Chapitre 32
Même si sa sœur ne pouvait manger avec nous, je tenais à ce qu’elle soit avec moi. Surtout qu’avec ce matin, elle et la Reine Stephania s’entendaient bien.
— Demain, j’ai une réunion avec mon Conseil, commençais-je. Se serais l’occasion de parler de nos accords commerciaux, qu’en pensez-vous Stephania ?
— Je serais ravie d’assister. Est-ce qu’il y a quelque chose à préparer ?
— Peut-être ce que vous pourriez accepter ou non.
— Pourquoi pas, je travaillerais là-dessus. Vos conseillers sont au nombre de combien ?
— Douze, ils viennent tous du peuple, mais représentent l’ensemble des situations économiques.
— C’est une bonne idée ce Conseil, je devrais peut-être prendre exemple sur vous.
— Je n’ai pas eu le choix de le mettre en place, mais je suis vraiment rassurée de l’avoir. Ça me permet de ne pas prendre de décisions seules.
J’avais appréhendé la venue de Stephania, n’ayant jamais été autorisé à parler à personne d’autre que les domestiques et aujourd’hui, même si elle n’était là que depuis hier soir, j’appréhendais déjà son retour. Le ciel s’assombrit brusquement, nous plongeant dans la pénombre. Les lumières s’allumèrent aussitôt.
— Qu’est-ce qu’il se passe ? s’inquiéta Stephania
— Laissez-moi voir.
Je me levai et m’approchai de la fenêtre. Quand je fis les nuages noirs et les éclaire tomber, je réagis aussitôt, avant même de savoir qu’elle genre d’orage c’était.
— Emma ! Les portes !
Étant plus proche d’elle des portes de la Grande Salle, je courus pour les ouvrir. Pourtant, moins d’une seconde plus tard, j’entendis le sifflement de la serrure électromagnétique puis le claquement sec. Les portes venaient de se verrouiller pour une durée indéterminée à cause d’un orage électromagnétique.
— Non, soupirais-je en essayant de les ouvrir en vain
Je fermai les yeux, imaginai être au milieu du lac de ce matin. Le soleil brille, il fait chaud et je ne suis pas enfermée. Je pris une grande respiration et me retournai en ouvrant les yeux. Reprenant mon rôle d’Impératrice, j’avalai ma salive et redressai mes épaules.
— Soldats, établissez le contact avec l’extérieur ! ordonnais-je aux deux gardes présents à l’intérieur de la Grande Salle.
— Tout de suite, Votre Majesté.
— Emma, est-ce qu’on peut ouvrir les fenêtres ?
— Non et de toute façon se serait trop dangereux. C’est un orage électromagnétique c’est ça ?
— Oui, il a fait beaucoup trop chaud depuis quelques jours.
— Votre Majesté, les lignes sont brouillées par l’orage.
— Avez-vous essayé avec vos téléphones ?
— Non, Votre Majesté.
— Qu’est-ce que vous attendez alors ? m’énervais-je
— Vous deux, m’adressais-je à deux domestiques, débarrasser la table.
— Pour le mettre où ?
— Réfléchissez enfin ! La table est suffisamment grande. Vous arrivez à établir le contact oui ou non !
— Non, Votre Majesté. Il n’y a pas de réseau.
— Elena, commença doucement Emma en s’approchant de moi, calme-toi.
— Pourquoi j’ai laissé ses putain de serrures électromagnétiques ? m’énervais-je encore plus.
— Elena ! s’écria alors Emma. Tu réagis comme ta mère !
Revenant à la raison, je compris que j’étais allé trop loin. Je croyais avoir pris le temps de respirer pour éviter une crise de claustrophobie alors que j’avais complètement paniqué.
— Excusez-moi, repris-je alors plus calmement en m’asseyant sur une chaise et en prenant ma tête entre mes mains.
— Qu’est-ce qu’il s’est passé Elena ? m’interrogea alors Emma en prenant mes mains dans les siennes.
— Je ne sais pas. J’ai paniqué. Excusez-moi Votre Majesté, ajoutais-je à destination de la Reine Stephania. Si vous souhaitez rompre toute relation diplomatique, je comprendrais.
— Je ne le ferais pas. J’aurais sûrement réagi de la même façon dans une telle situation.
— Est-ce que… je vous ai fait peur ? demandais-je alors à Emma.
— Pendant un instant, j’ai vraiment cru voir ta mère. Mais c’est fini maintenant.
Emma me prit dans ses bras et j’affaissai mes épaules. Si j’avais réagi comme ça aujourd’hui, jusqu’où étais-je capable d’aller sans même en avoir conscience ? Le Dr Langstone pensait que ma mère était peut-être schizophrène. Est-ce que moi aussi je l’étais ? Étais-je à cause de ça que j’avais réagi comme ça, comme elle ?
— Bon, repris-je, comme nous sommes coincés là pour un moment, il va falloir trouver de quoi s’occuper. Soldat, restez près de la porte au cas où il essaie de nous contacter.
— Je le ferais.
— Je vais vous aidez à débarrasser. Plus nombreuse on sera, plus vite on ira.
— Merci, Votre Majesté.
— Je vais vous aider aussi dans ce cas, ajouta Stephania.
On empila les assiettes, mis tous les couverts au même endroit et fit en sorte que les plats prennent le moins de place possible. Ont réussi à libérer près des trois quarts de la table. Je sortis ensuite mon téléphone et le brancha aux deux enceintes qui traînaient derrière le trône.
— Vous souhaitez choisir la première musique ? demandais-je à Stephania
— Avec plaisir.
Elle s’approcha et je lui donnai mon téléphone pour qu’elles choisissent. Heureusement, internet n’avait pas été coupé, sûrement grâce aux logiciels espions ou aux informaticiens cachés de ma mère.
