Chapitre 10 - 1 : Pensées

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Les précautions prises par le jeune homme hier soir payèrent. Il se leva tranquillement, sans même avoir besoin de subir le courroux de son alarme. Sa routine matinale avait beau rester la même, elle paraissait bien plus douce que les deux précédente. Autre bon point à relever, ses trois amis se trouvaient dans la même situation. Chacun profita bien de cette nuit pour se reposer au mieux, si bien que les quatre amis furent réunis dans la cuisine ce matin. Une aubaine se révélant toutefois vite problématique, puisque la coloc expérimenta ce matin-là les difficultés propres au partage de son lieu de vie. Pour revenir au petit-déjeuner, l’ambiance calme et propice à l’introspection d’hier matin paraissait bien loin à Donatien. Outre la présence de tout le monde, la nuit réparatrice permit à chacun de déborder d’énergie assez rapidement. Un peu comme hier soir, les quatre amis s’amusaient à spéculer sur la vie des uns et des autres, n’hésitant pas à proposer leurs théories les plus absurdes. Le but de ces conversations restait de se marrer entre amis après tout.

Vint ensuite un problème plus délicat, l’ordre de passage à la salle de bain. Malgré l’avantage de posséder un Ben lève tôt et prenant soin de débuter sa journée par sa toilette, il allait être difficile pour Donatien, Eddy et Aube de se préparer pour arriver à temps à leur fac respective. Il fut alors décidé de procéder ainsi pour aujourd’hui, les garçons se débrouilleraient pour se partager la salle de bain en même temps tandis que la jeune femme l’utiliserait après le passage de ses deux amis. Un moment un peu inconfortable pour Donatien qui prit la résolution d’imiter son ami Ben à l’avenir lors de son brossage de dent, afin d’éviter les problèmes de surcharge de la salle de bain.

Après ce petit « incident », le groupe découvrit un plaisir nouveau ce matin-là, celui de partager le même trajet vers leur lieu de cours. Jusqu’à présent, chacun résidait chez ses parents, dans une ville différente. Les seuls moments où la bande se retrouvait au complet étaient ceux passés durant les temps de pause au lycée et quelques rares sorties et soirées se comptant sur les doigts d’une main. Autrement dit, en à peine deux jours à Broix les quatre amis avaient passé autant de temps ensemble que durant plusieurs semaines à l’époque du lycée. Ils avaient certes découvert ce matin quelques désagréments de la promiscuité, mais clairement pas de quoi entamer sérieusement le bonheur qu’ils éprouvaient à demeurer ensemble, même pour des moments du quotidien aussi banals qu’une marche vers son lieu de travail. Donatien avait beau apprécier, voire chérir parfois, la solitude, il mentirait s’il affirmait qu’il aurait préféré vivre seul ici. Sa vie demeurait bien plus belle avec Eddy, Ben et Aube à ses côtés et il commençait à réaliser la chance qu’il avait depuis sa rencontre avec sa nouvelle amie Émilie.

Dès sa séparation du reste du groupe, au niveau du grand cloître, il tourna ses songes vers elle. Ces derniers demeuraient globalement positifs, il avait hâte de retrouver la jeune femme pour partager de nouveaux moments ensemble et égayer sa journée, comme savaient le faire ses amis de toujours. Mais rapidement, il s’attarda sur la vie solitaire de sa camarade. Comment le vivait-elle ? Occupait ses soirées ? Si elle supportait bien le silence de la nuit et l’absence de visages connus et amicaux au réveil ? Avoir rencontré une personne qui à la fois lui ressemblait et se différenciait de lui avait aiguisé sa curiosité comme rarement. Le jeune homme se surprit à ne pas se rappeler d’avoir éprouvé un tel sentiment depuis bien des années, alors qu’il déambulait tranquillement à travers la cour en face de sa faculté. En entrant dans le vaste bâtiment, il se demandait si Émilie se trouvait être une fille spéciale au point de le tourmenter, ou bien si tout était de sa faute car dans le fond, il commencerait à changer. Peut-être les deux à la fois ? Passant le palier d’un des amphithéâtres du rez-de-chaussée, il identifia aisément les cheveux aux multiples teintes d’orange de son amie. À cette vue, son esprit se clarifia et il se laissa aller à prendre les choses comme elles viendraient, retrouvant un sourire discret et léger qu’il arborait souvent depuis la rentrée.

