Chapitre 5 - 2

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Une petite heure passa et l’assombrissement du ciel ainsi que les gargouillements d’estomac poussèrent le groupe à se préparer à sortir pour la soirée. Direction l’italien indiqué par le vieil homme du dessous.

- Comment il s’appelle d’ailleurs ? on ne lui a même pas demandé… Se désola Aube.

- Il est juste à côté de chez nous, on peut sonner pour lui demander. Suggéra Eddy.

- On peut tout simplement lire son nom de famille sur sa boite aux lettres sinon. Assena le plus naturellement du monde Ben.

- Au pire on lui demandera la prochaine fois qu’on le croisera…

La réplique de Donatien mit fin au débat et le groupe se retrouva dehors. Le soleil couchant offrait toujours ses rayons, moins tendres et chaleureux que cet après-midi toutefois. Pareillement, la température faisait de son mieux, mais l’affaiblissement du soleil le força à rafraichir l’atmosphère. La météo demeurait cependant plus que clémente pour un début de soirée, motivant le groupe et profiter et rester hors de leur appartement le plus longtemps possible.

Quinze minutes environs après leur départ, Donatien arrêta le groupe. Son instinct lui indiquait qu’ils étaient arrivés à destination. Car au milieu d’un quartier plutôt terne et monotone, avait surgi un rez-de-chaussée vert forêt plutôt sobre, mais dont la netteté et l’originalité tranchais radicalement avec les tons blanc cassé et grisâtre du coin. L’élégance de la police d’écriture pour l’enseigne l’interpela aussi, lui rappelant immédiatement ce pays à la gastronomie si riche et alléchante. De toute façon, l’odeur de cuisson provenant de l’établissement aurait tôt ou tard assaillit Eddy ou Aube, qui avec cela auraient pu retrouver leur chemin sans difficultés.

Le groupe entra discrètement, découvrant une salle propre et au design historiciste. Un choix esthétique souvent casse-gueule, mais qui ici dégageait un certain charme. Les concepteurs avaient évité le piège de trop en faire en proposant une bonne alchimie entre éléments historiques et contemporains. Peu de tables étaient occupées, si bien que le service fut rapide. Le groupe reçu l’assistance d’un serveur d’environ dix ans de plus qu’eux et se retrouva à une table confortable près d’une des vitrines du restaurant. Vint ensuite la question du choix du repas, particulièrement stratégique et ardu pour nos quatre étudiants. Donatien ouvrit le bal avec sa préoccupation du soir :

- Vu qu’on va marcher, vaut mieux un truc assez léger non ?

- Askip c’est mieux de manger du gras pour résister à l’alcool. Et vu qu’on risque de picoler… Objecta Aube.

- Ou on risque juste de mourir de faim si on ne mange pas assez… Fit remarquer Eddy.

- Et comment tu payes ton menu maxi best-of italien toi ? Ironisa Ben.

Chacun possédait ses priorités. Là où normalement le groupe devrait tout de suite passer commande, nos quatre amis préférèrent défendre leurs choix comme les meilleurs. Il ne fallait pas y déceler une guerre d’égo mal placée ou une dispute de jeunes adultes puérils, mais simplement un groupe d’ami qui prenait plaisir à s’envoyer des pics. Après tout, ils rigolaient bien davantage ainsi qu’en se comportant normalement.

Le dîner s’était déroulé sans encombre et la bande prit tranquillement de temps de bien savourer leurs mets et de tomber sous le charme de cet établissement. À leur sortie, la nuit venait de tomber et seul l’éclairage public et quelques fenêtres des immeubles de cinq étages illuminaient les rues dans les parages. Hésitant entre se diriger vers le quartier latin ou la rue de la soif, le groupe se décida finalement à aller au sanctuaire de la boisson, estimant que la plupart des étudiants de la ville étaient plutôt du genre soûlard qu’intello. Un peu comme eux en somme. Toutefois, ils atterrirent autre part. En effet, non loin de la rue de la soif, au cœur du centre-ville, un établissement leur avait tapé dans l’œil : la taverne des Taupes. Ce nom avait parlé à Eddy, qui avait fait le lien avec les taupins, surnom des étudiants de prépas. Avec pour seule certitude cette intuition de leur ami, les quatre étudiants changèrent de route pour pénétrer dans ce bar à l’aspect simple, mais convivial et chaleureux. Autant dire que le pari fut gagnant. Pensant dénicher du cuivre, la bande découvrit de l’or. Les différentes salles étaient certes très bruyantes, mais tout le reste se trouvait être parfait pour le groupe : belles lumières, beau mobilier, un peu de confort et surtout beaucoup d’ambiance et de jeunes gens avec qui potentiellement rigoler toute la nuit.

Les quatre amis parvinrent à se frayer un chemin pour trouver probablement la dernière table de libre, dans un coin et cernée par au moins une dizaine d’étudiants. Malgré le monde, la bande prit vite ses marques, s’installa, commanda et commença à discuter. Rapidement, l’alcool et l’atmosphère de l’établissement agirent sur nos quatre amis et ils se fondirent dans le décor. Du moins avant de se démarquer. Il avait beau devoir crier pour se faire entendre ici, la forte voix d’Eddy le rendait identifiable au milieu de cet enfer auditif, ce qui représentait une sacrée performance en soi. Un exploit individuel qui allait être récompensé, puisqu’une de ses bêtises presque hurlées par ce ténor du dimanche arriva aux oreilles d’un groupe d’étudiants voisin. Loin de semer le malaise, ces derniers rirent de bon cœur avant de converser avec la bande. Particulièrement une fille qui trouvait Eddy extrêmement drôle. Se rapprochant vite de lui, cette inconnue commença à s’immiscer dans le groupe.

