V : Révélations (4)
Nous nous regardons, ce n’était pas une bonne idée de la harceler à ce point, je sens qu’elle est sincère. Elle souffre manifestement de ce drame et se sent coupable. Mais maintenant la vérité a éclaté.
« C’est crédible ! S’exclame Elsa brisant le silence instauré depuis son départ.
— Oui ! Je suis d’accord, elle a du courage pour avoir gardé tout ça pour elle jusqu’à aujourd'hui. On devrait aller s’excuser d’avoir été trop loin dans notre paranoïa. Surtout toi Ben. Tu étais celui en qui elle avait le plus confiance.
— Tu as raison. Je vais lui présenter mes excuses » acquiesçais-je à la réponse de Mathilde, me levant.
Je m’élance à la poursuite de Mélanie partie rapidement. Elle est là, dans la file d’attente du réfectoire qui n'avance pas, elle s’impatiente. Une main sur l’épaule la pousse à se retourner et à affronter mon regard.
« Mélanie !
— Qu’est-ce que tu veux Ben ? Mon explication ne t’a pas suf…
— Je suis désolé d’avoir douté de toi » lui dis-je en l’enlaçant, la serrant fort contre moi ce qui fit glousser les imbéciles du pensionnat ».
Elle se retire de mon étreinte, son sourire revenu. Notre joie sera de courte durée, devant nous une voix forte se fait entendre.
« Bougez votre cul. J’en ai marre d’attendre.
— Ouais, c’est vrai ça. Ça fait quinze minutes que vous n’avancez pas, on a faim nous ».
Quel cauchemar ! Barbara et sa comparse Géraldine. Elles bêlent sur les élèves qui avancent lentement. De loin, je peux aussi entendre une autre conversation. Les filles reviennent auprès de nous.
« Alors, ça y est vous avez signé le traité de paix ? Blague Mathilde.
– On peut dire ça. D’ailleurs, Mathilde tu connais ta camarade de chambre ? Demandais-je.
— Non et toi ?
— Idem ! J’ignore qui est l’heureux élu de la chambre 38 »
À cet instant, d’autres personnes arrivent et Elsa pousse déjà un soupir. Je me retourne et aperçoit Damien Riknov, le phénomène de notre classe, ainsi que Léo Ahnild qui s’avance. Manifestement, ils sont en discussion.
« Vu que tu m’as pris la tête toute la matinée avec ton délire de prédictions, vas y. Qu’on en finisse.
— YOUPI ! Je sais tout de toi, petit caramel.
— Sans le surnom ridicule, ça serait mieux.
— Oui mon… Bref ! Léo, Léo, ton prénom est divin dans mes oreilles, il est synonyme de lumière et donc de puissance. Tu es la réincarnation du tout puissant Zeus, aussi féroce et séducteur que lui. Le charme, tu le manie comme ton éclair ».
La discussion nous détourne de notre sujet initial sur les numéros des chambres, je suis pressé d’entendre la suite des prédictions de Damien. Et surtout savoir quand est-ce que le coup de poing, ou de pied va partir.
« Il n'est pas encore reparti dans son délire ? Demande Elsa avant d’admettre : Ah ! Si.
— Mon cher Léo, tu illumineras le monde de ta beauté et de ta puissance, pas un être mortel ou dieu ne te résistera, que ce soit grâce à la sculpture de ton corps ou de tes attributs masculins. Qu’à l’infini pouvoir de ton cœur.
— Abrège Nostradamius. Je peux savoir qui sera l’élue de mon coeur ? Questionne Léo impatient.
— Patience mon jeune ami ! L’art de la divination est une discipline qui mérite réflexion et demande la maîtrise de certains préceptes. Mais, je peux te dire une chose, ton âme sœur se trouve ici. Dans cette cour ».
Je ris en mon for intérieur, Damien ne vaut pas mieux que tous ces prédicateurs qui me harcèlent, et qui finissent en liste noire. Balayés par l’infinie puissance de la censure. Pour plus de réussite, mieux vaut tous les kidnapper et les livrer à ma mère. Elle n’en ferait qu’une bouchée.
