Chapitre 4 : Le Bilan
Comme prévu, les quatre amis ne tardèrent pas à quitter la fac de sciences de l’environnement pour se balader dans le parc du campus. Grâce à la carte de Donatien, ils purent rapidement déterminer le chemin le plus court vers le bois. Ils devaient d’abord se faufiler entre la grande école de chimie et la cathédrale de l’université.
A leur gauche, un haut et large bâtiment constitué d’une seule pierre. Il offrant à l’œil une unicité chromatique renforçant l’impression de se retrouver face à un immense bloc de pierre dans lequel aurait été taillés des ouvertures. Avec un toit posé sur son sommet, tel un chapeau.
A leur droite, une succession d’arc boutants et de hauts vitraux se succédaient parfaitement. Malgré sa présence imposante, son plus haut clocher devant aisément dépasser les cent mètres, l’impression donnée par ce monument dédié à Dieu contrastait totalement avec l’école de chimie. A l’inverse du bloc de pierre travaillé par un sculpteur, se trouvait ici un bloc d’espace dans lequel un moule précis aurait été taillé, avant qu’il y soit versé de la roche en fusion qui en se solidifiant créa l’enveloppe fine et détaillée de cet édifice. Une église qui sut captiver l’attention de Donatien et de ses trois autres amis.
- Alors non, il s’agit d’un siège épiscopal. C’est écrit sur la carte. Fit remarquer Aube.
- C’est quoi la différence avec une cathédrale du coup madame je sais tout ? Réplica Donatien.
- J’en sais rien. Et j’ai jamais compris pour il y avait autant de mots différents pour désigner une église. Pareil pour les prêtres. Pourquoi c’est si compliqué la vie… ?
- Voilà le risque à vouloir étaler sa science. Tu es pleine de savoirs mais tu subis en contrepartie la malédiction des intellos.
- Oh, c’est quoi ça encore ?
- Rien bien compliqué, juste t’aimes pas la vie parce qu’elle te déprime.
- Ah d’accord. Du coup Eddy devrait l’avoir non ?
- Normalement ouais.
- Attend j’vérifie. EDDY !
- Quoi ? Demanda l’intéressé en se retournant théâtralement
- T’aimes la vie ?
- Hm… Ouais…Ouais. Enfin sauf quand je me prends des râteaux, quand je dois travailler, quand je dois me déplacer alors que j’ai la flemme, quand je me cogne parce que je fais deux mètres, quand il pleut, quand mes allergies me réveillent au milieu de la nuit alors que je faisais un rêve où j’allais enfin bai-
- Ouais t’as raison, la malédiction existe, en conclue Aube.
- Tu vois je te l’avais dit.
Ben se contentait de suivre la scène de loin, autant amusé de la situation qu’Aube et Donatien. Il ne le laissait pas vraiment transparaître, mais il adorait les délires de ces deux-là. Des passes d’armes toujours inattendus et prêtant toujours à rire. Souvent improductif, cette fois-ci le numéro des deux grands gamins n’empêchèrent pas le groupe d’avancer vers leur objectif. Ils pénétrèrent ensuite dans l’arcade de l’école de génie civil, unique moyen de passer au travers de cette barre de pierre de taille, dont le placement des fenêtres était parfaitement rythmé et le travail de taille des roches tendres ici et là. De quoi perdre son regard si on s’y attardait. Toutefois, cette école ne bénéficiait pas d’un emplacement idéal permettant d’apprécier pleinement le travail sur la façade, si bien que les passants, les étudiants et les professeurs se contentaient d’utiliser ou de passer à travers le bâtiment, ignorant ce qu’il pouvait avoir à offrir.
Les quatre amis atteignirent finalement la périphérie du campus. Seule une grande école de paysagisme les séparait du parc. La quantité de verre qu’avait nécessité la construction de cet édifice et les différentes plantations parsemant les alentours immédiats de l’école retenaient toujours l’attention des passants, au moins un peu. Ça et à cause de la variété des couleurs et des formes des fruits, légumes et feuilles des différentes plantes présentes ici. Le groupe d’ami se fit logiquement happer par ce spectacle végétal.
