Il fallait qu’il la ramène lui, bon mon intégration se passe mieux que prévu, si on oublie le coup de traître que m’a joué ma mère. Elsa et Damien sont sympathiques, Mélanie l’est tout autant, et on n’a pas vu Barbara depuis belle lurette. Tout est parfait.

« C’était sympa tout ça, mais on va vous laisser. Merci Elsa pour l'anecdote sur la LDUA. J’espère que j’arriverais à m’intégrer.

• T’inquiètes, faut juste traîner avec les bonnes personnes. Me rassure t-elle en lançant un regard à une certaine personne.
• J’ai l’impression que personne n’aime la compagnie de Barbara. Je me trompe ?
• Chut ! Son nom est synonyme de torture, pour nous, pauvres mortels. De torture mentale. Penser à elle me donne la migraine. » me coupe Elsa

Mon pressentiment se confirme, Barbara n’est pas très appréciée. Vu son comportement, on ne va pas l'excuser. Pourtant, j’aimerais percer la prison de glace qu’elle s’est construite et savoir s’il y a un cœur derrière son armure.

« Allez ciao. On se reverra à la réunion. » conclut Mélanie en faisant un signe de la main

Je pars avec elle saluant à mon tour, les rumeurs se profilent déjà. « Ils sont ensemble ? Ils vont finir ensemble. Ils seront ensemble ». On s'éloigne en les ignorant.

Une fois seuls, on décide d’aller s’asseoir sur notre banc. Celui où Damien a été exclu. Une question me taraude, Mélanie avait déjà prononcé son nom avant, quand il la harcelait pour poser ses fesses à côté d’elle. Ils se connaissaient déjà ?

« Mélanie ! J’ai une question.

• Oui ? Je t’écoute ?
• Tu connaissais Damien avant qu’on ne le rencontre ? »

« Bah non, pourquoi cette question ?

• Je sais pas, tu paraissais avoir une complicité avec lui quand il est venu s'asseoir à côté de toi. Et puis tu m’as pris pour lui, comme si c’était un petit frère agaçant et débile qui te tourne en bourrique.
• Je l’ai rencontré ce matin à 8h. Elsa n’était pas encore arrivée. Tu me crois maintenant ? »

« Oui t’en fais pas. Ça m’a juste paru bizarre, c’est tout. Et Barbara, tu la connais d’où ?

• Bon c’est fini l’interrogatoire là ? Si tu me fais pas confiance, mets moi les menottes et jette moi en cage. » coupe t-elle d’une réplique cinglante
• J’imagine que j’ai eu ma réponse. Rencontrée ce matin à 8h ? »
• Voilà ! Tu m’excuses, je dois aller aux toilettes. Tu peux surveiller mes affaires s’il-te-plaît ? Et ne fouille pas dedans si jamais tu crois que je mens.
• Te braque pas, je ne te reprochais rien. » fis-je en souriant pour l’apaiser

Quelle intensité. Elle est aussi puissante que les éclairs bleutés du lac. Mélanie se lève et disparaît pressée aux cabinets. Devant moi, son sac violet semble rempli de plein de choses. Ne pas fouiller le sac d’une fille, ça va la mettre en colère.

Je me résous à écouter ma voix intérieure et m'empêche de toucher la fermeture éclair. Même si mon côté fouineur aimerait connaître tout de sa vie, le côté rationnel veut le savoir en ayant des conversations sensées avec elle.

Mon téléphone sert donc de distraction, je m’aperçois que mon message précédent est resté sans réponse. Maman, tu ne vas pas me dire la vérité, j’imagine. Le haut-parleur grésille, une nouvelle annonce est en cours.

« Chers élèves, merci d’avoir patienté, le problème est réglé et la rentrée va pouvoir officiellement débuter. Placez vous en rang. Vous serez ensuite dispatchés dans vos classes respectives. À tout de suite. »

J’espère que Mélanie arrivera à temps, si elle est déjà comptée absente, c’est mal parti. L'autre questionnement qui me hante revient : qui est cette Julia qui se fait passer pour ma sœur ? Cette histoire me trouble.

