Chapitre 2 - 2

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Un air de soulagement souffla dans l’amphi lorsque le directeur céda enfin sa place. Un souffle de stupéfaction balaya l’amphi à l’arrivée de l’intervenante suivante. Il s’agissait d’une jeune femme, qui devait dépasser les vingt ans, mais qui ne semblait pas si éloignée du parterre d’étudiant se présentant devant elle. Tout le monde, surtout les garçons, y compris Donatien, furent immédiatement fascinés par elle, à raison. Malgré une taille au-dessus de la moyenne, la jeune femme paraissait frêle et délicate, et son visage très fin n’aidait pas à combattre cette première impression. A première vue, elle paraissait comme l’archétype de la fille jolie et mignonne, mais en contrepartie terriblement timide et apeurée. Pourtant, elle se tenait droite, et semblait très à l’aise face à un public de plusieurs centaines de personnes. Elle respirait la confiance dans une situation où la plupart des étudiants en face d’elle trembleraient de trac. Une force tranquille qui troublait particulièrement Donatien, qui se sentait actuellement comme l’antithèse total de cette femme et qui n’attendait qu’une chose, le début de son intervention public.

- Bonjour et bienvenue à tous ! Moi c’est Marie et comme vous je suis étudiante dans cette fac. Vous l’aurez sûrement deviné mais je suis plus âgée que vous et j’entame ma dernière année de cursus en cette rentrée. Parmi tous mes camarades de promo, j’ai reçu l’honneur de vous accueillir ici et de vous faire rêver un peu.

Elle termina pour le moment sur ces mots engageants, même s’ils ne valaient pas grand-chose face à son sourire si parfaitement dosé : ni trop timide, ni trop forcé, ni trop absent et encore moins bizarre ou malsain. Ce dernier acheva de captiver son audience. La douce, légère, allègre mais justement posée voix de Marie soutenait parfaitement son entreprise de séduction. Donatien sentait qu’elle possédait un talent, de ceux provenant des dieux des arts eux-mêmes, et un charisme tel qu’il n’envisageait même pas l’idée de devenir comme elle en s’entraînant comme un forcené. Elle poursuivit :

- Contrairement à mes prédécesseurs, je ne compte pas vous parler de cours, d’emploi du temps ou de profs légendaires, vous aurez bien le temps de découvrir toutes les subtilités et tous les secrets de cette fac en temps voulu. Non. Aujourd’hui je souhaite plutôt vous transmettre un message. En tant que présidente du conseil des étudiants, votre présidente. Je vous invite vivement à vous intéresser au plus tôt à la vie du campus. Je sais que depuis votre point de vue, cela peut sembler hors de votre portée. Il est vrai que votre nouvelle université est vaste, peuplée et opaque, mais il s’agit désormais, et pour plusieurs années, de votre université. Vous constaterez rapidement que la fac sera votre seconde maison et que nombres d’activités et d’événement prendront place entre ses murs. Dites-vous simplement qu’en vous engageant dans la vie du campus, vous aurez du contrôle sur tout cela. Nous, vos ainés, vous aiderons à rapidement vous sentir à l’aise ici. Alors n’ayez crainte et vivez pleinement vos années d’études. Je peux vous assurer qu’elles sont belles et éphémères, ne gâchez pas cette chance.

Elle acheva définitivement sa courte intervention. Un silence un peu étrange suivit ce discours, avant qu’une gronde d’applaudissement n’envahisse tout l’amphi. Donatien ne fit pas exception, Emilie non plus. Le jeune homme se retrouvait revigoré par une énergie chaleureuse et optimiste qui donna naissance au doux sentiment que cette journée sera bonne. Quoiqu’il advienne.

La matinée d’accueil de la faculté d’histoire s’achevait ainsi, sur le coup de onze heures. Un peu tôt pour manger avec ses amis, mais de quoi lui laisser le temps d’acheter à manger et de visiter un peu le campus. Le temps ensoleillé et le mercure encore généreux convainquirent le jeune homme de flâner un peu. Il n’oubliait cependant pas sa voisine. Il ne savait rien de s’il elle était occupé ou bien si des amis l’attendaient, mais cela ne coûtait rien de lui demander de l’accompagner. Juste afin de tranquillement briser la glace dans un cadre plus favorable qu’un amphi bondé. Donatien, juste après avoir fini de ranger ses affaires, se tourna vers sa voisine et, avec un temps et un peu d’hésitation dans la voix, lui demanda :

- Euhm… tu es occupé actuellement ?

