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Au matin, Max est parti sans me réveiller. La guerre continue et je ne suis pas en état de la faire.

  • C'est toi qui as demandé à Max de me dire que j'étais encore belle ?
  • Max n'a jamais fait ce que je lui ai demandé ! S'il te l'a dit, c'est qu'il le pense. Et s'il t'a dit "encore belle”, c'est un goujat !
  • Non… il a dit juste "belle". Mais il ne m'a pas fait l'amour !
  • Et tu en avais envie ?
  • ...N… non…
  • C'est peut-être juste pour ça alors qu'il ne l'a pas fait… 
  • Mais, j'étais tellement bien dans ses bras, juste dans ses bras.
  • Je t'ai promis que tu redeviendrais comme avant. Aujourd'hui tu commences le kiné. Tu as rendez-vous avez Théo. Il est plutôt beau gosse. Mais attention, je t'ai à l'œil !

Il faut manger aussi. Max a laissé ça pour toi.

Elle sort un gros pain de campagne d'un sac en papier.

Je sens monter les larmes. J'ai encore du chemin à faire. Je sais qu’elle ment et que je ne serais plus jamais comme avant. Les cicatrices ne s’effacerons jamais, et pas seulement celles de mon corps. Je suis vivante et eux non. J’aurais dû mourir avec eux. J'aurais pu les sauver si j’avais renoncé à enfoncer la grille. Peut-être qu’ils sont revenus sur leurs pas et que Peggy n’était plus là. Peut-être qu’ils sont morts à cause de moi. Peut-être que je les ai tués.

Max est revenu, reparti et revenu encore. Chaque retour est un bonheur absolu, chaque départ une déchirure. Il n’a pas remplacé le médaillon, il ne me reste que la chaine.

Je réapprends à marcher, à vivre.

* * * *

Ils sont tous les deux-là, plantés devant moi avec leur gueule d’enfants fautifs qui attendent, résignés, que la colère de leur mère éclate après avoir avoué une très grosse bêtise.

J’oscille entre la joie et la fureur. Je me retourne vers la fenêtre. Je regarde la mer mais je n’y trouve aucun réconfort alors je leur fais face à nouveau.

  • Et pourquoi - pourquoi ! - juste maintenant ? Et surtout ne me dite pas que c’était pour me protéger ?

Mais je sais bien que c’est pour ça... Et pour le protéger, lui... Depuis le temps que nous vivons dans la clandestinité, je devrais bien le savoir.

  • Et s’il n’avait pas voulu me voir, vous me l’auriez dit quand ?
  • Et vous croyez que ça ne m’aurait pas aidée de savoir que je n’étais pas la seule survivante ?!

Je ne sais plus où j’en suis. 

Luc est vivant. 

Défiguré, brulé dans l’incendie de l’Elysée, mais vivant. Comme moi.

C’est la première fois que je crie après Maxime. Et je lui en veux vraiment. Je le déteste. Mais quand il s’approche de moi, je le laisse me prendre dans ses bras et je pleure sur son épaule.

  • Est-ce qu’il m’en veut de les avoir abandonnés. 
  • Non, il n’en veut à personne, il est juste heureux que tu sois vivante et il veut te voir.
  • Depuis quand, il sait que j’ai survécu.
  • Depuis plus longtemps que toi. Il est passé par la filière Berckoise, lui aussi, avant d’être transporté à Zuydcoote. Ils sont équipés pour les grands brulés, là-bas...
  • Je te déteste...
  • Non, tu es en colère, mais tu ne me déteste pas... Il n’y a pas si longtemps qu’on a fait le lien entre lui et toi... Et oui, s'il n’avait pas voulu te voir, sans doute qu’on ne t’en aurait pas parlé. Même si officiellement il n’y a pas de survivant, vous êtes recherchés par les autorités. Et vous êtes sans doute très bien placés dans leur liste !

Il a raison. Je suis plus fragile que je ne le voudrais, sinon, je n’aurais pas réagi comme ça. Peut-être que si... Luc...

  • Je veux le voir !
  • On va organiser ça...

Il y a une pointe de regret dans sa voix, peux être un peu de jalousie aussi.

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