— Mais que je suis bête, rigolais-je.
— Qu’est-ce qu’il y a ? s’étonna Emma
— La musique, on va l’avoir avec internet et ça fonctionne. Je viens de trouver le moyen de communiquer avec l’extérieur.
— Mais oui ! intervint l’un des gardes. Et puis nous avons un intranet réservé à l’armée Impérial.
— Depuis quand ? demandais-je intriguée
— Depuis… hésita-t-il, la disparition de votre père, Votre Majesté.
— Quel meilleur moyen pour tout contrôler que d’avoir accès aux conversations de l’Empire entier. Dès que Juliette est rétablie elle va devoir me supprimes ses satanés logiciels espions pour de bon.
— Elle le fera, elle est douée.
La musique se lança dans les enceintes, Stephania posa mon téléphone sur l’une d’elles et nous rejoignis.
— C’est ma préférée. Je la chantais avec ma mère avant de m’endormir.
Plutôt doux et calmes, on resta tous silencieux, en l’écoutant. Elle parlait d’une fillette de cinq ans qui était seule dans la rue avant d’entrer dans un orphelinat. Ses parents étaient morts suite à un incendie. La chanson évoquait ensuite son passage cauchemardesque à l’orphelinat avant d’être accueillit par une famille aimant et de devenir reine au côté de celui qu’elle aimait. Quand elle se termina, j’avais les larmes aux yeux.
— Excusez-moi, commençais-je en essayant mes larmes du bout des doigts. Cette chanson est magnifique. C’est l’histoire de votre mère n’est-ce pas ?
— En effet, et vous êtes bien la seule à avoir fait le rapprochement. Même mon père n’a jamais compris ?
— Une chanson magnifique en effet, ajouta Emma. Ce que votre mère a traversé dans cet orphelinat, je n’ose l’imaginer.
— Elle a en quelque sorte vécu la même que moi avec ma mère. Elle aussi était battue.
— La vérité, c’est que c’est ma mère elle-même qui a composé cette chanson et c’est aussi elle qui chante. Elle aurait été ravie de voir que sa chanson vous a touché.
— Fini les larmes, rigolais-je. À moi de mettre une chanson.
J’en profitai pour enregistrer la chanson dans mon téléphone afin de la réécouter si besoin. Cette femme, que j’aurais voulu rencontrer avait essayer de me sauver des griffes de ma mère et avait sûrement été empoissonné par elle. Je lançai à mon tour une musique et reposa mon téléphone.
— Si tu mets cette musique, tu dois chanter, Elena, intervint Emma.
— Je préfère encore danser, rigolais-je.
— Danse si tu veux, mais tu dois chanter.
— Ne viens pas te plaindre si l’orage dure des jours alors.
Décidément, cette journée regorgeait de surprise. J’avais dansé ce matin, avouer mes sentiments à Océane, nous nous étions ensuite embrassés et maintenant l’orage qui nous enfermait dans la Grande Salle me forçait à danser et à chanter à tue-tête une chanson que je connaissais par cœur depuis mon enfance. Une chanson qui m’avait valu les foudres de ma mère plus d’une fois, parlant d’amour. Cette chanson, que j’avais écoutée en boucle pendant treize ans en secret, m’obligeant à chanter dans ma tête pour que ma mère ne m’entende pas. Et aujourd’hui enfin, je pouvais chanter haut et fort et danser dessus.
En arrivant au refrain, je chantai encore plus fort et attrapai les mains d’Emma pour qu’elle dansât et chantât avec moi. En la chantant enfin, je me sentais libre. Totalement libéré de ma mère. Quand la musique se termina, je serrai Emma dans mes bras et avec un énorme sourire.
— Cette chanson est votre préféré, je présume.
— Exact. Ma mère m’aurait exécuté sur le champ pour avoir chanté et danser comme je viens de le faire. Je l’ai découverte quand j’avais six ans et elle faisait partie d’une énorme liste de chanson censurée par ma mère. Elle m’a plusieurs fois giflé pour l’avoir chantonné, mais j’avoue, ça me faisait bien rire de la défier pour une simple chanson et de voir sa tête à chaque fois.
— Tu ne me l’avais pas dit ça ! enchaîna Emma, vexée
— C’était mon petit secret.
— Je comprends tout à fait pourquoi vous aimez cette chanson.
— Tout ce qui parlait d’amour était fascination pour moi. Tout ce que ma mère ne me donnait pas et faisait fuir de ma vie par sa simple présence.
On continua de chanter et danser pendant près de trois heures jusqu’à ce que les portes de la Grande Salle s’ouvrent enfin, nous libérant. Des gardes entrèrent aussitôt suivies par le Dr Langstone.
— Tout le monde va bien ? demanda le commandant Fauster
— Oui, répondit Emma à notre place.
— Même vous Majesté ? m’interrogea le Dr Langstone. On m’a dit pour votre claustrophobie.
— Je vais bien. Je pourrais vous parler plus tard ?
— Bien sûr.
— L’orage électromagnétique est passé, ajouta le commandant Fauster. Ça ne devrait plus se reproduire.
— Laissez toutes les portes entre ouverte au cas où. Et ne laissez personne seul sans gardes, pas même les domestiques.
— Compris Votre Majesté.
Ils s’éloignèrent alors, chacun retourna à ses occupations et je me tournai vers Emma et Stephania.
— Ça fait beaucoup d’émotions pour une seule journée. En espérant que le reste de l’après-midi ne soit pas aussi mouvementée.
— À vrai dire, ajouta Stephania, je l’espère aussi.
Heureusement, le reste de l’après-midi fut bien plus calme. Même au point d’oublier toute l’agitation qui avait eu lieu depuis ce matin, cinq heures.
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