- Vous croyez que ce qui pousse ici approvisionne les restaus du campus ? Demanda Aube.
- Je pense pas, il y a trop peu de surface plantée. Au mieux ils doivent vendre leur production aux étudiants directement, un peu comme un marché. Suggéra Donatien.
- Ça veut dire qu’ils se font de la thune… devina Eddy.
- Sûrement, mais pas des masses je pense. Au mieux les recettes couvrent les dépenses.
- C’est déjà pas mal, ils gèrent mieux leur budget que nous.
- On vient à peine d’arriver, qu’est-ce que tu racontes ?
- Bah Aube et moi on est des paniers percés, toi tu sauras pas dire non à nos conneries et Ben a beau être le seul à avoir un cerveau dans le groupe, il ne pourras tous nous gérer tous les trois.
- Euh…pff…Ouais d’accord. Mais soit pas aussi pessimiste enfin.
- Si, il le faut. Réplica Aube.
- Perso je décline toute responsabilité en cas de pépin. Pas envie d’être stressée à la coloc à devoir vous empêcher de mourir comme des Sims. Ajouta Ben.
- Allez c’est bon…
Donatien abandonna la lutte avec dépit et le groupe repris son rythme de croisière, pénétrant enfin dans le grand parc. Ils suivirent alors un sentier plutôt confortable, les éloignant toujours plus de la civilisation. Du moins était-ce l’impression laissé par ce petit chemin, humble, au point de presque s’effacer face à la vigueur des végétaux constituant ce bois. Malgré un mois de septembre bien entamé, la météo demeurait encore estivale. Les multiples rayons d’un soleil radieux offraient aux plantes s’enracinant ici de quoi filtrer, tissant une parure d’ombres et de lumière des plus exquises à l’œil humain. L’imagination fertile des quatre amis leur donnèrent l’illusion d’atterrir dans un monde enchanté, où la magie et le fantastique se cachaient derrière chaque feuille. Pour une fois pas un ne pipa mot, encore moins pour sortir une bêtise qui briserait cette atmosphère si douce et chaleureuse. Particulièrement pour Donatien, pour qui cette lumière, ces couleurs et surtout la myriade d’odeurs des innombrables fleurs s’épanouissant ici le ramenaient à son enfance. Plus précisément dans la campagne du sud du pays, où ses grands-parents l’avaient initié aux beautés et richesse de la nature.
Cette marche irréelle semblait pour le groupe avoir durer une éternité, mais non. Seule une petite dizaine de minutes s’étaient écoulées lorsque les quatre amis découvrirent un tableau encore plus grandiose : un immense étang, lui aussi semblant déborder de vie, qu’elle fût animale ou végétale, s’étendait presque à perte de vue. Une sensation véritable d’avoir atterri quelque part dans la région où vivaient ses grands-parents frappa Donatien, lui donnant un air perdu mais serein. Au point de surprendre ses trois amis qui finirent par remarquer l’état du jeune homme. Ces derniers avaient eux aussi été touché par la splendeur de ce qu’ils venaient de voir, mais pas autant que Donatien.
- Ça va Dodo… ? Demanda timidement Aube.
- Ouais… très bien, ne vous en faites pas.
- T’as quand même l’air de planer tu sais ? Fit remarquer Eddy
- Après tout ce n’est pas l’herbe qui manque ici.
Tout le monde ria. Pas tant pour la formule que par le ton détaché et nonchalant qu’avait adopté Donatien, qui avait répondu du tac au tac à la pique de son ami. Sans se concerter, le groupe entama une longue marche autour du plan d’eau, en profitant de l’ambiance nostalgique qui gagnait peu à peu les esprits de chacun pour parler du bon vieux temps. Du lycée, des profs appréciés et exécrés, du gars qui se ramassait un râteau par trimestre, de la fille qui a vanné tous ses camarades derrière un compte troll sur Instagram, mais surtout d’eux. Les quatre amis finirent par se poser sur un banc, ou plutôt Donatien et Ben s’assirent tandis qu’Aube et Eddy restèrent débout pour resserrer le groupe.
