Chapitre 5 - 1: Première soirée
Remontant le chemin emprunté à l’aller, le groupe trouva rapidement la sortie de l’université pour se diriger vers leur immeuble. Sur le trajet, chacun avait repéré le même petit supermarché de ville. Comme un seul homme, sans concertation, la bande se dirigea et entra dans l’établissement aussi naturellement qu’un habitant du quartier. Ils remarquèrent rapidement que très peu d’étudiants fréquentaient cet endroit actuellement. Un fait anodin qui pourtant les frappa un peu plus que cela ne le devrait, au point où Eddy se vit obligé de lancer une discussion à ce sujet, toujours d’une voix mal posée et sonore qui attira vite l’attention sur eux.
- Je crois qu’on est les seuls étudiants du campus du coin. Pourtant on est proche de la fac.
- Après c’est la première fois qu’on vient ici. Si ça se trouve on est pas à la bonne heure pour croiser des jeunes. Objecta Aube.
- Mais en allant à la rentrée ce matin, j’ai trouvé le quartier plutôt calme. C’est pas soucis en soit, mais je crois pas qu’il y ai beaucoup d’animation ici. Analysa Donatien.
- Ouais, je pense que t’as raison. En sortant du campus, j’ai vu beaucoup d’étudiant aller vers le fleuve. Les coins avec des étudiants ont l’air d’être plutôt part là j’ai l’impression. Ajouta Ben.
- Effectivement vous avez vu juste.
Personne du groupe n’avait prononcé cette phrase, notamment parce que personne parmi les quatre amis ne possédait cette voix rauque et un peu usée par le temps. Après un temps où chacun se regardait en se posant tous la même question, ils identifièrent rapidement la source de cette réplique. Un homme âgé, non loin d’eux, qui semblait faire ses courses tranquillement jusqu’à ce que la voix portante d’Eddy ne le poussât à porter une oreille à la conversation des jeunes. En le regardant plus attentivement, le groupe compris qu’il s’agissait d’un jeune retraité bien portant, assez élégant, sans non plus trop en faire, et qu’il semblait avoir habité le coin depuis pas mal d’années. Le plus naturellement du monde, le vieil homme précisa sa réplique, ayant capté l’attention de son auditoire :
- Si d’ici vous allez vers le sud, jusqu’au fleuve, vous tombez sur le quartier latin. C’est un chouette coin toujours très animé et où la vie n’est pas trop chère pour les jeunes. Et pas très loin de là, vous avez la rue de la soif de notre ville. La majorité des étudiants résident dans ces deux endroits, en plus des internats dans le campus. Si ça peut répondre à vos questions.
Cet homme s’exprimait à la fois comme un vieux sage et un grand-père aimant. Un mélange efficace qui sut séduire immédiatement les quatre amis, qui virent en lui, après cette seule réplique, une sorte de guide leur permettant de s’y retrouver dans cette si grande cité. Sans attendre, Eddy entretint la discussion en posant davantage de questions.
- Merci pour ces renseignements monsieur. Ça signifie donc bien qu’on est dans un quartier paumé.
L’ancien ria un peu du pragmatisme du jeune homme en face de lui, détendant d’autant plus l’atmosphère et brisant davantage la glace entre lui et le groupe d’ami. Enthousiaste, il lui répondit aimablement.
- Pour des jeunes comme vous sûrement. Mais n’importe quel Broixien vous dira que vous êtes des privilégiés de vivre dans le calme. Notre ville est si agitée… Et si ça peut vous consoler, pas mal d’étudiants sont éparpillés un peu partout dans tous les coins de Broix. Vous n’êtes pas les seuls à être un peu isolés ici, ne vous en faites pas.
Les réponses précises à leurs questions et la bonhommie de cet homme incitèrent les quatre amis à prendre le temps de discuter avec lui. En apprendre un maximum avant qu’il ne disparût pour toujours devint l’objectif numéro un de chacun. Ben ne perdit pas de temps et demanda.
