Chapitre 7 - Partie 2
Parmi tous les messages que son frère lui avait écrit, l’un d’eux contenait son adresse à Wangchao, si jamais l’envie lui prenait de lui rendre visite. Un petit appartement dans l’un des grattes-ciels de Y-M-Piàn, offert par Yuan Ming.
C’est ici qu’elle devait se rendre, histoire de récolter un maximum d’informations… et préparer de ce fait son opération sauvetage.
Néanmoins, elle n’avait pas accès à l’appartement. La solution ? L’effraction.
Elle avait beau être une stip’ de talent, il n’était pas aisé de rentrer dans une demeure culminant au 52ème étage, à une altitude de quasiment 200 mètres.
Escalader ? Pour se faire repérer par les drônes de sécurité parcourant Wangchao dans un bourdonnement incessant ? Non…
Rentrer dans le bâtiment et pirater la porte ? Avec le risque de se faire attraper par des locaux un peu trop habitués à dénoncer leurs voisins ? Non plus…
Lavande était face à une impasse, et quand elle ne savait pas quoi faire, elle se rendait dans un bar, le plus proche… et se perdait dans l’ambre d’une bière fraîche.
Elle s’était installée dans un, au détour de la rue de sa cible. Sur l’écriteau elle avait observé les symboles, sans en comprendre le moindre sens : “ 荣耀归明 ”
Seul le dernier sinogramme lui rappelait vaguement quelque chose, elle le retrouvait souvent dans cette mégalopole… elle se doutait du lien avec les Ming, ils foutaient leur nom partout.
Dehors la pluie s’abattait sur le sol. Il faisait nuit, elle n’avait pas pris le temps de chercher un hôtel. Dans ce quartier, une fois le soleil couché, il n’y avait plus que les insomniaques. Contrairement à New Valley il n’y avait pas, ou peu, de criminalité, dû moins à Y-M-Piàn… les drones surveillaient chaque mètre des quartiers Nords, la moindre entorse à la loi était passible d’une balle dans la tête.
C’était un véritable essaim, des machines volantes, vrombissantes, qui marbraient le ciel de leur froid métal inquisiteur. En voyant cela, Lavande en regretterait presque le ciel holopublicitaire de New Valley… au moins les pubs pour les cybérol’ des couilles ne t’abbattaient pas pour un papier chewing-gum jeté par terre.
Ils vont partout, sont les juges et les bourreaux, tout cela géré par un simple programme informatique intégré à leurs circuits… tous les drônes sont indépendants, pour éviter qu’un petit malin ne paralyse le système de sécurité de Wangchao d’un simple hack. Si un drône tombe, deux en prennent la relève.
Mais voilà où était sa chance. Si elle ne pouvait pas rentrer d’elle-même dans l’appartement sans éveiller le moindre soupçon, elle pourrait y envoyer un tiers. Seulement, le piratage n’est pas son point fort, elle a toujours était plus une femme de terrain. Alors elle avait répondu à ce message, reçu quelques jours plus tôt, dont le destinataire répondait au nom de Meï. Pour son plus grand désarroi, l’assistante n’avait pas répondu. Lavande, comme si cela pouvait aider à comprendre pourquoi, relu ce qu’elle lui avait envoyé.
“ Meï,
C’est Lavande, la sœur d’Espoir. Tu t’es mise en danger en me disant ce qui était arrivé à mon frère, cela malgré le fait que tu sois une intelligence quantique.
J’ai besoin de ton aide, si tu veux sauver Espoir…”
Un bourdonnement proche lui fit quitter la conversation. Un drône, de petite taille, blanc comme neige, se tenait devant la fenêtre du bar, juste là où elle se tenait. Il réalisait un sur place, il paraissait l’observer, sa caméra au reflet bleu ne cessait d’augmenter et réduire sa focale vers elle. Lavande sentit la tension monter… venait-on de la découvrir ? Attendaient-ils sa venue ?
Dans tous les cas, prendre une fuite soudaine ne ferait que renforcer tout soupçon. Elle tenta alors de paraître naturel, mais déjà les autres clients la dévisageaient… ils s’attendaient sans doute à voir un cerveau partir en fumée.
Soudain elle sentit une petite vibration derrière son oreille, immédiatement elle pressa l’endroit de sa dextre.
// Vous avez un nouveau message d’un destinataire inconnu.
— Lecture.
“ Bonsoir Lavande 278, je suis Meï, le petit drone qui se tient à votre fenêtre est contrôlé par ma capacité quantique. Vous souhaitiez que je vous apporte mon aide d’après votre message.”
Lavande se leva alors immédiatement, transmit les coins nécessaires au gérant de la boutique puis sortit sans parapluie. Les rafales sur la tête, les cheveux trempés dans la face, elle grommela quelques injures tandis que le petit drône rejoignit sa position.
Assise sur les escaliers en dessous d’un parvis d’un immeuble non-loin, Lavande cliqua en dessous de sa tempe.
— Alors ?
//Je suis dans l’appartement madame 278, souhaitez vous prendre le relais ?
— Envoie.
Son corps fourmilla, des milliers de petites décharges pas plus douloureuse qu’une piqûre de moustique lui envahit les différents membres jusqu’à rejoindre son front. Soudain elle se sentit basculer, alors que son corps restait immobile, elle eut l’impression de quitter son enveloppe, de voler… et voilà que ses yeux étaient dorénavant la caméra du drône.
