Ses amis le surnommaient « Dodo », sa mère elle préférait un affectueux « Dona », des « Nana » fusaient parfois de mauvaises langues. Ce jeune homme ne tenait personne en rigueur dans leur recherche de surnom, il souhaitait simplement que son prénom ne soit pas oublié, Donatien. Il ne le détestait pas particulièrement, mais le jeune homme comprit très tôt que la plupart des gens ne souhaitaient pas s’embarrasser à répéter ce prénom peu courant et peu pratique. Ou peut-être avaient-ils du mal à associer un prénom d’empereur romain à un jeune homme métis à l’allure timide et renfermée, même si sa carrure était capable de faire illusion un temps.

Dodo frôlait le mètre quatre-vingt-dix et, malgré sa minceur chronique, affichait une solide constitution. Sans se buter au sport, il prouvait par l’exemple que s’entrainer régulièrement suffisait pour obtenir un corps en bonne santé et assez agréable à l’œil. S’il savait se vêtir convenablement et adoucir ses expressions faciales, n’importe qui aurait qualifié ce jeune homme de « charmant ». Malheureusement, Donatien ne trouvait aucun intérêt à investir dans du textile et encore moins à sourire sans raison. Sa jeunesse le rendait encore un peu mignon, mais plus le temps passait plus le visage du jeune homme se durcissait. Ses traits semblaient taillés dans de la roche, produisant un regard profond, un air sévère et une impression de solidité. Beaucoup, y compris son entourage proche, pensaient en voyant son visage que Donatien appartenait à la catégorie des hommes que rien ne pouvait atteindre.

Ce serait prématuré de le juger ainsi. Cet étudiant en herbe se révélait bien plus délicat que la moyenne, du moins si l’on parvenait à pénétrer son esprit complexe. La simple présence de nuages ou non le matin avait la capacité d’influer grandement le déroulé de la journée du jeune homme. Son humeur, pareil à un roseau, pliait au moindre coup de vent, mais jamais ne rompait totalement. Une singularité mal comprise par ses pairs durant les premières années de sa courte vie. Mais qui au fil du temps avait fini par être acceptée, allant jusqu’à intriguer quelques curieux. Voilà certainement pourquoi il n’avait pas fini seul malgré ce qu'il considérait comme une tare. Cependant, ses amitiés manquaient toujours de quelque chose et le jeune homme se demandait constamment ce qui le différenciait tant des autres. Il ne parvenait pas à ressentir l’attachement profond qu’il décelait chez les autres êtres humains pour leurs proches. Il ne comprenait pas comment les gens pouvaient pleurer à chaudes larmes, bondir de joie ou mourir d’inquiétude pour autrui. Encore aujourd’hui, Donatien était tourmenté par ces questions, y compris avec ses trois meilleurs amis avec qui il allait partager cette nouvelle année universitaire.

La veille de la rentrée, étendu sur son lit, le futur étudiant se repassait le fil des événements depuis leur acceptation dans les murs de la faculté de Broix : de sa joie contenue, presque gênante en comparaison à l’allégresse et le soulagement profond de ses amis ; de la douceur du mois de juillet ; de la terrible quête d’un appartement confortable et n’obligeant pas à sacrifier des bouts de son corps ; des blagues de son père ; de l’anxiété de sa mère ; du départ de son foyer et de la capitale, un peu gâté par sa fébrilité et celle de ses trois compagnons et enfin de l’installation, digne de déménageurs éco plus, réalisée en dix minutes chrono, sans l’option déballage de bagages et de cartons. Les quatre amis avaient déjà compris qu’étudiant rimait avec fainéant. Une rétrospective d’un été unique en son genre qui avait déjà gagné une belle place dans le cœur de Donatien, l’aidant à s’endormir pour quitter définitivement sa vie d’avant.