- Ça fait déjà sept ans que vous vous êtes rencontrés vous deux !? S’étonna Aube.
- Eh oui, déjà. Soupira Ben.
- Sept ans jour pour jour même. Ajouta Dodo.
- Attend, t’as de la mémoire pour ces choses-là toi ? Repris Aube.
- Ouais, j’ai un calendrier dans la tête. Sauf pour les devoirs bizarrement.
- Ok, on s’est rencontré quand vous et moi ?
- Il y a presque trois ans, c’était début octobre. Tu suppliais Eddy de te filer des tuyaux pour le devoir sur table du jour même. Alors que tu ne nous connaissais même pas.
- Hm… je m’en souviens pas mais vu que c’est totalement mon genre je te crois.
Tout le monde approuva et ria un moment, avant que l’intéressée ne demandât de nouveau à son ami.
- Du coup, comment t’as rencontré Ben ?
- C’est rigolo. En gros j’avais un « pote » fou en sixième. Ce mec avait un autre pote fou dans une autre classe. Et cet autre pote fou avait un pote. Et ce pote c’était Ben.
- Sérieux… ? songea Aube avec circonspection, lançant un regard entre l’interrogation et l’appel à l’aide à Benoît.
- Ça doit être un truc comme ça oui. Confirma Ben.
- Et moi !? Intervint Eddy.
- Euh…Ah oui ! j’avais encore un pote fou en quatrième. Il m’avait dit qu’il avait rencontré un autre fou et qu’il voulait me le présenter. Et ce fou c’était Eddy.
Le groupe éclata de rire, m’intéressé en premier qui se reconnaissait pleinement dans cette description. Avant de faire remarquer à Donatien quelque chose.
- Attend. Du coup si ton fou m’a présenté à toi en tant que fou que tu allais adorer, c’est un peu parce qu’il te prenait pour un fou non ?
- Le fait que t’ai eu autant de potes fous en dit suffisamment sur ta santé mentale Dodo. Lança Aube, avec la bonne dose de sarcasme pour agacer sans courroucer.
- Alors pourquoi vous êtes potes avec un fou qui a eu des potes fous durant tout le collège ? Et toc !
- Parce qu’on a tous eu pitié de toi et qu’on a voulu t’accompagner pour pas que tu meures bêtement.
- Mais ne faut-il pas être fou pour aider un fou ? Triompha Donatien. Du moins un peu à moitié. Il avait beau avoir remporté l’échange, cette victoire lui coûta chère d’une certaine façon.
Mais tout le monde passait du bon temps en cet après-midi. Pour Donatien, cela ressemblait au véritable dernier jour des vacances d’été de cette année. Elle était plus qu’inattendue, mais le jeune homme la savourait pleinement. Entre deux répliques, il humait les odeurs de pollens des fleurs et savourait les caresses de la lumière tamisée du bois derrière le banc sur lequel il était assis. Une sensation contagieuse qui gagna les quatre amis qui eux aussi se mirent peu à peu à se taire pour s’immerger dans ce cadre idyllique, pour peut-être la dernière fois de l’année. Ainsi, le groupe reprit sa balade, parvenant à faire le tour de l’étang à leur rythme. De quoi laisser l’après-midi s’écouler, jusqu’à l’apparition des premiers coups de vent frais de cette soirée d’inter-saison. Habitué à une chaleur douce, la bande s’accorda à commencer à rentrer à la coloc. Malgré tout, le soleil demeurait encore assez haut dans le ciel, mais les quatre étudiants devaient se ravitailler avant de se reposer un peu. Puisque tous avaient décidés de fêter cette rentrée en sortant ce soir. Pour manger, découvrir leur nouveau quartier et, éventuellement, s’amuser.
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