- Bonjour. Lança un Donatien de bonne humeur alors qu’il prenait place à côté de sa camarade.

- Ah, c’est toi.

Répondit une voix douce et allègre. Manifestement, la jeune femme demeurait toujours ravie de retrouver le jeune homme, tout comme lui. Au point qu’elle prit l’initiative de débuter la conversation une fois son ami assis et installé. Dans son style à elle, tout en simplicité.

- Tu as bien dormi ?

- Très bien oui ! C’est plus facile quand on ne sort pas le soir après pour être honnête.

- Ah oui ? Petite soirée à la maison entre ami tranquille j’imagine.

- Ouaip, sauf pour la partie « tranquille ».

- Mais vous avez fait quoi alors ?

- Rien de fou en vrai, juste on s’est raconté nos journées. C’est juste qu’on aime bien se charrier.

- Vous prenez du plaisir à vous insulter ?

- Non justement, ça reste toujours dans la blague. C’est pas facile à expliquer mais quand tu te sens à l’aise avec des gens et que tu les connais bien c’est presque naturel.

- Étrange…

- C’est vrai, mais je pense que tu comprendras un jour.

- Ah oui ?

- En vrai t’as un peu fait ça avec moi hier soir quand on bossait le TD.

- Oh, mais ça va, je t’ai pas tant embêté que ça. Si ?

- Bah un peu, mais c’était marrant. Bah avec mes amis c’est un peu pareil.

- Tu me rasures…

Les deux amis rirent à la fin de ce premier échange. La première d’un soulagement sincère, le second après un léger sentiment de malaise. Il n’appréciait vraiment pas expliquer des délires personnels à des presque inconnus et réussir à s’en sortir aussi aisément l’arrangeait grandement. N’ayant pas grand-chose à ajouter, le jeune homme demanda à son amie.

- Et toi ? Ce n’est pas trop strict l’internat ?

- Non ça va. Après je suis plutôt calme donc ça aide je pense.

- Arf, je pensais que tu avais une double personnalité.

- Ah oui. Genre la nuit je me transforme en rockstar et je chante en live jusqu’au bout de la nuit ?

- Plus du genre à te prendre pour un animal, un chien par exemple, et à t’échapper la nuit pour retrouver d’autres personnes comme toi et faire des combats d’animaux. Par exemple un chien versus un canard avec toi qui fait le chien et un autre qui fait le perroquet.

- Mais…

- Je faisais ça quand j’étais en maternelle avec des potes, c’était marrant. J’espérais ne pas être le seul ici à avoir eu ce passé…

- Je crois que le pire… c’est que je te crois.

Émilie ne retenait que difficilement un fou rire, qui explosa finalement à sa dernière réplique. Elle fut suivie par un Donatien pas peu fier d’avoir réussi à la faire rire « pour de vrai », au point qu’ils devinrent quelques instants le centre de l’attention de la vingtaine d’étudiants présents dans l’amphi. Un rire si sonore permettant d’en apprécier sa beauté. Il toucha si profondément le jeune homme qu’il ne parvenait pas à se le décrire convenablement, trouvant que des termes aussi ordinaires que « joli », « charmant » ou « beau » ne rendraient pas justice à son amie. S’il avait été davantage artiste, il aurait pu penser qu’il avait entendu un rire doux comme un clément mois d’avril ; et virevoltant, semblable à l’envol d’une hirondelle. Cela arrivera un jour, peut-être, mais pour le moment Donatien se contenta de savourer ce moment privilégié avec sa nouvelle amie. Ce qui n’était déjà pas si mal.

- Au moins ça t’a fait rire, c’est déjà ça…

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