- T’es qui en fait du coup ? lui demanda finalement Eddy.

- Je m’appelle Ana ! et vous ?

- Enchanté Ana ! Moi c’est Edouard, mais appelle moi Eddy. Lui c’est Benoît, mais tu peux l’appeler Ben. Elle c’est Aube mais tu peux l’appeler Aube et…

Il fut interrompu par un éclat de rire cristallin, malgré la fatigue et l’alcool, de la jeune femme à l’origine de cet agréable son. Du moins pour Donatien, qui appréciait déjà l’accent hispanique de sa nouvelle camarade. Il devinait avec ce détail qu’elle semblait être étrangère. Malgré des traits, des cheveux blonds et des yeux noisette plutôt communs, son teint assez hâlé prouvait une exposition au soleil bien supérieure à ce que l’on pouvait expérimenter sous les latitudes de Broix. L’analyse du jeune homme n’alla pas plus loin, puisqu’Eddy le présenta alors à Ana.

- …Et donc lui c’est Donatien, mais appelle le Dodo, c’est beaucoup plus pratique.

- Oh ! Donatien ! Incroyable, tu es un empereur romain en fait !?

- Si seulement…

Tout le monde cette fois-ci ria, y compris l’intéressé. Donatien souriait toutefois de bon cœur, rare étaient les gens à sincèrement trouver son nom bien choisi. Ce simple détail lui permit d’éprouver beaucoup de sympathie pour cette jeune femme qu’il ne connaissait à peine. Curieux, il prit l’initiative de la conversation.

- Sinon t’es étudiante toi aussi ?

- Oui ! à la fac de Lettre. Je veux devenir traductrice.

Le jeune homme sentit que cette réponse pouvait être un prétexte parfait pour vérifier sa théorie. Il avait imaginé durant les vacances d’été rencontrer des étudiants étrangers à la fac, perspective qui, pour une raison qu’il ne parvenait pas à identifier, s’avérait être particulièrement enthousiasmante.

- Ok d’accord. Tu viens pour perfectionner ton français j’imagine ?

- Entre autres oui. J’ai déjà appris le français au lycée français de ma ville, mais je voulais en apprendre plus. C’est pourquoi je suis ici.

- Quel pays alors ?

Le manque de délicatesse d’Eddy frappa une nouvelle fois. Mais Ana se démarqua encore en ne se braquant pas et sans non plus éprouver de gêne. Au contraire, elle semblait pleinement compatible avec lui, et le groupe de façon générale. A ce moment-là, Donatien sentait qu’elle deviendrait un membre de la bande d’ici quelques jours grand maximum.

- Colombie ! Je n’ai pas de drogue sur moi par contre, je ne touche pas à ce genre de choses.

- Pas grave, j’en ai pas besoin pour être fouuu !

Les deux partirent en fou rire, avant que les autres ne les rejoignissent par contagion. Une grande partie de la soirée vit ce motif se répéter : Eddy posait une question à Ana, cette dernière répondait en essayant de faire rire son audience, Eddy répliquait avec une absurdité toujours plus grosse que la précédente, provoquant mécaniquement des éclats de rires. Tant chez ses amis que chez des oreilles indiscrètes qui devenaient au fil de la soirée un public satisfait. Outre ce règne de la légèreté et de l’amusement, le groupe en appris beaucoup sur cette jeune femme.

Minuit s’approchait. Donatien s’en rendit compte en constatant que le niveau sonore avait diminué et que l’établissement paraissait bien plus vide que tout à l’heure. Mais ce fut Ana qui marqua la fin du spectacle improvisé.

- Bon, je dois rentrer. Merci pour cette soirée et ravi de vous avoir rencontré. Et… je veux bien passer d’autres soirées avec vous !

- Pas que. Je suis toute la journée à la fac de sciences de l’environnement, tu passes quand tu veux ! S’enthousiasma Eddy.

- Vraiment ? Trop bien !

- On peut venir nous aussi ? Ironisa Donatien, dont la joie d’Ana lui paraissait curieusement satisfaisant.

- Bien sûr ! Sauf toi, tu dois payer une taxe maintenant.

- Ce n’était pas une question.

Sur ce dernier trait d’esprit, le groupe et Ana quittèrent ensemble la taverne des Taupes avant de se séparer dehors. Elle se dirigeait vers le quartier latin tandis que la bande rentrait vers leur quartier paisible, encore davantage à cette heure tardive. À peine la jeune femme partie, la conversation des quatre amis reprit, tourant autour d’elle. Tout le monde fut surpris de sa réceptivité à leurs délires, surtout à ceux d’Eddy qui de loin était le plus difficile à suivre. Toutefois, le sentiment général demeurait un optimisme jamais ressenti par chacun. Tous avaient connu la solitude et l’isolement à une moment de leur vie. Même après s’être rencontré, ils avaient passé tout leur lycée entre eux, pratiquement. Voir Donatien et Eddy rencontrer de nouvelles personnes et se lier d’amitié avec représentait déjà une immense victoire et offrait de belles perspectives quant à leur avenir ici. Cette première journée avait réussi à dissiper de nombreux doutes pour chacun.

Au bout d’une vingtaine de minute, la bande gagna leur coloc. Sans perdre de temps, tous gagnèrent leur chambre pour rapidement se préparer à dormir. Sachant que la nuit serait courte au vu de l’heure, l’ambiance était pas mal redescendue, pour le mieux. Le calme retrouvé du foyer permis à Donatien de rapidement retrouver sa routine de sommeille et de passer une belle nuit. Avant de totalement s’abandonner à Morphée, il se remémorait avec plaisir cette journée qu’il savait déjà mémorable.

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