Chapitre 31

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Une fois au lac, j’installais ma serviette sur le sable, Emma et Stephania en firent de même de chaque côté de moi.


— C’est du vrai sable ? s’étonna Stephania. C’est la première fois que j’en vois.

— J’ai eu la même réaction quand je suis venu ici la première fois.

— C’est tellement doux et chaud. Je ne devrais pas dire ça, mais j’aurais bien aimé avoir ce genre de paysage chez moi. Hormis la glace et le froid, il n’y a rien d’autre.

— Venez autant qu’il vous plaira dans ce cas.

— Ce sera avec plaisir.

— Faites attention, l’eau est un peu fraîche en entrant.


J’enlevais mes chaussures et ma robe avant de marcher droit dans l’eau. Le contact de l’eau fraîche sur mes pieds puis sur mes jambes me fit un bien fou. Une fois que l’eau arriva à ma taille, je plongeais, mouillant mes cheveux. Je sortis ensuite la tête de l’eau et me retournais en direction de mes deux amies. Aucune d’elle n’avait encore mis les pieds dans l’eau.


— Bon alors vous venez ?

— Je… je ne sais pas nager, avoua alors Stephania.

En effet, elle paraissait terroriser. Je sortis alors de l’eau et lui tendis ma main.

— À moi de vous aider cette fois-ci. Je ne vous lâcherais pas, promis.

— Je peux au moins vous faire l’honneur d’essayer.


Elle respira un grand coup et attrapa ma main. Pas à pas, on avança lentement jusqu’à ce que l’eau nous arrive à la taille.


— Je ne peux pas.

— Mais si, vous y arrivez très bien. Si vous vous mettez bien à plat sur le dos, vous allez flotter. Il ne vous arrivera rien.

— Je suis désolée, je n’y arrive pas.

— Ce n’est pas grave. Vous êtes déjà allé loin.


Le fait qu’elle habite dans un Reinaume composé à moitié de déserts de glace expliquait qu’elle ne sache pas nager. Pourtant, j’avais l’impression qu’elle avait peur de l’eau. Comme s’il lui était arrivé quelque chose. N’insistant pas, je la reconduisis jusque sur la plage où je vis Océane avec son short en jean et sa moitié de tee-shirt. Au ralenti, je vis Emma changer de place sa serviette pour la mettre à côté de Stephania et Océane poser la sienne à la place désormais vide. Elle se déshabilla, attacha ses cheveux en queue de cheval avant de s’approcher de moi.


— Tu es venue.

— Évidemment. Pour rien au monde, je ne louperais une sortie ici. On fait une course jusqu’à la bouée ? Aller-retour, il faut toucher la bouée et être complètement sortie de l’eau pour gagner. Soit cent mètres.

— Ça me va.

— Si tu gagnes, me chuchota-t-elle si proche que je pouvais sentir son souffle dans mon cou, je t’embrasserais.


Elle s’éloigna pour se mettre en place pendant que je restais complètement paralysé, les bras ballants, les joues et les oreilles qui prenaient feu. Heureusement pour moi, elle ne savait pas que j’étais très bonne nageuse.


— Et si je perds ? demandais-je joueuse.

— Je te laisserais choisir.

— Très bien. Emma, tu peux faire le top départ ?

— Bien sûr.

— On est d’accord sur du crawl ? enchaînais-je

— Évidemment.

— Prête ?


Emma fit le décompte et au top on s’élança toutes les deux. Dès que l’eau fut à ma taille, je plongeais pour me retrouver à plat ventre et enchaîner sur le crawl avec le bras droit. Je ne mis pas tout mon potentiel durant les cinquante premiers mètres si bien qu’Océane toucha la bouée quelques secondes avant moi. Au retour cependant, j’accentuais vitesse et fréquence. À vingt-cinq mètres de la fin, je dépassai Océane et accélérai encore plus. J’arrivai sur la plage avec dix secondes d’avance sur elle. Emma s’approcha et passa un bras autour de mon cou.


— Tu ne m’avais pas dit que tu nageais aussi bien, commença-t-elle essoufflée.

— C’était le but. Toi, c’est le karaté, moi la natation.

— C’était une belle course en tout cas. Ça fait plaisir de se faire battre au moins une fois.

— Et c’est la triple championne de karaté de l’Empire qui dit ça, rigolais-je.

— Chose promise, chose due.


Très vite, elle s’approcha de moi, passa une main dans mon dos, l’autre derrière ma tête et rapprocha mes lèvres des siennes. À son contact, mon cœur fit des bons dans ma poitrine, mon ventre se tordit et mes mains se placèrent d’elle-même dans son dos. Malgré notre course, ces lèvres avaient un gout de fraise. Quand elle s’éloigna pour me regarder dans les yeux, les siens s’étaient illuminés et il n’y avait plus aucun bruit autour de nous. Mon regard glissa à nouveau vers ses lèvres et cette fois-ci, c’est moi qui l’embrassais.


— Moi aussi je t’aime Elena, mais…

— C’est compliqué avec ton petit-ami. J’ai compris et je t’attendrais, ne t’inquiète pas. Et je ne chercherais pas à t’aider si tu ne veux pas.

— Merci Elena. Je dois y aller maintenant, mais je suis contente d’être venue.

— Je suis aussi contente que tu sois venue.


Elle m’embrassa une dernière fois, très rapidement, avant de remettre ses vêtements et de quitter la plage. Je m’allongeai alors sur ma serviette, les bras sous ma tête, un grand sourire sur mes lèvres et des étoiles plein les yeux.


— Tu as gagné le gros lot là, intervint Emma.

— Oui, ajoutais-je. Et ça, c’est grâce à vous Stephania.