« Dis moi son nom. Insiste Léo.
— Elle se nomme Aphrodite. Elle aussi balaiera le monde par sa beauté et sa simplicité. Je peux te conduire à elle si tu me laisses quelques minutes.
— Vas y ».
Mathilde se tourne à cet instant et le jeune garçon sourit lui faisant un signe, qu’elle lui rend. Elsa lui donne une petite tape sur le bras la faisant revenir à la réalité, puis on se met tous à rire, ayant compris.
« Mathilde ! YOUHOU !
— Oui ? Que… Elsa ? Je suis là. Répond la jeune fille en rougissant.
— Tu es en train de succomber aux vapeurs de l’amour. Rit la rouquine.
— Arrête, c’est même pas… vrai.
— Tu craques sur Léo Ahnild, n’est-ce pas ? » lui demande Mélanie.
Elle ne sait plus quoi dire et cela nous fait rire de plus belle. À quelques pas, les révélations sur l’avenir amoureux de Léo continuent, parasitées par les furies glaciales. Une bagarre semble même avoir lieu.
« Aphrodite de son vrai nom Aphrodite est une déesse grecque. Incarnation de l'amour, elle est pure et belle en même temps. Véritable séductrice, les amants ne résistent pas à ses filets rosés.
— Tu te fous de ma gueule ? Je sais très bien qui c’est, tu m’as dis que tu peux me conduire à elle. Bah fais le. L'interrompt Léo agacé
— Ça fait quinze putain de minutes que j’attends que cette file avance. Tu pourrais faire un effort et te bouger plus vite.
— Non ! Je ne peux pas, j’attends mon amie, elle est partie aux toilettes. Répond l'élève à Barbara.
— Qu’est-ce que ça peut me foutre, j’ai faim. On a tous faim ici ».
La voix de Barbara me prend la tête, moi aussi j’ai faim, mais je ne fais pas un cirque pour autant. Damien et Léo se rapprochent de nous, je vais enfin connaître la révélation attendue.
« Bon ! Elle est où ton Aphrodite ? Y a une centaine de filles dans la cour, tu crois que j’ai que ça à faire d’aller toutes les voir pour leur demander de sortir avec moi ? S’impatiente Léo.
— Du calme bel éphèbe ! Aphrodite est juste là, devant nous. Et tu le sauras dès que vos regards se croiseront.
— Arrête avec ta poésie à deux balles. T’es d’un ridicule mec » L’arrête le jeune garçon en avançant.
Léo arrive vers nous, je me sens coupable de l’avoir engueulé tout à l’heure mais bon, le mal est fait. La question de Mélanie reste en suspens, ce qui confirme l’hypothèse qu’Elsa, Mathilde et moi nous avons.
« Salut ! Lance t-il.
— Léo ! Je.. je voulais m’excuser pour tout à l’heure, de t’avoir crié dessus, tu vois, avec ce qui est arrivé à Mélanie, bah j’ai pété un câble. M’expliquais-je.
— T’inquiètes, c’est du passé. Tu tiens à elle, ça se voit. Au fait, quelqu’un peut m’expliquer ce que me veut Damien ? Il n’arrête pas de me harceler et de parler sans arrêt de mon avenir amoureux, c’est flippant.
— Okay ! Je vais tout t’expliquer ».
Elsa part dans un long exposé nous révélant des informations sur Damien, comme sa croyance en l'astrologie et sa vénération des mythes grecs. Ça me fait sourire, je commence même à l'apprécier à travers le prisme d'Elsa.
