La chapelle
Il est neuf heures et trente minutes du matin quand je me réveille. La douceur des draps et le confort du matelas me retiennent dans leurs bras. Je consens. Je ne suis ni un gros dormeur, ni un lève-tôt, encore cette volonté de ne pas m'enfermer dans des cases. Je finis par m'étirer, tout mon corps est tendu, y compris la partie à laquelle vous pensez. C'est le matin que voulez-vous ? Cependant, je n'ose pas recommencer ma partie d'hier, par peur d'attirer un autre esprit ou que sais-je pour venir me mâter. Je sors de mon lit dans ma tenue d'Adam. J'adore me promener nu, c'est tellement confortable, et je n'hésite pas à aller en Allemagne pour partager cette passion avec les natifs, qui ont moins de pudeur vis-à-vis de la nudité, contrairement à la France où l'on fait encore des scandales pour les seins nus sur les plages. Néanmoins, je me fais violence et m'habille (enfin, je mets un caleçon), surtout que je ne suis manifestement pas seul, et que je suis un peu timide face à ce Rudy. Je devrais être terrifié, je devrais m'enfuir, et en même temps je refuse de le faire. Cet esprit ou fantôme n'est pas méchant, juste curieux et un peu voyeuriste. Je n'ai perçu aucune volonté de me faire du mal.
Je prends un bon petit déjeuner, car mon estomac réclame son dû. La lumière matinale éclaire mon torse, dont les jeux d'ombre le mettent terriblement en valeur. Je sens déjà mon bas-ventre grandir à nouveau à cette vue. Je n'ai jamais compris les jugements négatifs portés au plaisir solitaire, alors que c'est souvent beaucoup plus intense qu'une partie à deux. Maîtriser son corps, connaître son plaisir, le jauger, se donner du bien. Si ça ne tenait qu'à moi, je me serai astiqué dans toutes les pièces de la maison. Tout en prenant mon café bien serré, je contemple par la fenêtre la chapelle en bois blanche qui s'élève au fond du domaine. Quelque chose, le destin peut-être, m'intime de ne pas y aller tout de suite et d'attendre la tombée de la nuit.
En attendant, c'est la piscine qui m'attend. Je la nettoie un peu avec une grande épuisette, et m'assure qu'elle soit chlorée. Puis, j'enlève mon caleçon et me jette à l'eau qui me saisit. J'avais en effet oublié qu'il avait plu hier, et qu'elle s'était refroidie. Tant pis, une hypothermie vaut bien ce moment de bonheur. Comme vous le constatez, je nage évidemment nu, parce que je trouve honteux que l'on porte un maillot quand on est chez soi. A la plage, je veux bien, surtout que ce genre de tissu épouse de façon sublime les formes généreuses que certains humains comme moi sont dotés. L'eau est fraîche, mais je m'y habitue vite, je ne suis pas frileux. Je passe toute la matinée, ainsi que l'après-midi dans la piscine, et sur le transat qui la cotoie. L'eau a cet effet magique de totalement revigorer mon corps et mon esprit, je me sens frais, et je prends un plaisir ineffable à bronzer, offrant à nouveau à la nature mes atouts. Evidemment, et parce que je suis un jeune homme plein d'envies, quelques rêveries érotiques font relever le monument de ma virilité. Je n'ose toujours pas me soulager, surtout que la chapelle n'est pas loin. Ce Rudy finira par me trouver pervers.
Le soir venu, vers vingt-deux heures, je décide de presser le destin, et de me rendre en pyjama dans cette dite chapelle. L'air y est frais, je respire après une journée très chaude. Le sol est encore un peu humide à cause de la pluie précédente. L'intérieur de l'édifice est très simple, dépourvu de tout, seul un banc trône en plein milieu, et une Vierge Marie m'admire depuis son promontoire.
— Tu as fait vite dis-donc.
Je me retourne en sursautant, tandis que Rudy se trouve derrière moi, devant la porte. Je lui fais part de mon désir d'en savoir plus sur lui, et que son invitation m'avait tentée. Oui, je suis un homme faible.
— Je dois t'avouer, Yohann, que tu m'ais d'une compagnie très agréable. Il est plaisant d'avoir un tel homme aussi à l'aise avec son corps.
— Cela m'est agréable pour moi-aussi si ça peut vous rassurer. On peut se tutoyer ?
— Non.
Je fais ma moue de frustration, ce qui décoche un petit sourire narquois chez le blond.
— Viens donc prier un peu, pour toi, pour ta famille, pour ton Hôte, tu es dans un lieu sacré après tout.
— Oh désolé, je ne suis pas croyant.
— Pourtant, tu parles bien à un fantôme non ? Allez, agenouille-toi.
Cet ordre me fait frissonner tellement je l'ai entendu dans d'autres circonstances. Je m'exécute, sans trop savoir pourquoi. Le sol est froid et des plus inconfortables. Il m'ordonne de fermer les yeux et de me concentrer. Ma méditation est profonde, je sens comme le monde s'arrêter autour de moi. Il m'intime alors de me pencher, et d'embrasser le sol, comme toute prière l'exige. Etant complètement happé dans mon voyage spirituel, je l'écoute. Je sens alors une main caresser mon dos, mon T-shirt se relève tout doucement, un doigt parcoure le long de ma colonne vertébrale. Je relève instinctivement mon séant, mon bas de pyjama glisse, je sens comme un souffle s'approcher de mes rondeurs. Personne ne m'a jamais pris, mais là, je suis comme déterminé à m'offrir tout entier.
— A demain soir.
J'ouvre les yeux, je suis dans ma chambre, dans la même position qu'à la chapelle, mais rhabillé. Mon coeur bat la chamade, mon cerveau est en ébullition. Ce Rudy m'intrigue terriblement.
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