Chapitre 1 : Présentation d'un lecteur
J’ai toujours été un grand lecteur. Ce que j’ai fait n’a rien de comparable à ce que j’ai pu lire dans cet univers. Très jeune, il m’est apparu que c’était le meilleur moyen que j’avais pour m’évader.
Je suis né dans le royaume de Vreanoh, planète de la zone est, où toutes les femmes sont majestueuses et où tous les hommes sont courageux. Ce lieu de naissance conditionna le reste de ma vie. Durant celle-ci, je manquai parfois de certaines qualités, mais on ne remit jamais en doute ma bravoure.
Mes parents étaient des gens ordinaires. Ils étaient d’un milieu modeste et gagnaient leur vie en travaillant dans les exploitations du royaume. D’origine humaine, ma mère faisait partie d’un groupe de créatrices de vêtements de survie spatiale. Elle avait beaucoup de labeurs, car les installations de la planète étaient des endroits dangereux pour les personnes qui y exerçaient. C’était une femme douce et aimante. Elle avait durant toute sa vie eu une santé fragile.
Mon père est une notion plus particulière à aborder. Dans un premier temps, parce que je ne l’ai jamais connu. Dans un second temps, car il me rend aujourd’hui indifférent et peu enclin au bavardage à son sujet.
Il rencontra ma mère alors qu’il arrivait sur la planète dans l’idée d’un recrutement administratif aux exploitations spécifiques à l’environnement. Des moments qu’ils passèrent ensemble naquit mon être. J’aimerais vous dire qu’il fut ému à la vision de son fils, qu’à l’instant où il me vit il était déjà à rêvasser de tous les beaux instants que nous allions pouvoir partager. Il n’en fut rien.
Quand ma mère me narrait mon arrivée, elle me disait toujours qu’il avait eu des larmes de joie. Je mis du temps à comprendre qu’elle mentait. J’ai rapidement remarqué ma faculté à voir à travers les mensonges des gens. Je savais qu’elle cherchait à ne pas me blesser. Mais elle ne put rien contre la lettre d’adieu que me laissa mon père.
Lassé de cette planète et de ma mère, il consultait déjà les offres d’emploi à travers la galaxie. Un jour de l’année de mes cinq ans, une annonce apparut comme faite pour lui sur une lune à l’opposé de l’univers. Il ne mit pas longtemps à partir sans vouloir que nous l’accompagnions. Il ne laissa derrière lui qu’une lettre pour chacun d’entre nous. Je n’ai jamais su ce qu’il avait pu dire à ma mère.
À moi, il légua un unique morceau de papier dans lequel il me disait que l’on ne se reverrait jamais. Il m’a même demandé de ne pas essayer de le joindre, et d’accepter qu’on ait des chemins différents. Ce sont des mots durs pour un enfant. Mais le courage est une qualité qui fut précoce chez moi et j’affrontai cette épreuve avec résilience. Il fut d’autant plus facile de rebondir qu’il n’avait jamais manifesté d’attachement ou fait d’efforts envers son fils.
Pour ma mère, il devint un sujet tabou. Moi, je n’ai aucun problème à parler de lui. Je n’ai juste pas envie de bavarder à son propos et ne le considère pas comme mon père. Certes, j’ai son sang, mais ceci n’est que de la science finalement.
Très tôt, en observant les autres jeunes grandir, je me fis une idée personnelle de ce qu’était un père. Un constat apparut vite à mes yeux : ce qui donne de l’importance à des parents, ce sont les valeurs et gestes qu’ils nous enseignent. Ils sont ceux qui répondent aux questions, craintes et multiples interrogations des enfants. Ils sont avant tout des guides sur le chemin de la vie, pas uniquement des géniteurs.
Ma mère correspondait à ces critères. Elle me prodigua souvent des conseils sur les aventures dans lesquelles je me lançais rapidement. Mon père biologique ne l’avait jamais fait. Il n’était désormais en aucun cas digne du qualificatif de parent.
Mais un jeune enfant a besoin d’une figure paternelle. Les autres garçons avaient quelqu’un dont ils pouvaient me parler. Je devais en avoir un moi aussi ! Je décidai de trouver un guide par mes propres moyens.
