Chapitre 3 : Conflits sportifs

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  En orbite autour de la planète Anarsee, j’observais ses plaines jaunes contrastant avec ses nuages bleu ciel. Il semblait mauve de ma position. Le mélange était curieux avec la couleur des cieux. C’était presque irréel. Mon ordinateur de bord recherchait les plans d’accès à la capitale et j’en profitais pour me renseigner davantage sur l’actualité des lieux.

Depuis plusieurs années, un conflit faisait rage entre la classe ouvrière et l’aristocratie. Au centre des dissensions était le mode de vie des deux partis. L’eau semblait être rare sur ces terres. Les plus privilégiés savouraient le plus, laissant une autre matière au peuple : l’huile.

En sachant suffisamment, je dirigeai ma monture mécanique vers le spatioport souhaité. Je n’avais pas la connaissance en politique pour améliorer la situation, mais une idée avait germé dans mon esprit. Le baron original avait su conseiller les plus puissants de ce monde. C’était une noble épreuve que de tenter la résolution d’un conflit par l’astuce plutôt que par la simple force.

Une fois posé, je demandai à un guide de me conduire à travers la capitale au cœur des manifestations. Il accepta, car, aujourd’hui, celles-ci étaient plus pacifiques qu’à l’accoutumée. Lorsque je vis apparaitre les foules, je fus impressionné par le nombre de personnes et la colère qui s’en dégageait. La frustration était telle qu’on aurait pu la sentir dans l’air. Ils souhaitaient du changement. Les habitants de cette planète étaient un genre humain. Je demandai à mon guide de m’attendre proche à une certaine distance avec notre véhicule. Je m’orientais vers le peuple. Une inconnue m’a abordé et m’a questionné : « Pourquoi un étranger comme toi vient-il ici, sinon pour causer des ennuis ? »

— Je vois bien votre colère, j’aurais aimé savoir ce que vous reprochiez à vos classes dirigeantes.

— La répartition de l’eau est injuste. Les élites de notre société ne semblent pas se rendre compte de notre manque et de l’énervement que provoque notre consommation d’huile !

— Que disent-ils face à vos accusations ? m’enquis-je.

— Ils ne nous répondent jamais, et cela malgré toutes nos manifestations. C’est pourquoi la violence monte. Ils finiront par nous parler ! »

Le dialogue me semblait être la pierre manquante à ce conflit. Et pour ne rien arranger, l’huile de cette planète était connue pour être énergisante. Le peuple avait de quoi tirer sa force ! Un plan devenait de plus en plus clair dans mon esprit.

« — J’aimerais avoir une conversation avec votre représentant, demandais-je.

— Qui êtes-vous pour solliciter cela d’un coup ? s’interrogea-t-il.

— Le Fils du Baron. Bien que la population ne m’ait pas encore entendu parler, rassurez-vous, je suis animé par de bonnes intentions. »

Il parut troublé par mes paroles, mais me laissa néanmoins passer tout en m’indiquant une direction. Je ne trainai pas et progressai à travers la foule. Les forces de l’ordre semblaient s’unir autour du monde, ce qui me motiva à aller plus vite.

  Je finis par trouver l’homme que je cherchais. Il était solide avec une mâchoire carrée ; son air n’invitait pas à la conversation. Pourtant, je passai outre ces détails physiologiques et ne perdis pas de temps : « Vous pouvez m’appeler Fils du Baron. Je souhaite m’entretenir avec vous à propos de ce conflit social.

— Vous avez un titre aussi prestigieux que le mien ? demanda-t-il, prêt à s’emporter. D’où êtes-vous ?

— Non, cela me vient d’une lointaine planète. Je suis connu pour avoir franchi les cascades d’Angoass.

— Je n’en ai pas entendu parler. Cela ne me donne pas vraiment envie de discuter.

— C’est là le problème, commençai-je. Il y a un souci de dialogue entre vos catégories sociales. Vous n’arrivez pas à vous faire écouter. Il vous faut un domaine commun qui vous servirait de pont. Peut-être que la situation n’est pas non plus appréciée des privilégiés.