- D’ailleurs, on aimerait sortir ce soir tous les quatre. Merci pour nous avoir indiqué ou se trouvait la rue de la soif, mais vous savez où l’on pourrait manger pas loin de chez nous ? Enfin euh… d’ici quoi.
- Oh, bonne question. C’est vrai qu’il n’y a pas grand-chose dans les parages. Sauf un Italien qui s’est installé ici il y a deux ans. Si vous comptez manger avant de passer la nuit dehors, je pense que c’est l’idéal. Sa pizza Napolitaine est exquise au passage. Je ne sais pas où il se procure ses anchois mais que c’est bon…
Les quatre amis sourirent sans le vouloir face à ce vieux monsieur qui semblait passer le meilleur moment de sa journée. Parler de son quartier l’avait enchanté comme rarement, au point de le surprendre lui-même. Il reprit après un temps.
- Oh excusez-moi, je dois vous embêter en parlant autant…
- Non non du tout. Au contraire !
Eddy paraissait être le plus enthousiaste. Il fixa un moment l’homme en face de lui avant de se remémorer quelque chose.
- On ne s’est pas déjà vu monsieur ?
- Maintenant que vous le dites… Mais où ? Et dans quel contexte ?
Donatien fut d’abord surpris par la remarque de son camarade. Puis il observa à son tour le vieil homme quelques instant, avant d’exulter.
- Si je me souviens ! vous êtes notre voisin du dessous ! Vous nous avez encouragé moi et Eddy brièvement quand vous étiez rentré chez vous samedi soir.
- Ah… oui je me souviens maintenant. C’est pour ça que vous me paraissiez bien sympathiques pour de jeunes inconnus.
- C’est sûrement un signe du destin… Suggéra Eddy.
- Sans doute ahahah… En tout cas ravi d’avoir discuté avec vous. Si besoin, vous savez désormais où me trouver.
- Oh… on pourrait pas discuter un peu plus ? Demanda une Aube un peu triste.
- J’aimerais bien, mais ma femme m’attend. C’est à mon tour de préparer le dîner. Je vous souhaite une bonne soirée et à bientôt les jeunes !
Tout le monde se salua et reprit le cours de son début de soirée. Le groupe toutefois demeure toujours sous le charme de cette rencontre fortuite et fructueuse.
- On a quand même beaucoup de chance. On vient de se trouver un papi protecteur rien que pour nous ! Se réjouissait Aube.
- Pas sûr qu’il recouvre nos dettes hein… Rappela Donatien.
- Tu pouvais pas me laisser rêver un peu toi… ?
- Nan.
- Après on peut toujours demander. Fit remarquer Eddy.
- Vous parlerez de ça plus tard, le magasin va bientôt fermer.
Comme souvent, Ben savait remobiliser ses trois amis si facilement distraits. Un peu dans la précipitation, le groupe acheva ses commissions, devant toutefois repasser les jours suivants pour acheter les nombreux oublis de la journée.
Avec un sac plein, porté par Donatien qui a perdu trois fois d’affilée au chifoumi, les quatre amis regagnèrent leur coloc. Le rangement des courses leur permit de mettre un peu d’ordre dans leur cuisine et salon, jusque-là pas rangés. Encore tôt pour dîner, le groupe en profita pour réellement profiter pour la première fois de leur nouvel appartement. Ce dernier demeurait un peu petit pour quatre jeunes adultes, mais le rapport qualité-prix restait extrêmement avantageux, compensant son éloignement des cœurs battants de la vie étudiante de la ville. Toutes les pièces étaient bien meublées et équipées, assurant un bon niveau de confort et surtout, chacun possédait sa chambre. Fait rare dans cette ville au bâtit ancien et aux logements parfois exigus pour les petites bourses. Cela n’avait beau pas être la maison, Donatien se sentait déjà à l’aise ici, la bière à la main et nonchalamment affalé sur un des deux confortables fauteuils du salon.
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