J’entends une certaine personne rouspéter car la rentrée va commencer. Eh ouais Barbara, fini de jouer la maline. Les élèves commencent à se regrouper comme avant, et je vois ma nouvelle amie qui ressort des toilettes, elle s’est refait une beauté. Sa frange rebelle est vers la droite, maintenant.

La sirène regagne son nid et c’est moi qui l’entraîne, cette fois vers les autres élèves. Sans trop rien comprendre, Mélanie et moi nous sommes mélangés à la foule, on est à milles lieux de notre copine respective.

Je vois la jeune fille tenir son sac avec fermeté, elle doit avoir peur de perdre ses affaires, quelques coutures ont lâché. Je n’ai pas pu m’empêcher de le remarquer, ciel, j’analyse aussi les objets, ça ne s’arrêtera jamais.

Revenu au centre de la cour et parmi la file d’élèves. Je fouille dans ma poche, accroche la broche sur le sweat puis attends. Mélanie en fait de même, à croire que nous sommes les seuls à respecter cette coutume. Ah non, j’ai mal vu, Elsa et Damien les portent, comme leurs amis. Profitons de la réunion pour analyser en détail la jolie rouquine, qui connaît un tas de choses ici.

Le directeur arrive acclamé par des applaudissements sincères dont les nôtres et des factices de la bande à Barbara. Certains poussent même la chansonnette, Damien le premier, je ne devrais pas m’étonner, ce type est une attraction à lui tout seul.

« Et pour Morris. Hip ! Hip ! Hourra ! »

Une femme à côté suit Morris, sûrement madame Cresson la directrice adjointe. Ils forment un beau petit duo tous les deux. Je les vois se diriger vers une estrade qui a été installée pendant que nous n’étions pas là. Monsieur Morris règle le micro et le tapote comme lors d’une conférence.

Les ragots défilent dans ma tête provenant de toute la cour : Monsieur Morris a grossi. C’est quoi cette cravate violette dégueulasse, il l’a achetée dans une friperie ? Vous avez vu que Madame Cresson est bien maquillée aujourd'hui…

L’immaturité de certains me désespère, face à ces critiques, le responsable de l’autorité hausse le ton et fait taire les plaisantins.

« SILENCE ! EN RANG OU VOUS AUREZ DÉJÀ DES HEURES DE COLLE. »

Le calme revient d’un coup, ça fait du bien de pouvoir s’entendre penser sans du blabla inutile. Comme je m’en doutais, une personne est là pour troubler cette rentrée ordinaire, et son nom est…

« BARBARA CASTRELLA. Que faites-vous ? 

•  Je mâche du chewing-gum pourquoi ? Vous en voulez un ? »

Cette fille a du culot, ses partisans sont éclatés de rire et Morris lui fait signe de la tête d’aller le cracher. Mélanie à mes côtés comprend mon désespoir. Elsa lui lance des regards accusateurs, elle a une dent contre elle. La jeune fille s’apaise en nous voyant et esquisse même un petit sourire. Trop craquant. Barbara revient quelques instants après, fière d’avoir accaparé toute l’attention. Secouant la tête, le directeur reprend.

« Donc je reprends. Comme nous accueillons des nouveaux...

• Ouais comme chaque année »

Il ne fit pas attention à sa remarque et poursuit son discours. J’admire sa ténacité, elle serait élève dans mon école, je la dégage dès le premier jour. C’est marrant, il semble y être habitué. Madame Cresson reste muette, mais ses regards traduisent sa pensée.

« Des nouveaux qui ne connaissent pas le fonctionnement de l’établissement. Ce n’est pas un pensionnat ordinaire si vous l’avez bien remarqué, nous ne forçons pas les élèves à porter des uniformes. Cela a déjà été fait et c’était désastreux. Donc le système de classe est inexistant ici, on fonctionne par groupes. Il y en a huit en tout représentés par des professeurs acharnés et compétents. Tout cela dans la bienveillance.

[ C’est quand qu’ils la dégagent l’autre blonde ? J’en ai déjà marre d’elle.]

