Chapitre 6

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Elle entendit un craquement sourd, et un cri semblant s'évanouir dans le vide, et rebroussa chemin à présent au galop en direction de ce son, elle cherchait Mébael du regard mais n'y trouva que son cheval à moitié dessellé au bord d'une falaise, hennissant bruyamment. Elle glissa de sa selle, ses bottes frappèrent le sol poussiéreux. Elle s'approcha à petits pas essayant de ne pas l'effrayer puis attrapant les rênes de sa bride l'éloignant de la rive elle attacha Alam à une branche solide. La falaise tombait à pique se terminant par une cascade apparemment peu profonde. « Qui peut bien se vanter d'avoir survécu à une telle chute ? ». Elle se pencha à plusieurs reprises dans le vide cherchant Mébael dans le point d'eau où la chute se déversait. Elle recula lentement prise de vestiges et regagna la rive les pieds au sec, le bas de sa robe trempé venait se glisser entre ses genoux à chacun de ses pas. Elle s'approcha d'Alam et resta un moment à caresser sa robe d'un gris cendré et moucheté de taches blanches de la paume de sa main essayant de ralentir les battements de son coeur. Elle pensa que Mébael était sans doute mort, que la violence de la chute avait du l'assommer sans compter les rochers et qu'il s'était surement noyé. Elle voulu faire demi tour, « Je pourrais rentrer à Ancaria déclarant sa disparition, la vérité serait impossible à découvrir, sa mort présumé résoudrait cette situation et je pourrais enfin retrouver William ». Elle recula d'un bon persuadé qu'il fallait agir au plus vite. Elle détacha Alam et lui fouetta le trin à plusieurs reprise « Alam va t'en, je t'en prie». Le cheval s'enfuit au galop après de nombreuses tentatives et s'enfonça dans les profondeurs de la forêt des Cèdres. Son aplomb retomba et elle hésita quelques secondes de trop, le temps nécessaire pour que le doute s'installe en elle. « Si je décide de l'aider comment faire? Et si je décide de n'aider que moi comment vivre avec? » Elle s'éloigna de la falaise, marchant lentement aux cotés d'Arion, la solution parfaite s'offrait à elle « Je jouerais parfaitement la veuve éplorée le temps de faire mon deuil et je serais enfin débarrassé de ce mariage ». Mais à chaques avancées son poids semblait plus difficile à supporter. Elle regarda Arion cherchant désespérément un signe.

- Tu n'es pas censé être un cheval légendaire ? N'es tu dont pas capable de me comprendre ? De m'aider ou de me raisonner ? Elle articula ces questionnements comme pour elle-même. Mais chaque espèce animale semblait étonnement agir de façon similaire comme dictée par un code de conduite propre à son espèce, un code qui dans son ensemble ne différait jamais d'un animal à l'autre appartenant à la même espèce. Elle songea que c'était peut-être en cela la grande différence des hommes comparée à tout autre être vivant, bien sur il y avait la parole mais au delà de ce fait le comportement animal se révélait comme formaté, prévisible et docile tendis que la pensé d'un être humain divergeait selon chaque individu. De petits détails peuvent différer d'un animal à l'autre mais en somme à ses yeux il existait pour certaine chose un schéma encré chez les animaux les poussant instinctivement à réagir de la même façon. Tendis que chaque êtres humain est rattachée à la même espèce et des codes universelles les lient mais ils possèdent également ce libre arbitre qu'ils chérissent tant, qu'ils s'efforcent de posséder, et lorsqu'ils sont persuadé d'y être parvenue, s'efforcent coute que coute de le protéger. En somme elle doutait qu'Arion comprenne le fond de sa pensée et encore moins qu'il soit capable de l'orienter dans ses choix, de la soulager d'un libre arbitre dont elle ne voulait pas. Son esprit s'était vu assez engourdit par de telles réflexions hors contexte l'éloignant du choix qu'elle devait faire, et du courage qu'elle devait rassembler pour en décider. Au bord de cette rivière, comparable à un torrent de montagne, le bruit violent du courant se brisait sur les rochers tendis que ses pas alourdis par le poids de sa robe, si ce n'est la culpabilité, lui faisait signe de réfléchir plus longuement.

- Il est impossible que tu comprenne le moindre sens de mes mots.. Elle soupira douloureusement, elle continua d'avancer relâchant les rênes et empoignant la crinière du cheval de ses doigts, elle regardait droit devant elle, lorsqu'elle senti Arion s'arrêter tirant sur les lanières de cuir qu'elle venait de rempoigner.

