Chapitre 16
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- Je te présente Péguy !
Il a ouvert en grand les portes de la grange. Je laisse mes yeux s’habituer à l’obscurité. Péguy est une camionnette rose surmontée d’un cochon hilare.
- C’est la reproduction exacte de celle du traiteur qui livre la bouffe. C’est notre cheval de Troyes et c’est toi qui la conduiras.
- Je n’ai pas le permis.
Il me regarde, surpris.
- Mais, tu sais conduire ?
- A peu près, j’ai deux ans de conduite accompagnée.
- Tu as déjà conduit ce genre d’engin ?
- Une fois, oui, mais c’était sur l’autoroute.
- Tu es douée en créneaux ?
- Franchement, pas du tout !
Il reste silencieux, tous ses projets semblent s’écrouler. Il se reprend.
- On a pas le choix ! Tu vas t’entrainer. Tu es le portrait craché de la livreuse. A croire que ton père a une fille cachée.
- Je ressemble à ma mère.
- Il faudra lui demander si tu n’as pas une sœur jumelle qu’elle a abandonné à votre naissance alors !
- Elle est morte.
- Pardon, je pouvais pas savoir.
Il enchaine pour changer de sujet.
- Tu ne t’entraineras pas avec Péguy, Ça nous a pris des semaines pour la transformer à l’identique. Surtout le cochon ! On l’a volé sur un manège ! On peut pas prendre le risque de l’abimer.
- La gamine qui conduit s’appelle Anabelle, elle à 20 ans, c’est la fille du patron. Tous les jours, elle vient livrer à 17h30 précise pour être rentrée avant le couvre-feu. Elle ne passe pas par l’entrée principale. Elle emprunte l’entrée de service sur le côté gauche, qui donne sur une petite cour dédiée à la logistique. En face de cette entrée il y a un porche qui donne dans la cour d’honneur par un passage d’une dizaine de mètres de long, mais elle tourne à droite et recule pour se placer cul au quai de déchargement. Au lieu de te placer là, toi tu t’engageras en marche arrière sous le porche et tu arrêteras Péguy au milieu du passage qui conduit à la cour d’honneur. Tu auras une ou deux secondes, peut être trois, pour faire la manœuvre. Dès que tu auras quitté la trajectoire normale, vous serez en danger. A ce moment le commando quittera le camion et investira le bâtiment par la cour principale. On a créé un passage entre la cabine et l’arrière pour que tu puisses rejoindre les autres.
- Pourquoi je ne m’engage pas directement en marche avant dans la cour d’honneur ?
- On l’a envisagé, mais avec Péguy arrêtée sous le porche on bloque l’accès des gardes à la cour, ce qui vous laisse le temps d’atteindre le bâtiment avant que les gardes de l’entrée principale ne réagissent. Le chef s’appelle Marc. Tu as sympathisé avec lui. Il te drague gentiment. On compte sur ce lien entre vous pour qu’il ne réagisse pas immédiatement et que tu ais le temps de manœuvrer. Tu as compris ou je te fais un dessin ?
- J’ai compris !
Je me baisse et je lui trace un croquis sur la terre battue :
- Je passe par l’entrée latérale. Au lieu de m’engager tout droit dans la cour d’honneur, je profite de la manœuvre pour me mettre cul au quai pour faire demi-tour et je m’y engage en marche arrière. Je stoppe tout, j’abandonne Péguy et je rejoins les autres par le passage.
- 20/20 !
- Il y a beaucoup de garde ? Ils sont tous amoureux de moi ?
- Sur l’entrée principale ils sont cinq, celle de service ils seront trois et honnêtement, à l'intérieur on n'en sait rien, on compte sur l'effet de surprise : une attaque éclair, on repart avant qu'ils aient eu le temps de réagir. Quand c’est toi qui viens, c’est toujours Marc qui gère. Les deux autres ne sortent plus. Ça fait des mois que tu viens tous les jours à la même heure et l’habitude s’est installée. Tu es la clé de voute du plan. Si tu te rates tout foire !
- Je vais commencer à m’entrainer alors.
- Il faut aussi que tu perdes cet accent du sud. Ça ne passera jamais avec Marc, même si vous n’échangez que quelques mots !
- Putain con ! Ça va pas être facile !
Il éclate de rire.
- Une dernière question. J’ai le droit de savoir à quel bâtiment on s’attaque ou c’est secret ?
Il reste silencieux une seconde pour ménager son effet :
- L’Elysée, c’est l’Elysée qu’on attaque !
- On va kidnapper le président ?
- Ce n’est pas le président ! Juste un usurpateur qui a profité du chaos pour prendre le pouvoir par les armes avec le soutien des Russes ! Non, nous n’allons kidnapper personne. Il ne sera pas là. Quand il est là, la garde est dix fois plus importante. Nous allons juste attaquer le Palais, faire le plus de dégâts possibles et quitter les lieux aussi vite que nous sommes arrivés. Cela dit, si jamais on le croise, je me ferais un plaisir de faire un détour pour de le tuer de mes mains !
- On repart avec Péguy ?
- Non, Péguy, on la sacrifie.
Il donne une tape affectueuse sur la calandre.
- On traverse la salle des fêtes, on passe par le jardin et un véhicule nous récupère à la sortie. Ça dure trois minutes, pas plus, sinon on est morts !
- On a aucune chance de s'en sortir...
- Si. ils se sentent en sécurité. Ils n'imaginent même pas que ça puisse arriver. Et puis, l’Élysée est devenu une coquille vide. Officiellement, c'est toujours le siége de la Présidence mais l’usurpateur n’y est que rarement depuis qu'il s'est installé à Versailles. C'est une action symbolique. Symbolique, mais dangereuse. Le plus dur c'est d'entrer. Voilà, tu sais tout. Je vais te présenter les autres.
Max dirait, pour un plan foireux, c’est un plan foireux ! Mais, apparemment, personne n’envisage pas que je me dégonfle.
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