon merci. Au moins, mes réflexes de conducteur chevronné sont toujours d'actualité, et dire que mon inspectrice n'avait pas voulu me donner le permis, parce que j'avais une conduite "trop sportive". A mon humble avis, je suis persuadé qu'il faille faire un CAP connard mention enculé pour devenir inspecteur d'auto-école. Pardonnez cette vulgarité, mais parfois il faudra vous y habituer, il m'arrive de jurer pendant que je jouis (au sens large du terme, voyons, pas seulement sexuel).

Mon foutu GPS ayant décidé de démissionner de ses fonctions, je dois ainsi me rappeler des indications de mon père , à savoir : "dès que tu passes l'arrêt de bus et le local à poubelles, tu auras sur ta gauche un chemin qui monte dans la forêt, ce sera là". Génial ! Je suis à l'apogée de ma joie. Je n'imagine même pas en hiver, enfin si, je visualise très bien même. Je finis par croiser le local à ordures et l'arrêt de bus, qui doit être diablement inutile, mais bon. Le chemin s'offre à moi, et ma voiture râle un peu lors de la montée. Pauvre bichette, moi non plus je ne m'attendais pas à un tel périple avec ma citroën C3. Un long chemin monte jusqu'à une cours intérieure, enfin !

Devant moi se dresse un beau monument, un manoir très XIXe (je dis ça, mais je n'y connais que dalle) sur deux étages. Je ne peux m'empêcher de souffler à l'idée que mon grand-père vivait seul dans une bâtisse qui devait faire au bas mot deux-cents mètres carrés. La pluie a cessé, mais le ciel est toujours noir. J'envoie un sms à mon père pour lui assurer que je suis toujours en vie et arrivé à bon port. Je lui partage aussi une photo de la maison, manquerait plus que je me sois trompé de baraque... Mais non, c'est bien celle-là. Je sors les clés de ma poche et me dirige vers les petites marches en pierre à gravir avant de me retrouver devant l'immense double-porte, où un heurtoir en forme de lion m'accueille. Je ne savais pas qu'on était aussi fortuné dans cette famille, et dire que mon grand-père refusait de me payer des colonies de vacances étant petit, alors qu'il trônait sur un tas d'or. Radin va !

Bonne nouvelle, les portes s'ouvrent, j'ai donc en possession les bonnes clés. Connaissant mon grand-père, s'il avait su sa date de péremption à l'avance, il aurait fait exprès de changer les serrures et d'emporter les clés dans sa tombe, juste pour nous emmerder. J'entre dans la demeure en bombant le torse (sait-on jamais), l'air vaillant. Un grand hall d'entrée m'attend, où des marches en faux marbre collent le mur à ma droite, tandis qu'une grande penderie encastrée occupe l'espace gauche du hall. C'était donc là qu'il s'était cassé la figure. Devant les escaliers, une porte mène à ce qui semble être un salon de réception, tandis qu'une autre au fond du hall mène sur une immense cuisine. Mon estomac réagit plutôt bien puisqu'il gargouille à l'idée de manger, et s'il se sent bien ici, alors c'est l'essentiel. La cuisine est très grande, elle possède même une cheminée de cuisson pour cuire la viande au feu de bois. De belles fenêtres donnent immédiatement sur une immense terrasse. A gauche, deux portes : l'une pour le garde-manger, l'autre pour accéderaux utilitaires et garag ; à droite, une double porte menant à une grande salle à manger.

La pièce est à l'image de la maison, grande, bien décorée, pouvant accueillir une dizaine de personnes (mon grand-père n'avait pas autant d'amis rassurez-vous) avec une belle cheminée pour un repas au coin du feu, un miroir y est suspendu, permettant de pouvoir m'admirer. La seule vue de mes cheveux courts bruns, de mes yeux noisettes, de mon nez harmonieux, de mes lèvres charnues et de cette peau si divinement mâte peut déclencher chez moi des garde-à-vous incontrôlables sous mon bas ventre. Quatre statues de femmes nues (ah celui-là...) remplissent les angles de la pièce, tandis que des portes fenêtres s'ouvrent sur ladite terrasse. Une autre double porte à la droite de la salle à manger mène sur un salon familial avec, surprise, une télévision led 8K à écran plasma soixante-quinze pouces ! Bordel ! (Vous voyez, je suis vulgaire quand je jouis).

Je finis la visite à l'étage, rien de très spectaculaire si ce n'est que j'ai le choix parmi six chambres, dont trois d'entre elles possèdent leur propre salle de bain. Je ne choisis pas celle de mon grand-père, mais une autre tout aussi grande, avec cheminée, salle de bain privative (avec la baignoire centrale montée sur pieds avec des pattes de lion cuivrées) et même un bureau personnel ! J'ai une vue impeccable sur la piscine olympique bordée de rochers et de statues grecques (des mâles cette fois-ci !). Elle veut bien plus que quatre-cent-milles euros, mais même pour un million je la garde !

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