- Allez avance qu'es ce qui te prend à la fin? Il se leva sur ses deux sabots arrière hennissant bruyamment, elle lâcha les rênes et tomba à la renverse, ses mains s'enfoncèrent dans les graviers de la rive. Elle voulu se relever et tenter de le calmer. Elle regarda au préalable l'état de ses paumes, de simples plaies superficielles. Lorsque elle se remit sur ses deux pieds Arion avait disparu de son champs de vision, elle senti bien vite son museau la pousser en direction de la falaise, le poids de son corps balancé vers l'avant la fit vaciller et elle du mettre un pas devant l'autre. Il répéta son geste et d'un mouvement de museau la poussa violemment, elle en perdit définitivement l'équilibre et ses mains se retrouvèrent de nouveaux face contre terre, une douleur lancinante enfonçant d'autres éclats de roche dans des plaies déjà existantes. Elle décolla ses mains du sol, de petits cailloux avaient transpercés sa chair et elle les retira du bout des ongles grimaçant de douleur. Elle mit un temps considérable à réaliser une chose des plus évidente, elle venait d'obtenir la réponse qu'elle attendait sans réelle conviction. Arion lui avait rendu le peu de raison, que le désespoir lui avait fait perdre. Elle ne pouvait échanger son bonheur contre la vie d'un homme, celle de Mébael ne pouvait être sacrifiée de cette façon. A y réfléchir de plus près elle n'aurait jamais pu rentrer à Ancaria sans éveiller les soupçons, Gabriel ou Théodore auraient été les premiers à l'accuser d'assasinat et auraient aisément menée leur barque pour la faire condamner. Mais l'adrénaline avait distordue sa perception de la réalité, renforçant l'illusion par laquelle elle se protégeait. «Comment ai-je pu envisager de l'abandonner sans même tenter de le sauver, s'il s'était agi de ma vie il n'aurait pas hésité ». Ce dont elle doutait en ce moment même était qu'il soit toujours en vie.

Elle accéléra le pas en direction de la falaise, s'arrêtant devant une branche solide elle dénoua le cordon de sa bourse aux milles souhaits. La princesse prit une pincée de cette poussière aveuglante puis tressa minutieusement des fibres de coton en une corde épaisse et solide au sein de son esprit pour la voir apparaître l'instant d'après au creux de ses mains.

Satisfaite du résultat, elle attacha la corde à une branche aussi épaisse qu'un tronc d'arbre qu'elle avait repérée aux limites de la chute d'eau. Elle s'employa à descendre en rappel, la corde enlacée autour de son corps passait sous son entrejambe, remontant sur le côté gauche de son buste jusqu'à son épaule droite puis dans son dos pour rejoindre sa main gauche. Elle descendit à la force de ses bras laissant glisser ses mains le long de la corde espérant atteindre la surface de l'eau redoutant de lâcher prise trop tôt. Mais ses bras trop peu habitués à un si grand effort et ses paumes échauffées par un glissement répétitif contre les fibres végétales forcèrent sa main droite à lâcher la corde. Espérant éviter les rochers, elle eut simplement le temps de bloquer sa respiration avant de heurter la surface de l'eau, elle sentie bientôt une violente douleur dans ses côtes dorsales. L'eau était glaciale et elle eut l'oppressante sensation que le poids d'une pierre l'attirait vers le bas. Elle se releva avec difficulté, pataugeant maladroitement jusqu'à une faible profondeur lui arrivant en dessous des genoux, les yeux agressées par les embruns marins. Elle réussi à regagner la rive trainant le poids de sa robe gorgée d'eau. Elle tira sur les lanières de cuir entrelacées de chaque cotés de son plastron d'or, le laissant retomber au sol. Annaëlle remarqua bien vite l'absence de sa dague sur le côté extérieure de sa cuisse droite, le fourreau attaché au baudrier enserrant ses hanches et ses cuisses était à présent vide et son cœur se serra. C'était à la fois un cadeau et un souvenir de son père et de son ancienne citée, elle se fustigea intérieurement d'avoir été si étourdie pour la perdre en si peu de temps. Elle reprit ses esprits et déchira le tissus superflu de sa robe au milieu des cuisses avant d'abandonner le reste qui lui arrivait aux chevilles. Elle du arracher la partie de devant puis celle de derrière de ce tissus fendu. Le peu de tissus blanc restant révélait l'intégralité de sa poitrine en transparence, elle tressaillait à chaque frisson. Elle ne voyait toujours pas Mébael ni dans l'eau peu profonde du torrent continuant sa course à travers la montagne ni sur la rive. Elle prit sa chevelure à pleine main, l'eau s'échappait à mesure qu'elle resserrait son emprise autour de sa natte. Tout autour d'elle la forêt continuait à perte de vue et des fleurs magnifiques peuplaient les buissons alentours. Elle remarqua une branche cassée et relâchant sa natte elle se précipita aux milieux des cèdres. Plusieurs mètres plus loin elle le vit allongé sur le sol, du sang ruisselait de sa tempe, l'incitant à détourner les yeux, la faible profondeur de la chute d'eau dont le fond était tapissé de rochers ne l'avait pas épargnée. « S'il a pu se trainer jusqu'ici c'est qu'il a sans doute bien assez d'énergie pour survivre » Elle s'en persuada.

