Le liquide coula sur les doigts d’Adeline. Elle n’eut pas le temps de réagir que l’homme face à elle lui empoigna la main et tenta de rattraper le gobelet. Ce dernier rebondit sur le sol, faisant jaillir les quelques gouttes restantes sur les carreaux.

– Ah… souffla Adeline sans bouger d’un centimètre.

– Je suis désolé ! s’exclama le fautif avant de rapprocher la main d’Adeline vers lui pour l’examiner.

Les joues d’Adeline devinrent aussi rouges qu’une tomate. Non seulement le professeur Raymond venait de lui renverser son café dessus, mais en plus il lui tenait la main, et il affichait une expression d’inquiétude sincère ! Elle n’avait jamais été aussi proche d’un garçon, encore moins d’un homme. Lorsque Raymond entreprit de l’emmener dans les toilettes pour lui rincer la main, la jeune étudiante réagit finalement et se libéra de son emprise.

– Ce n’est rien ! s’écria-t-elle si fort que tout le couloir se tourna vers eux. Ce n’était pas chaud, ça va… bafouilla-t-elle un ton plus bas.

– Ah, tant mieux, soupira Raymond.

Celui-ci releva la tête et afficha son sourire habituel avant de reprendre la parole.

– Je suis sincèrement désolé, j’étais pressé et je ne regardais pas où j’allais, s’excusa-t-il en se grattant l’arrière du crâne… Tiens, je dois avoir un mouchoir, ajouta-t-il en fouillant l’une de ses poches.

– Ça ira ! s’exclama de nouveau Adeline en levant ses mains face à elle. Merci, ça va, chuchota-t-elle en rougissant d’autant plus. Et puis, vous êtes pressé…

– Eh bien… Bonne soirée, dans ce cas.

Il salua Adeline et ses deux amis abasourdis derrière elle avant de tourner les talons et de continuer son chemin. Qui des trois amis était le plus étonné, personne ne pouvait le dire. En revanche, ce que les autres élèves remarquèrent depuis leur tabouret bancal, c’était l’agitation du professeur Sorel, réputé pour son calme et son attitude détachée par rapport à n’importe quelle situation. A l’instant, il avait l’air sincèrement troublé. Ce n’était pas son genre.

Adeline retourna s’installer à son tabouret en s’essuyant les doigts dans son t-shirt déjà sale. Ne sachant comment réagir, elle ne dit rien, et attendit patiemment que l’un de ses amis rompe le silence. Ce fut Juliette qui entreprit d’apaiser les tensions.

– J’en connais une qui en pince pour son prof’ ! lança-t-elle soudainement.

Adeline releva la tête et sentit ses joues s’enflammer de plus belle. Elle resta bouche-bée un instant avant de réagir.

– M-Mais pas du tout ! bégaya-t-elle en se redressant.

– Tu ne peux pas nier qu’il est très beau, insista Juliette en se rapprochant de son amie, comme pour révéler un secret. En plus de ça, il ne te traite pas comme les autres… chuchota-t-elle en affichant son sourire le plus taquin.

– Ça suffit, Juliette ! protesta soudainement Martin, resté muet jusqu’à maintenant. Une histoire d’amour entre un prof et une élève, ça n’arrive que dans les mauvais romans d’amour, pesta-t-il. Franchement, tu n’y crois pas, Adeline, si ?

– Allez ça va, il est jeune et carrément canon ! continua Juliette sans laisser le temps à Adeline de réagir.

Malgré son sourire jusqu’aux oreilles, Martin n’arrivait pas à le prendre à la rigolade. Il se laissa emporter par ses émotions, et sans dire un mot de plus, remballa ses affaires et quitta le bâtiment. Les deux filles se regardèrent stupéfaites. Ce garçon n’était pas du genre à s’énerver pour ce genre de plaisanteries, c’était même lui qui les faisait habituellement.

– Il est sûrement jaloux, déclara Juliette, tellement convaincue qu’elle n’eût pas besoin de regarder Adeline pour prédire sa réaction.

– Jaloux ? De qui ? tenta celle-ci en espérant obtenir une réponse qu’elle n’attendait pas.

– C’est évident ! sourit son amie. Ne joue pas l’innocente, tu sais très bien de quoi je parle.

Adeline, qui avait pourtant repris des couleurs, tenta de se refroidir les joues en y plaquant ses mains. C’était plus d’émotions en une journée qu’elle ne pouvait en supporter.