J’ai toujours été un lecteur insatiable. Il y avait une bibliothèque sur ma planète qui possédait de larges étals de livres provenant de toute la galaxie et de toutes les époques. Ce fut à mes quinze ans que je découvris un livre qui devait changer ma vie. L’aspect du bouquin m’avait souvent retenu de le commencer. Il ne présentait qu’une illustration d’un homme s’accrochant à des plantes grimpantes devant un désert. Sa tenue rouge était excentrique et ne m’inspirait guère. Je ne m’imaginais pas du tout que ce serait dans ces pages que je ferais la connaissance de la personne que je considèrerais comme mon père.
J’étais depuis tout petit à la recherche de celui-ci. J’étais exigeant : j’en voulais un avec des valeurs proches des miennes, qui serait un modèle pour ma vie. Son espèce m’était égale. Bien sûr, je préférais qu’il me ressemble. Mais un homme m’était similaire dans la galaxie, et il était pour moi une déception. Ce critère ne me semblait donc pas le plus important.
Le jour de mes quinze ans, je parcourrai les rayons à la recherche d’un livre que je n’avais pas encore lu. Il ne restait qu’un exemplaire. Je l’avais évité depuis si longtemps qu’il me paraissait inutile de prolonger le suspens. Au moins, je pourrai bientôt me targuer d’avoir feuilleté tous les étalages ! C’était un bouquin provenant de la planète Terre. J’étais moi-même un descendant de cette planète et cela me convainquit de le choisir. Il s’intitulait Le Baron de Münchhausen.
Jamais de ma vie je n’avais ressenti un tel choc. Je me sentis immédiatement connecté à ce personnage. Il ressemblait à l’homme que j’aimerais être par sa stature et ses réussites légendaires. Sur sa planète, la lointaine Terre, il narrait des aventures toutes plus folles les unes que les autres. Sa personnalité enjouée, sa bravoure et son imagination furent des modèles pour moi. Certes, physiquement, les tenues étaient un peu démodées, mais ce n’était qu’un détail ! Il avait fait la guerre, visité la Lune et encore tant de choses spectaculaires pour son époque ! Je sus alors la direction que je souhaitais prendre dans mon existence : une vie de péripéties !
Désormais, à chaque doute qui se présentait à moi, je me demandais ce que le baron aurait fait à ma place ou ce qu’il aurait eu comme conseils. Il devint mon guide éternel.
Je travaillai dans le but d’explorer le monde. J’économisais tout l’argent possible dans ce but. Le départ serait prévu pour mes vingt ans. Ma mère ne comprit pas ma décision, mais elle la respecta néanmoins. Elle me voyait heureux de ce projet. Elle ne me vit cependant pas partir vers l’espace. Elle mourut d’une maladie respiratoire à mes dix-huit ans. Plus rien ne me retenait sur ma planète natale désormais.
J’achetai un vaisseau personnel avec mes économies. Il était petit, mais c’était le meilleur que je pus m’offrir. Il possédait quatre pièces en plus du cockpit. Je le baptisai Descendance. J’avais eu le temps pour planifier ce départ. J’avais créé de longues listes de matériels utiles à mon projet. Je m’équipai de tenues spécifiques. Tout se passa le jour prévu. L’excitation était énorme à l’approche de toutes les aventures que le monde me réservait ! Habillé d’un haut rouge sombre teinté de bleu marine, d’un bas similaire et de solides bottes conçues pour la navigation, je me tenais aux commandes de mon vaisseau personnel. Alors que je partais vers l’inconnu, je jetai un dernier regard à mon environnement natal où je ne devais jamais revenir.
Vous avez peut-être remarqué que je ne vous avais pas donné mon prénom ou nom. Je ne le ferai pas. L’un fut choisi par mon géniteur, l’autre transmis par lui. Ils ne représentaient rien pour moi. À la mort de ma mère, je les abandonnai définitivement. En hommage à mon vrai père, celui que je choisissais, je m’autoproclamai Fils du Baron.
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