- Mébael ? Elle s'agenouilla à sa hauteur.

- J'ai une migraine bien trop violente pour me croire mort mais j'ai été tenté de le penser en vous voyant. Lorsqu'il rouvrit les yeux la faible lueur de son regard s'illumina de soulagement.

- Epargnez moi ce genre de balivernes. Médusé par la lassitude apparente de sa femme il rejoignit la réalité de la situation tout en redressant le buste avec difficulté.

- Comment avez vous atterrir ici ? Rétorqua-t-il se décalant légèrement de côté pour s'adosser au tronc d'un arbre.

- Je vous retourne la question. Vous avez écourté notre compétition improvisée sans même me prévenir. Elle lui répondit tout en détournant ses questionnements.

- Vous aviez laissée tomber votre dague dans la rivière, je voulais simplement vous la rapporter mais j'ai été happé par un courant violent jusqu'en bas de la cascade. Comment m'avez vous retrouvé ? Elle sembla sidérée par son explication mais également soulagée que sa dague ne soit pas perdue à jamais.

- Arion m'a beaucoup aidée. Elle lui répondit tout en se gardant de préciser que l'animal était parvenu à balayer son hésitation égoïste.

- A défaut d'être immortel voilà maintenant que nous avons un cheval qui parle. Il rétorqua sur le ton de la plaisanterie que sa femme interpréta maladroitement comme sarcastique.

- Ce n'est pas ce que j'ai dis, il a retrouvé Alam puis je vous ai retrouvée.

- Le plus important c'est que je l'ai récupéré. Il répondit d'un air victorieux. A défaut d'avoir remporté la course il avait réussi à retrouver un objet précieux pour le cœur de sa femme et cela lui suffisait amplement.

- Ma dague ? Vous plaisantez j'espères, n'avez vous pas vu l'état de votre plaie ? Annaëlle s'emporta face à tant de témérité pour un simple objet matériel.

- Il n'y a pas de miroir pendu aux branches des arbres ma Dame. Ironisa-t-il.

- Taisez vous et laissez moi nettoyer tout ce sang. Ses railleries fantaisistes l'inquiétait plus qu'elles ne l'agaçaient.

- Vous êtes trempée et un peu trop dénudée pour faire face aux caprices du vent en forêt. Je peux vous réchauffer. Il lui répondit tout en se préparant d'avance à essuyer un refus.

- Je n'ai pas froid et vous êtes tout aussi trempé que moi, restez tranquille.

- Pardonnez moi, j'ai reçu un bien vilain coup sur la tête mes idées manquent de clarté. Mébael défendit son impétuosité.

- C'est certain, à présent fermez les yeux. Elle pressa le morceau de tissus déchiré de sa robe contre la tempe de Mébael et de l'eau clair mêlée de sang ruissela sur sa joue. Lorsque tout le sang fut nettoyé Annaëlle constata avec horreur la profondeur de l'entaille, apercevant l'os de son crâne elle détourna les yeux une seconde fois, sentant son estomac se serrer.

- Vous n'êtes pas obligée de jouer les Alchims. Devant son regard perplexe il éclaira sa remarque. Ce sont nos guérisseurs.

- Dans mon royaume ce sont nos Cybèles qui nous soignent elles maitrisent cet art nous évitant parfois une mort prématurée grâce à l'essence curative de certaines plantes. J'en connais moi-mêmes les bases les plus élémentaires.