— C’est vous qui lui avez enfin avoué vos sentiments, pas moi.

— Je vais pouvoir dormir heureuse cette nuit.

— Et en plus, l’opération de Juliette s’est très bien passée.

— Vraiment ?

— Oui. Le Dr Langstone m’a envoyé un message pendant votre course.

— On ferait mieux de rentrer alors.

— Mon voyage ici est incroyable, ajouta Stephania, j’ai bien fait de venir.

— Oh oui, vous avez bien fait, rigolais-je tandis qu’on se rhabillait.


On passa rapidement chez Emma pour prévenir sa mère avant de rentrer au château. Stephania se retira dans sa chambre et je retrouvais Juliette avec Emma. Elle était installée dans une grande salle où tout le matériel médical du Dr Langstone était installé.


— Comment te sens-tu ? demanda Emma à sa sœur.

— Fatiguée, mais ça va. Et vous, votre journée ?

— Très bien, surtout pour Elena.

— Emma !

— Qu’est-ce que qu’il s’est passé ?

— Océane m’a embrassé.

— Océane, ta conseillère ?

— Oui.

— Mais c’est trop bien !

— Et c’était son premier baiser, commenta Emma.

— Je vais voir avec le Dr Langstone si tu peux venir manger avec nous. Il est presque midi.

— J’espère que je pourrais. J’ai une faim de loup.

— Ça ne m’étonne pas de toi, rigola Emma.


Les laissant entre sœurs, je retrouvais le Dr Langstone dans ce qui était son bureau temporaire, une pièce à côté d’où était installée Juliette.


— Docteur, puis-je vous parler un instant ?

— Bien sûr, Votre Majesté. Entrez.

— Comment c’est passé l’opération de Juliette ?

— Très bien. Je voudrais encore la garder en observation une semaine. Mais si tout va bien, elle est complètement guérie.

— Merci Docteur. Je voulais savoir si elle pouvait venir manger avec nous ce midi.

— C’est encore trop tôt pour la déplacer.

— Je comprends. Je voulais aussi vous parler de ma mère, mais… ce serait possible d’aller discuter à l’extérieur ?

— Bien sûr. J’avais fini de toute façon.


En silence on sortit dans la cour et on commença à marcher.


— La veille de sa disparition, ma mère a agi étrangement.

— C’est-à-dire ?

— Ce jour-là, j’étais face à une femme que je ne connaissais pas. Elle était gentille et prévenante. Elle m’a invité au restaurant, m’as offert des bijoux, m’as fait visiter son appartement d’étudiante. Elle…Elle m’as dit qu’elle m’aimait pour la première fois.

— C’était vraiment la première fois ?

— La première fois où je m’en souviens en tout cas. Mais quelques jours avant, elle était encore plus confuse.

— Continuez.

— Elle m’a demandé où était mon père. Quand je lui ai dit que je ne savais pas, elle a répondu qu’il devait être à la recherche d’une place pour l’interner.

— Pour l’interner, êtes-vous sur ?

— Certaine. Le midi, nous avons pique-niqué ensemble ce que nous n’avions jamais fait avant. Quand elle m’a demandé si elle était une bonne mère et qu’elle a compris que ce n’était pas le cas, je l’ai vue s’effondrer. Comme si elle ne souvenait pas de ces dernières années.

— Parlait-elle souvent seule, comme si elle était avec quelqu’un d’autre ?

— Pas que je sache. J’étais très peu en sa compagnie. Mais à chaque fois que les portes du château s’ouvraient pour faire entrer de la marchandise ou des hommes, elle semblait pressée qu’elles se referment.

— Comme si elle était paranoïaque ?

— Exactement.

— Est-ce qu’elle s’énervait pour un rien ? Par exemple une nappe froissée ?

— Houla oui et pas qu’un peu. Si je l’approchais de trop près, elle se montrait très violente envers moi.

— A-t-elle déjà essayé de vous tuer ?

— Si on compte le nombre de fois où elle m’a enfermé dans ma chambre pendant une semaine sans nourriture et le nombre de fois, elle m’a violemment frappé, on peut dire que oui.

— Ce que vous me dites là semble être des symptômes d’une maladie que je connais bien. Mais avant de confirmer quoi que soit, il faut que je voie son dossier médical ou au moins rencontrer le médecin qui là suivie depuis sa naissance.

— Quelle maladie ?

— Une maladie mentale. Mais je ne veux vous donnait de termes précis sans confirmation. Si j’ai raison, votre mère n’était pas dans le même monde que vous. Et la femme que vous m’avez décrite ne ressemble pas à celle que j’ai connue avant de devoir fuir. La première fois que je l’ai rencontré, c’était une femme heureuse, sans ambition particulière. Tout ce qu’elle voulait c’était avoir une famille et vivre comme bon lui semblerait, sans rendre de compte à personne. Elle ne vivait pas dans la richesse, mais cela lui était suffisant. Quand elle venait rendre visite à votre père en secret, elle passait toujours par mes quartiers et elle avait à chaque fois le sourire. Votre père la rendait vraiment heureuse. Vos grands-parents se sont longtemps opposés au mariage de vos parents, mais ils sont décédés dans un attentat.

— Si elle était malade, cela expliquerait tout. Merci, docteur.

— N’hésitez pas à revenir me voir si vous avez d’autres questions. En attendant, je vais faire des recherches pour trouver son dossier médical.


J’informais Juliette de la décision du Dr Langstone avant de me rendre dans la Grande Salle avec Emma. Si ma mère était vraiment malade, pourquoi mon père n’avait rien vu ? Pourquoi ne l’avait-il pas empêché de commettre l’irréparable ? Plus j’en apprenais sur ma mère, plus je me questionnais sur elle.

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