Chapitre 7 - 1 : Démonstrations

5 minutes de lecture

Une météo plus que clémente accueillit Donatien et Emilie lorsqu’ils quittèrent la fac d’histoire. Depuis ce matin, le mercure était bien remonté et le soleil enveloppait l’atmosphère de chaleureux rayons ayant la gentillesse de ne brûler ni la peau ni les textiles. Ajoutés à certainement les dernières brises d’été de l’année, ce milieu de journée était idéal pour déjeuner dehors.


Les deux étudiants marchaient côte à côte, sans être spécialement proche non plus. Le jeune homme ouvrait la marche, sachant parfaitement où il allait, tandis que la jeune femme se trouvait presque dans son sillage, se demandant dans quelle partie de cette petite ville son camarade l’emmenait. Elle n’eut pas à se poser longuement la question puisqu’ils arrivèrent devant le fameux passage devant lequel Donatien devina la position du Marché.


- Ah ! Voilà, c’est par là ! Viens !


Il accéléra légèrement le pas, attiré par les multiples odeurs de cuissons et de fritures. Contrairement à hier, il pouvait se permettre de prendre un peu son temps pour ce midi, libre de l’obligation de retrouver des amis à un instant t loin de sa position. La perspective de se laisser tenter par son estomac, son nez et ses yeux l’enchantait déjà, au point de presque oublier sa camarade qui peinait à le rattraper.


- Eh ! attend-moi !


- Oh pardon… je meurs de faim je t’avoue…


- Je vois ça…


- Pour me faire pardonner, je te laisse choisir où manger.


- T’es sûr ? Je pourrais te piéger tu sais.


- Oui, mais tu ne le feras pas. Je ne pense pas que tu supporterais de passer la journée le ventre vide juste pour me punir.


- Peut-être bien que… nan t’as raison.


Une fois ce petit contentieux réglé dans la joie et la bonne humeur, les rôles s’inversèrent. Donatien se mit en retrait, lui permettant d’observer plus finement cette rue au-delà de la variété de nourriture qu’elle avait à offrir ; tandis qu’Emilie se concentra sur les enseignes et menus affichés dans le but de sustenter au mieux son partenaire de TD. Elle aussi par la même occasion.


La jeune femme trouva assez rapidement, du moins selon Donatien, un établissement intéressant. Ses allures de bistrot discret, presque banal, mettait en valeur la qualité et surtout l’attractivité de son menu. Simple, tenant sur le recto d’une feuille A4, il contenait l’essentiel : des plats aux descriptions appétissantes, plutôt copieux, sans être trop lourd et surtout très abordables. Ce n’était sûrement pas de la meilleure des qualités, le jeune homme estimait que rien que dans cette rue il serait possible de trouver mieux à ce niveau, mais le rapport prix/plaisir et remplissage de panse paraissait plus que correct.


- J’aime beaucoup, merci pour ton choix avisé.


- Mais je t’en prie.


Les deux camarades choisirent de s’installer à l’extérieur après avoir été reçu par l’un des élégants, mais jeune serveur. Ils demeurèrent taiseux durant plusieurs minutes, chacun occupé à choisir de quoi récompenser leur estomac, en vue de l’après-midi chargé qui les attendait. Le choix du jeune homme s’arrêta sur une copieuse daurade royale, cela ayant pour effet de le rendre impatient, mais également de l’ennuyer. Emilie était toujours occupée à chercher de quoi se satisfaire. Comme souvent dans ce genre de situation, le jeune homme laissait son regard se perdre autour de lui. Contrairement à lorsqu’il marchait, être assis et sans rien pour le presser lui permettait de finement observer son environnement. Rien ne passait sous son regard entrainé et aguerri : chaque passant se trouvait sans le savoir rapidement analysé, chaque texture du sol, des murs, du mobilier et des divers objets présents identifiés et chaque détail de la façade de l’école de l’autre côté de la rue décelés.

- Ça va ? Tu regardes quoi ?


Donatien était si absorbé par son petit jeu que la question d’Emilie se le fit sursauter, à la manière d’un réveil brutal à la suite d’un mauvais rêve ou d’un bruit de sonnerie. Il avait presque oublié la présence de sa camarade à ses côtés. Le jeune homme conservait encore ses réflexes de personnes sortant et passant la majorité de son temps seul. Pour une fois, quelqu’un semblait s’intéresser réellement à ce qu’il pouvait lui traverser l’esprit, alors il fit l’effort de partager au mieux ses multiples pensées.


- Je regardais un peu tout, avant de me concentrer sur ce bâtiment-là, en face de nous.


- T’aimes bien l’architecture ? Vu que tu sais dater des édifices


- J’suis pas un expert, mais vu que ça se marie bien avec l’histoire je m’y suis intéressé.


- J’imagine… tu penses quoi de ce bâtiment alors ?


- Hm…


Le jeune homme prit le temps de rassembler toutes ses observations et de les ordonner au mieux pour produire une réponse complète, mais concise. Même si discuter avec Emilie demeurait un plaisir, le jeune homme conservait son rapport compliqué avec l’expression orale. Difficile de changer ce genre de chose en un jour.


- Je dirais qu’il est un bon exemple d’une architecture du XVIIème siècle. Il en a toutes les caractéristiques. Et si tu lis l’inscription au-dessus de l’entrée, tu peux deviner qu’il s’agit d’une école construite sur ordre direct du roi.


- « École de poliorcétique ». Le rapport avec le pouvoir royal ?


- La poliorcétique est la science du siège. Ce genre d’école formait des poliorcètes chargés de prendre des villes et places fortes, ainsi que d’en construire aux frontières. Vu leur importance stratégique, ce n’est pas étonnant que l’Etat ait investi dans la formation de poliorcètes. Je savais qu’il y en avait une à la capitale, mais pas ici.


- Ah d’accord. Je ne savais pas qu’il y avait un mot pour ça


- Personne ne le sait, t’en fais pas.


Les deux étudiants prirent le temps de rire un peu, avant que Donatien ne reprenne son exposé

- Du coup, il y a de bonne chance que l’architecte soit Clovis le Valle, vu qu’il avait réussi à rester dans les bonnes grâces du roi toute sa vie. Et niveau date, je dirais entre 1690 et 1700. Le royaume était dans une phase d’extension et le roi avait besoin d’officiers compétents pour commander son armée.


- T’en sais des choses dis donc


- Je ne fais que supposer après…


Derrière ces répliques un peu légères se dissimulait une admiration sincère de la part de la jeune femme et de la reconnaissance pour le jeune homme. Aucun des deux n’osaient partager leur véritable sentiment, par pudicité certainement. Mais tous deux ne pouvaient réprimer sur leur visage l’expression de leur ressenti, si bien que chacun compris que l’autre appréciait ce moment rien qu’à eux et se contentait de cet état de fait.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Duncan ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0