- Mais vous n'êtes pas une Cybèle. Il rétorqua à regret, se disant que la présence d'une Cybèle aurait pu lui être salvatrice.

- A l'évidence non mais c'est toujours utile, remerciez les d'avoir partagé leur savoir.

- Elles ont bien des talents, il me tarde de rencontrer la votre. Il lui répondit dans un murmure, épuisé par la grande quantité de liquide vital qui s'était déversée de sa plaie.

- Je vais voir ce que je peux trouver pour arrêter ce flot de sang et éviter une infection. Il la retint par le bras, les yeux à demi clos. Elle renchérit.

- Je vous promet de revenir. Elle se dégagea de son emprise et voulu se relever lorsqu'il approcha sa main de son visage.

- Ce n'est pas cela qui m'inquiète. Il effleura son cou de ses doigts qui prirent une teinte rougeâtre, du sang qui n'avait pas eut le temps de coaguler. Vous êtes blessée. Même dans son état il n'avait pu l'ignorer, trop occupé à la contempler lorsqu'il avait eu le droit de rouvrir les yeux.

- Ce n'est qu'une égratignure, je ne l'ai même pas senti. Une douleur anesthésiée par celle bien moins supportable d'une côte cassée. Elle se releva sur ses deux pieds portant ses mains sur son côté endolori et s'éloigna sans argumentation superflue.

En s'enfonçant dans la forêt les étendues d'herbes vallonnées s'agrandissaient et les fleurs tapissant le lit des montagnes commençaient à apparaître, elle distingua des œillets, des narcisses, s'attarda brièvement sur des Calendulas dont la corolle ne se déployait qu'à la lumière de l'astre solaire se remémorant leurs propriétés antiseptiques et cicatrisantes également utile contre les empoisonnements mais continua son avancé pour trouver une plante plus adapté à la gravité de la plaie. Elle reconnue les ancolies emblème de la cité de Jobèl dont leur première Reine était pourvue d'une humeur triste quotidienne et observa ces fleurs d'un bleu intense se coucher sous la force du vent. Des étoiles d'argent aux propriétés anti-inflammatoires attirèrent brièvement son regard. Méanne lui avait apprit que les plantins, de petites plantes sans tiges allongées et étroites, considérée comme mauvaise herbe étaient capable d'arrêter les saignements elle se mît donc activement à leurs recherche lorsqu'elle tomba sur les achillée millefeuille. Ces plantes comestibles aux capitules formés d'une multitude de petite fleurs blanches formant une inflorescence, étaient reconnaissable à leur feuilles à poils laineux courts et blanchâtres.

Elle en cueillit une bonne poignée et rebroussa chemin rejoignant son mari blessé. Sa poitrine se soulevait d'une respiration souffreteuse, agitée par la fièvre ensommeillée qu'elle s'affairerait à combattre avec les armes à sa disposition.

Elle s'agenouilla près de lui et s'employa à mâcher les feuilles de cette plante à mesure qu'elle les détachaient de l'inflorescence des fleurs blanches. Un goût amer et légèrement acre la fit grimacer à plusieurs reprises. Elle obtint rapidement une pâte hétérogène qu'elle appliqua sur la tempe de Mébael, refermant la plaie avec difficultés essuyant le flot de sang qui ne cessait de s'écouler. Selon les dires de sa Cybele cette plante aux grandes vertus curatives servait d'antiseptique, arrêtait les saignements abondants et contribuait à accélérer la guérison. Ce cataplasme improvisé lui permit de panser provisoirement sa plaie profonde. Attendant les moyens nécessaire à l'élaboration d'un vrai cataplasme composé d'eau, de farine de lin et d'Achillée millefeuille qu'elle venait de cueillir ou de Calendulas qui ferait tout autant l'affaire pour des soins sur le long terme. Un pansement naturel qu'elle s'empresserait de préparer dans les cuisines sollicitant l'aide des domestiques une fois rentrée à Ancaria. Elle exerça de sa main à plat une pression forte et continue contre la tempe droite de son mari forçant les feuilles broyées à coopérer. Elle répéta l'opération à maintes reprises durant les deux heures qui suivirent, sa mâchoire s'était engourdit et voyant Mébael toujours inconscient, reprendre des couleurs vives et rassurantes elle s'abandonna au sommeil.

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