Chapitre 3 - 1 : Passé et avenir
Le moment passé avec Emilie avait finalement permis de faire tourner l’horloge. De peu certes, mais assez pour chambouler les plans de Donatien. Il estima qu’il n’aurait pas assez de temps pour s’adonner à une balade digne de ce nom. Il préféra prendre le temps de trouver un bon repas en attendant l’heure du midi.
Il sortit de la faculté, profitant du beau temps pour prendre du soleil. Toujours sa carte à portée de main, il prit cette fois-ci le temps de l’observer en entier, commençant déjà à s’imprégner du lieu mentalement. Il devina des secteurs selon les disciplines enseignées et la date de construction des bâtiments. Selon lui, le campus pouvait se lire ainsi. Comme il s’en doutait, cet endroit était immense. Rien que de réaliser le tour des bâtiments d’enseignements devait prendre au moins une bonne heure. Et cela ne représentait qu’une fraction de cet immense site. Sur le plan, Donatien devinait à proximité de l’université un complexe sportif tout aussi démesuré, ainsi que l’ensemble des logements pour les étudiants. Penser à quoi pourraient ressembler les internats de ce campus lui rappela rapidement sa nouvelle camarade Emilie.
Il demeurait toujours aussi heureux d’avoir réussi à briser la glace avec elle. Il ne connaissait encore rien d’elle, mais il sentait toutefois qu’il ne se trouvait que de belles choses derrière ses grandes lunettes. D’ordinaire, Donatien se perdrait pour le reste de la journée à spéculer sur ce que pourrait être sa camarade. Pourtant aujourd’hui il se décida à poursuivre le fil de sa journée, comme il avait prévu. Après tout, il était certain qu’il retrouverait Emilie dès le lendemain, pas la peine de précipiter les choses se disait-il.
Le jeune homme se mit alors en route vers une zone surnommée le Marché. Sur la carte de Donatien, il était simplement représenté sorte de rue où se vendait toutes sortes de choses. Curieux, Donatien se dirigea vers ce fameux Marché. Après tout, ce trajet l’arrangeait beaucoup, le rapprochant des facs de sciences où se trouvaient deux de ses colocs. Il lui fallait marcher un peu, repasser par le cloître de tout à l’heure et passer entre plusieurs grandes facultés et écoles avant d’atteindre la rue du Marché. Sur la route, le jeune homme prenait le temps de contempler son nouvel environnement. Il avait beau beaucoup apprécier tout ce qu’il voyait, il restait encore un peu mal à l’aise face à l’échelle démesuré de cet endroit. Lui qui venait d’un lycée de taille modeste, devoir marcher une dizaine de minute simplement pour manger relevait presque de la science-fiction pour lui.
Dans un interstice, il aperçoit une masse de jeune gens déambulant dans une sorte d’allée. Devinant qu’il venait de trouver ce qu’il cherchait, Donatien se faufila dans la petite ruelle en face de lui et une nouvelle surprise s’offrit à lui. Le Marché portait parfaitement son nom, car le jeune homme se retrouva au beau milieu d’une véritable rue commerçante, dont les abords étaient tous occupés par une boutique. Un rapide coup d’œil permit à Donatien de réaliser qu’une grande variété de produit pouvaient se trouver ici, quand bien même les stands de nourriture demeuraient majoritaires ici. Une bonne nouvelle pour lui, qui sentait qu’il allait aisément trouver son bonheur gustatif. Lui restant environ une trentaine de minutes avant que ses amis ne soient libérés de leurs obligations scolaires pour aujourd’hui, le jeune homme se décida à prendre le temps de tout bien observer. Il espérait ainsi vite trouver ses marques, ou plutôt des adresses à retenir et à partager. Mais c’était surtout pour le plaisir des yeux, le jeune homme souhaitant manger facilement aujourd’hui pour pouvoir déjeuner avec ses amis dehors. Après avoir déambulé le long de la rue, il s’achetai un copieux sandwich.
Cela pouvait paraître étrange, mais Donatien ressentit un peu d’inquiétude à la suite de son achat. Il savait que ce midi lui et le reste de la bande devaient se retrouver pour déjeuner, mais c’était tout. Pas de lieu prévu pour s’installer, ni même d’heure et point de rendez-vous. Constatant l’absence totale d’organisation de lui et ses amis, le jeune homme pensait à proposer de se retrouver au Cloître, mais le destin le délivra de cette responsabilité. Un de ses amis, grand adepte de l’improvisation et de l’action à la dernière minute, proposa, pour ne pas dire ordonna, de le rejoindre dans sa faculté dès que possible. Sans discuter, Donatien sortit son plan pour savoir où aller.
Le jeune homme reconnaissait bien là son compère Eddy. Edouard de son vrai prénom. Tout le monde finissait rapidement par l’appeler par son surnom tant il lui seyait bien. En le rencontrant, on tombait sur un grand gaillard proche des deux mètres de haut, mais son manque de goût pour le sport l’empêchait d’être réellement imposant. Il se retrouvait alors avec un corps mince et anguleux, tout comme son visage. Ce dernier n’avait rien de particulièrement remarquable, si ce n’étaient des lunettes carrées plutôt bien choisies, car le rendant très intelligents auprès des inconnus qui l’observaient pour la première fois. Un effort de style vain, car il n’avait pas besoin de se déguiser en intello pour en être un. Sans être exceptionnelle, son intelligence demeurait bien au-dessus de la moyenne et il avait topé toutes les classes, du CP à la terminale, sans jamais trop se fouler. Les plus perspicaces auront déjà deviné son défaut le plus fatal, mais pour les autres : un excès d’esprit qui pouvait être comparable à un excès de beauté. Dans les deux cas la vie devenait si facile que la moindre difficulté ou le plus petit effort à fournir devenaient des obstacles presque insurmontables à ceux bénit par ces dons. Concrètement, Eddy appartenait à la catégorie de gens ayant tendance à procrastiner, ne rien prévoir, ne pas beaucoup travailler et à compter uniquement sur ses talents pour surmonter les problèmes du quotidien. Bien évidemment, ce comportement lui avait déjà joué quelques tours, mais manifestement pas suffisamment nombreux ou traumatisants pour l’inciter à évoluer à ce niveau. En dehors de ces considérations, Eddy, tous comme ses trois amis, passait pour un original aux yeux des autres. Pour son cas, il était légitime de penser que sa réputation semblait justifiée, dans le sens où sa personnalité dénotait réellement de la moyenne des gens. Il faisait preuve d’une exubérance à toute épreuve, ne semblant pas du tout craindre le regard des autres. Il lui arrivait souvent de crier, de prendre des poses étranges à la limite du ridicule au beau milieu d’une conversation pour communiquer ses ressentis ou encore de parfois totalement manquer de filtre. Toutefois, les bienveillants verraient là un garçon passionné, ce qu’il était. À un point qu’il réussissait à enthousiasmer des personnes timorées comme Donatien et l’incorporer dans certains de ses projets fous. Peu de ces derniers aboutissait, mais ce qui comptait pour les deux amis restait les moments mémorables passés ensemble. Donatien appréciait Eddy pour cela : il savait comment pimenter sa vie.
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