« Damien Riknov est un cas spécial, un garçon à part, brillant mais dérangé. Je sais que c’est horrible de dire ça car c’est mon ami, et quelqu’un que j’apprécie, mais faut dire la vérité. Il est fou de mythologie grecque et obsédé par l’amour, qu’il ne connaît pas en réalité. Il ne sait pas ce que c’est. Un jour, il a eu une vision dans un rêve et depuis, il se croit être la réincarnation de Cupidon. Maintenant, il ne souhaite qu’aider son prochain à trouver le véritable amour, en s’inspirant des voyants et avec sa méthode particulière. Hormis ça, il tombe amoureux très facilement au premier regard, il en souffre beaucoup, blessé notamment par les garçons. Il n’a pas froid aux yeux et ose aborder sans gêne ses conquêtes, ça peut être soit verbalement mais aussi par le contact physique… Il y aurait tellement à dire sur Damien Riknov que je pourrais en écrire une décalogie. » résume Elsa en riant.
Nos rires rejoignent le sien, même si au fond de moi, j’ai un peu de peine pour lui. Il doit souffrir et le fait d'avoir créé un personnage de prédicateur sans gêne et un peu fou à lier, doit apaiser ses craintes. Faut que j'arrête avec mes analyses psy moi, c'est dans l'art que je me destine. Enfin ! Ça promet l’Épi Noir, et je sais que Léo partage mon avis.
Damien nous a peut-être entendu mais je l’entends rire. Il doit avoir un problème psychologique pour agir ainsi. Après tout, qui n’en a pas dans ce monde aussi tordu que le nôtre.
« D’ailleurs les gars, grâce à la sangsue qui m’a collée, j’ai récolté un avertissement du directeur. C’est cool moi qui ne voulait pas me faire remarquer, c'est raté. Nous annonce Léo déçu.
— Je te comprends tellement. Moi depuis le début de la rentrée, on m’a collée l’étiquette de la fille irresponsable, maladroite et retardataire. J’ai Alvarez sur mon dos 24/24.
— Vous ne trouvez pas que vous abusez un peu ? Qui a dévalé les escaliers devant toute l'école pratiquement ? À y penser, j'ai encore mal aux côtes. Les coupe Mélanie se les tenant.
— Si c'est un concours de celui qui se fait le plus remarquer, ma place doit être parmi les premiers. Je me suis disputé avec plein de gens aujourd'hui et c'est le premier jour. On fait le décompte ?
— Non ! Arrêtez avec vos histoires de compétition. Vous n'égalerez jamais la championne toutes catégories confondues, notre number one de l'enquiquinement : Barbara Castrella » Nous interrompit Elsa en observant cette dernière.
J'avoue qu'Elsa marque un point, Mélanie semble être de son avis, seuls Léo et Mathilde qui ne la connaissent pas restent muets. Je remarque qu'elle n'a pas l'air d'aller bien, se tenant la tête. Elle se masse le front, comme ce matin, après qu'elle ait salué Léo et la Fille Courant d'Air. Nos regards inquiets se tournent vers elle.
« Mathilde ? Tout va bien ? Lui demandais-je.
— Que… Quoi ? Oui ! Pardon ! J’ai eu une grosse migraine, ça doit venir de la lumière ou du fait que j’ai faim. Ou que je suis épuisée. Bref ! De quelque part. Bredouilla t-elle confuse.
— Tu es sûre ? Insiste Léo.
— Arrêtez de croire qu’on est en pâte à modeler, les gars. Je vais bien. Maintenant que ce maudit mal de tête est parti, où en étions nous ?
— Elsa parlait de Barbara sacrée reine, voire divinité des embrouilles. Rappelais-je avec un petit rire narquois.
— Barbara… C’est une élève de votre classe ? Car je n’ai aucune Barbara parmi mes camarades.
— Ouais ! Castrella. Barbara Castrella. Précisais-je.
— Castrella… Ce nom me dit vaguement quelque chose. Je suis sûre de l'avoir déjà entendu, peut-être à la télé. Elle serait pas une célébrité ou un truc du genre ?
— Euh ! Qu'est-ce qu'elle a fait d'exceptionnel ? À part faire chier son monde.
— Oui ! Mathilde, tu as raison. Elle est très connue en ville. La légende de l'Altesse Glaciale dépasse même les frontières » annonce Elsa.
Annotations
Versions