- … oh euh… non…pas vraiment…

Le jeune homme n’avait manifestement pas remarqué que sa camarade semblait concentrée sur autre chose. Pour sa défense, la jeune femme paraissait simplement ranger ses affaires normalement. Mais il semblait clair qu’elle n’avait pas l’habitude d’être abordée. Donatien commençait à être gagné par le malaise, mais il parvient à aller au bout de sa démarche.

- Alors du coup… je compte manger avec mes amis ce midi, mais il reste encore du temps. Du coup je me disais que c’est une bonne occasion de visiter un peu le coin… et je me disais que tu pourrais m’accompagner. Histoire de… de faire connaissance quoi. Ça te dit ?

Ça y est, la fameuse bouffée de chaleur et le sentiment de panique qui commençaient à débouler. La situation n’était heureusement pas hors de contrôle pour l’instant, mais Donatien se sentait mal. Il haïssait ces moments où la réalité lui rappelait qu’il ne restait encore qu’un raté social, incapable de demander quoique ce soit à qui que ce soit sans risquer de suer à grosse goutte. Il ne connaissait que trop bien la suite de ce scénario : la conversation tournerait court et, par la suite, il n’oserait plus adresser ni même regarder sa voisine d’amphi. Le jeune homme se résigna à ce destin familier, attendant fébrilement une réponse qui commençait à se faire tardive. Jusqu’à ce que sa nouvelle camarade ne le délivre.

- Désolé, je… je préfère rester à l’internat aujourd’hui. J’ai encore beaucoup de rangement à faire… mais merci beaucoup d’avoir proposé.

En plus de ces quelques mots inattendus, elle offrit à Donatien un sourire timide et sincère, de quoi le rassurer et enfin lui permettre se comporter normalement. Ce n’était qu’un petit signe, mais il convint le jeune homme de la nature chaleureuse et tendre de sa camarade. Il ne savait pas si son impression provenait de sa petite voix ou de son visage, mais il trouvait qu’elle dégageait naturellement beaucoup de positivité. En tout cas, le jeune homme fut pleinement convaincu du fait que cette fille ne lui fera aucun mal, réduisant à néant le malaise et le stress qu’il ressentait il y avait à peine deux minutes. La conversation devint bien plus fluide et légère, ce qu’elle aurait dû être depuis le début.

- Je comprends. Bon courage pour ton rangement, t’es plus courageuse que moi…

- Ah oui ? Pourquoi ?

- Bah… j’ai toujours pas déballé mes cartons, ni vidé ma valise. Mes amis non plus d’ailleurs.

- Oh, t’es en coloc ?

- Ouais ! Avec mes trois meilleurs amis. On va vivre tous ensemble pour la première fois. Je sais pas ce que ça va donner mais j’ai hâte.

- C’est super ça… finalement c’est toi qui es plus courageux que moi.

- Hm ?

- Personnellement je ne pourrais pas partager ma vie avec des gens que je ne connais pas, je préfère largement vivre seul.

- Je vois… d’où le choix de l’internat alors.

- Oui… et puis je suis toujours dans le campus, j’ai moins de risque de me perdre dans cette grande ville.

Une conversation courte et on ne pouvait plus banale. Donatien en avait conscience mais parvenir à ce résultat avec une inconnue représentait tout de même une grande réussite. Il sentait qu’avec elle, il pouvait parler naturellement, comme avec ses amis. Et elle semblait plutôt enthousiaste à l’idée de pouvoir discuter avec quelqu’un malgré sa réserve. Ne sachant qu’ajouter, le jeune homme préféra mettre fin à la conversation sur une bonne note.

- Bon… je ne vais pas te retenir plus longtemps dans ta quête d’installation. Je te souhaite une bonne journée.

- Merci beaucoup… euh…

- Tu peux m’appeler Dodo.

- Oh ! D’accord…

Elle rit avec beaucoup de retenue, mais sans moquerie. Donatien sourit en entendant ce joli son spontané et tendre. La jeune femme reprit ensuite.

- Moi c’est Emilie. Passe une bonne journée toi aussi.

Après un dernier sourire discret, La jeune femme s’éclipsa tranquillement, semblant allègre et légère. Donatien resta un moment immobile, repensant à cette interaction qui se grava déjà dans sa mémoire. Les augures semblaient très bons.

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