— Et quelle serait ta solution miracle ? Tu sors de nulle part en espérant tout résoudre !

— Un concours sportif », enchainai-je sans flancher. Je ne me sentais pas impressionné par ses remarques. « Ce serait une occasion pour vous de mettre à profit toute cette rage qui vous anime. Le gagnant de telles épreuves aurait l’opportunité de prévaloir politiquement. Mais une organisation requiert un accord global.

— Ce n’est pas une mauvaise suggestion. Si les élites acceptaient la confrontation, nous serions d’accord, je me porte garant des manifestants. Mais je doute que ce soit le cas, cela ne les avantagerait pas.

— Laissez-moi tenter de les convaincre. Je reviendrai vers vous si cela se solde par un succès. »

Fort de cette première réussite, je rejoignis mon guide qui m’attendait proche des forces de l’ordre. Je leur demandai de patienter un peu avant d’intervenir. Ils acceptèrent à condition de venir s’expliquer à la fin de la journée dans leurs locaux.

Il m’amena au centre politique de la ville. La chance jouant pour moi, des élites importantes discutaient activement devant le bâtiment. Le plus gradé des deux me regarda tandis que je leur parlais : « Messieurs, j’ai des choses à vous soumettre.

— Qui êtes-vous ? Vous ne me semblez pas être de notre planète… » prononça l’un des deux hommes. L’autre p plus attentif. C’est à lui que je choisis de m’adresser.

« Vous pouvez m’appeler Fils du Baron. Je viens à vous, car j’ai une idée qui pourrait résoudre d’une manière pacifique vos conflits.

— “Il n’y a pas de solution”, avoua le plus important des deux. Car nous utilisons déjà l’eau dans le processus de création de l’huile ! Le peuple s’imagine que nous gardons tout pour nous. Comment peut-on réussir à communiquer s’ils ne nous écoutent pas ? »

Je compris que je touchais au but avec ma proposition. Si ce qu’il disait était vrai, les deux camps n’étaient pas en guerre totale, juste en incapacité de se comprendre mutuellement. J’expliquai un tournoi sportif où l’enjeu serait l’adaptation politique selon une direction souhaitée par le gagnant. En résulteraient un apaisement global et une occupation mentale pour les plus acharnés. Le succès fut immédiat. Je proposai de réunir des représentants des deux partis pour la signature d’un accord.

  Ainsi naquit la compétition aujourd’hui connue sous le nom des Baronades, comprenant plusieurs disciplines. Le vainqueur aux points mène pendant deux ans sur la planète. Le sport phare est composé d’équipes étranges. Il m’est arrivé de le pratiquer : une plateforme métallique tourbillonnante sur laquelle des joueurs aux chaussures aimantées doivent faire progresser un palet. Les interactions sont dynamiques. Je participai à la première organisation de ces jeux sportifs. J’en profitai pour établir un record sur une épreuve consistant en un tir sur un terrain mouvant.

  Avant mon départ, j’honorai la visite que j’avais promise à la police locale qui voulut savoir qui j’étais. Je testai la réputation que m’avait garantie le parieur des cascades. Le commissaire ne passa pas par quatre chemins et me demanda d’une voie bourrue, mais amicale mon nom.

Vous avez peut-être entendu parler de moi ; je suis le Fils du Baron, dis-je avec un soupçon d’espoir.

— Je n’avais jamais entendu ce nom avant les évènements récents, déclara le commissaire. Vous semblez être quelqu’un d’honnête quoique fou pour vous être interposé comme ça dans ce conflit. Soyez attentif. »

Je le saluai et repartis dans mon vaisseau. La prudence ne peut être conseillée qu’à quelqu’un qui y aspire. Et chez un homme sans peur, elle est inexistante, car c’est un frein à l’aventure. J’aurais souhaité que cette planète connaisse un peu plus mon nom.

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