Chapitre 11 - 2
Le jeune homme vérifia de nouveau l’heure. Il leur restait encore du temps, mais pas de quoi en perdre non plus. Il se décida tout de même à proposer à sa camarade une dernière étape à leur promenade.
- Un peu plus loin il y a un étang immense et magnifique. Chaud pour le voir ?
- Hm… allez. Pourquoi pas.
- Il y a des canards là-bas en plus. Avec un peu de chance tu pourrais en attirer un pour le bouffer.
- Tu commences à savoir me parler toi.
- Je le savais hé hé...
- Par ce que je suis de la campagne j’adore forcément le pâté de canard, c’est ça ?
- Bah oui du coup…
- Hmpf… Donc t’aime bien le poulet dans ce cas-là ?
- Tout à fait.
Les deux amis rirent un bon coup, avant de se remettre en route. En un rien de temps, les voici face à la vaste étendue d’eau, qui ne déçu pas la jeune femme. Elle s’émerveillait à sa façon, en silence, sans bouger et en paraissant comme tout à l’heure plongée dans un monde parallèle. Du moins, le jeune homme en était arrivé à cette conclusion, puisqu’elle ne semblait pas sentir ses yeux se poser sur son visage. Sans doute à cause de la tendresse, délicatesse et légèreté du regard du jeune homme, qui ressentait à ce moment-là la nécessité de rester le plus discret possible, en tant qu’observateur d’un tableau de maître ou d’une scène de théâtre. Il ne se passait pas grand-chose de palpitant pourtant, seulement une jeune femme regardant au loin, entre un bois et un étang. Mais la beauté bucolique qui se dégageait de ce cadre simple suffisait à captiver le jeune homme qui parvenait à tirer un plaisir doux, presque sophistiqué, à capturer le moindre détail du tableau qui se dressait devant lui. Plus le temps défilait, plus le jeune homme découvrait des détails embellissant le tout, allant de l’identification de la dizaine d’espèce de plantes aquifères poussant dans les parages au dénombrement des dizaines de mèches rebelles de son amie flottant à la brise. Il n’osait pas trop diriger son regard vers son visage toutefois, de peur de la déranger de son état de transe douce. La jeune femme prit donc l’initiative après un petit quart d’heure de silence à mettre fin à ce moment un peu magique pour Donatien.
- Il est temps de retourner en cours non ?
Le jeune homme regarda lentement l’heure sur son téléphone. En effet, il fallait repartir rapidement pour éviter tout retard. Il prit cependant un peu de temps pour se demander comment son amie avait su estimer le temps passé à contempler son environnement, sans laisser transparaître la moindre réflexion. Avait-elle compté les secondes dans sa tête ? Possédait-elle une horloge interne minutieusement réglée ? Ne possédant pas le luxe de se perdre à de tels songes pour le moment, Donatien se contenta de donner le signal.
- Ouais. Il faut y aller.
Toujours en silence, les deux amis empruntèrent le chemin inverse de tout à l’heure. Rien n’avait changé, si ce n’était l’affluence nettement plus basse au niveau du Marché. La plupart des cours avaient déjà repris sur le campus après tout. Arrivé à la cour devant la faculté d’histoire, Emilie demanda dans un sursaut.
- J’avais oublié de te demander, tu fais quelle langue ancienne ?
- Hm… ? Latin, et toi ?
- Grec… je crois que l’on va pas se revoir de la journée.
- On dirait bien…
Donatien repensait à son emploi du temps de l’après-midi. Entre ce cours de latin et un nouveau TD, il était clair que les chances pour lui et Emilie se retrouvent dans le même groupe étaient très faibles. Il fallait donc se dire au revoir dès à présent pour les deux amis. Ce que s’empressa de faire le jeune homme malgré sa réticence, le duo ne pouvait se permettre de perdre davantage de temps s’ils ne souhaitaient pas arriver en retard à leur cours respectif.
- Bon, eh bien à demain Emilie. Passe une bonne journée.
- Toi aussi Dodo.
Le jeune homme pensait que la conversation s’achèverait là, après ce dernier échange de sourire. Mais Emilie lui demanda une dernière chose avant de le quitter :
- Au fait… qu’as-tu pensé de la balade ?
- Hm ? C’est plutôt moi qui devrais te demander ça, je t’ai invité après tout.
- Certes, mais le but était que je te montre mes talents. Donc… ?
- Donc j’ai été très impressionné par ta technique. Je suis très content d’avoir enfin pu me promener avec toi.
- C’est vrai que c’était un de tes objectifs…
Les deux amis rirent une dernière fois, discrètement, au milieu d’un modeste ballet d’étudiant allant et venant à travers la porte d’entrée de la fac. La jeune femme se dirigea la première vers le bâtiment, avant de se retourner sur le palier vers son ami pour lui dire sa dernière réplique.
- Contente d’avoir pu te faire plaisir. Et merci pour la balade. A demain Dodo.
Elle lui offrit un sourire timide et tendre avant de se retourner et de disparaître parmi la petite foule dans le hall, d’un pas paraissant guilleret au jeune homme. Il demeura quelques secondes debout, sans rien faire, avant de lui aussi pénétrer dans le bâtiment de la faculté d’histoire pour gagner son prochain cours, le moral au plus haut.
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