« Mademoiselle Castrella, si ce que je dis ne vous intéresse pas, vous pouvez tout simplement sortir de l'établissement. Et cela vaut aussi pour vous mademoiselle Falkyn. »

Deux remarques en une dizaine de minutes, Barbara Castrella est une légende ici. Celle de l’irrespect. Son amie visée est la fille qui m’a mal parlé tout à l’heure, je ne suis pas du tout étonné.

Leur discussion s’entend, elles parlent fort. Maquillage, télé-réalité et beaux garçons sont le programme de cette conversation inintéressante. Ils ont de la patience à l’Épi Noir. Mais jusqu’à quel point ?

« Donc pour en revenir au code vestimentaire, nous ne sommes pas stricts sauf que les vêtements et coupes de cheveux vulgaires, et irrespectueuses sont proscrits. Oui ! Vous l’avez remarqué, c’est à peu près partout pareil. Chacun de vous possède une clé qui lui donne accès à son dortoir, s’il la perd, il faudra débourser 150 € pour en racheter une et faire la demande au secrétariat auprès de Sandra. Le prix de cette clé étant déduit de l’argent pour votre inscription.

[ C’est un pactole en fait cette clé. Je vais faire gaffe à la garder sur moi, quitte à la mettre autour du cou comme une vache]

«  Si vous avez des questions au sujet de son prix élevé, c’est normal. Il s’agit des anciennes clés du château du duc Seymond, les architectes ont réussi à les conserver et elles ouvrent maintenant les portes de vos dortoirs, qui auparavant étaient des salles d’entrainement pour la plupart. Ensuite, je vous ai remis une broche pour symboliser votre appartenance à l’Épi Noir. Ici nulle histoire de secte ou groupuscule obscur, c’est seulement un souvenir que vous garderez, j’espère. Une marque de fierté.

[ Quand je disais qu’il était bienveillant cet homme.]

« Passons ensuite aux horaires : Petit-déjeuner de 07 h à 07h 30 au réfectoire, il sera ouvert vers 06 h45 pour les plus matinaux d’entre vous, quatre matières s’enchaîneront ensuite jusqu’au déjeuner à midi pile. Une permanence d’une demi-heure ensuite avant la reprise des cours de l’après-midi jusqu’à 17 h 30. Trois heures de libre, n’en profitez pas pour faire du saccage. Le dîner a lieu vers 20 h 30 et le couvre-feu à 23 h 30. Dès cette heure, extinction des lumières, n’est-ce pas mademoiselle Castrella ? Pas de musique à fond aux alentours d’une ou deux heures du matin. »

Je ris dans mon for intérieur, j’adore les piques qu’il lance à cette petite garce, elle le mérite. Le directeur rappella ensuite que le pensionnat ne tolère pas les débats religieux ou politiques. Pas de secte sataniste ici dois-je en conclure. Où est-ce qu'on fout Barbara alors ? Aux ordures ?

La violence et l’irrespect ne sont pas tolérés. Ce rappel des interdictions ne semble pas plaire à cette dernière qui discute avec d’autres élèves. Elle n’en rate pas une celle-là, sans l’ombre d’un doute, une troisième remarque va lui être collée dessus.

Madame Cresson ne dit rien, elle semble dépassée par cette fille insupportable, pourquoi ne la dégagent-ils pas ? Les récalcitrants dans les écoles en général, on s’en débarrasse si on ne peut pas les raisonner.

« Mademoiselle Castrella, arrêtez d’embêter vos camarades. Bon ! Il est temps de faire l’appel. Quand Madame Cresson ou moi-même, nous vous appellerons, levez la main et suivez le professeur. D’ailleurs, accueillons l’équipe éducative de l’Épi Noir.

Le directeur mit une petite musique sur son téléphone, histoire de détendre l’ambiance et huit personnes défilent de l’autre côté de la cour. Cet homme est un génie, il a l’esprit jeune. La petite prestation des professeurs se solda par une danse où ils tournèrent avant de se stopper face à nous, s’écartant d’un mètre.

Les applaudissements retentirent. Cinq femmes et trois hommes, la parité féminine l’emporte, peu importe ce que diront les masculinistes. Mon analyseur personnel se mit en route, qu’il fasse vite, j’ai Elsa à étudier, et puis je dois savoir dans quelle classe je suis, et quelle créature de rêve partagera ma table.