— Je suis connectée.
L’appartement d’Espoir. Il n’avait pas vécu longtemps ici mais il y avait déjà la trace d’un passage. Des vêtements sales, des morceaux de bouffe moisis… il comptait revenir.
C’était… miteux, certes l’endroit n’était pas insalubre mais Espoir vivrait dans une capsule qu’il n’y aurait pas tant de différence. Sur quelques mètres carrés se trouvaient le strict minimum. Un lit en hauteur, un frigo et un ordinateur. Les toilettes, la cuisine, la douche… tout cela devait être commun à son étage.
Et dire qu’il m’a proposé de venir une nuit ou deux avec lui… il comptait peut-être que je dorme dans le frigidaire ?
— Rapproche toi de l’ordinateur. Peux-tu y accéder ?
// J’ai des protocoles pouvant m'aider. Ce n’est néanmoins pas ma fonction principale.
— Il s’agit de son ordinateur personnel, tu as été conçu pour le satisfaire selon son profil, tu devrais pouvoir estimer son mot de passe le plus probable… là où il range les dossiers et messages importants.
// En effet.
Sans aucun contact, Lavande, à travers la caméra du drône, aperçoit l’HC se mettre en marche : une fente sur le bureau d’où une lumière émanait, projetant -une fois allumée- un écran d’accueil où différents logos se succédaient au-dessus de la table.
— Parfait, fouille les dossiers où il y a le moindre lien avec les Yuan-Ming.
// Je vais avoir besoin de quelques minutes.
— Bien, en attendant je me déconnecte, reviens à moi par la suite.
De nouveaux fourmillements, elle basculait de nouveau dans son propre corps, elle mit un instant à récupérer une vue correcte… surtout qu’elle avait la fâcheuse impression d’avoir une forte lumière dans la face…
*Dàibǔ zhuàngtài*
Immédiatement elle reconnut la voix robotique, mêlé à un bourdonnement, un drône des Ming venait de la repérer. La machine déploya un mini-canon, Lavande, encore à moitié aveugle, attrapa son Glock et tira trois coups, bien trop bruyants… mais elle entendit l’assaillant virevoltait puis s’écraser au sol.
Maintenant, il faut courir.
La vue de nouveau retrouvée, elle ne pouvait qu’admirer la ruche qui s’élançait sur elle. La stip’, d’un bon vieux coup de pied, défonce la porte du building derrière elle. Elle fonça à travers le couloir pour rejoindre l’escalier qu’elle monta quatre à quatre. Derrière elle, les hélices, du mandarin scandant sa mort, des tirs parfois… sommation ou bien vraiment dirigés vers elle ?
Un étage, deux étages, aucun doute, au vu de la résonance les machines la poursuivait dans la cage d’escalier. Parfait. Lavande sortit de sa ceinture le fameux tube bleu-nuit qui lui avait permis de paralyser la poupée de Gunther.
Le SkyOver, j’en ai plus qu’deux.
Elle attendit que ces foutus mouches tueuses s’approchent pour leur balancer dessus.
Flash, son propre squelette cybérologique s’alarma.
Mais elle était encore en état, elle continua alors sa course vers le plafond, l’essaim était affaibli mais encore à sa poursuite.
En arrivant au nouvel étage, elle se permit de lire le nombre sur l’écriteau : 7/34.
Ah putain de merde !
Lavande ne continua pas son ascension, elle s’engouffra dans le couloir du septième puis tenta d’ouvrir les portes sur son chemin. Toutes verrouillées et sécurisées. Elle pourrait bien les enfoncer avec ses BT-Clapet, mais elle n’était pas sûr que seul la porte s’envole, il serait idiot que le bâtiment s’écroule par sa faute.
Elle arrivait au bout du corridor, les drônes s’engouffraient dans celui-ci, pas le temps à la sommation, ils tirèrent directement vers elle. Lavande n’avait plus le choix. Elle appuya sur la paume de sa main. Soudain sa vision devint tout autre, le temps en fut comme ralentit, des milliers de données s’imbriquaient dans son cerveau, ses neurones prirent le contrôle. Elle vit les balles, leurs trajectoire. Elle empoigna son Glock et tira trois coups, se baissa. Une balle atteignit son épaule, les autres ne la touchaient pas. Lavande n’était plus, 278 prit le relais. Tir, esquive, tir, les drônes s’emballaient, se détruisaient tout seul, se canonnant entre eux dans un endroit si confiné. Pourtant il ne l’atteignait pas, ou partiellement, la frôlant parfois, quelques perles de sang contre des mètres de débris robotiques. Elle arriva devant eux, c’était le moment. 278 appuya sur ses phalanges, soudain son BT-Clapet s’activa, les clapets s’ouvrirent. Elle propulsa son poing au sol. Onde de choc. Tout s’écroule. La stip’ tomba. Plusieurs étages. Des débris. Moins de bourdons.
Dans sa chute, des données se bousculèrent, son système sonna l’alarme, ses Yǎnjīng-ChIYu lui hurlait dans le circuit qu’elle allait crever si elle ne changeait pas de trajectoire. Puis, soudain, dans l’écran de ses yeux, elle aperçut un nouveau code, une forme géométrique, un drône. Lui volait, lui avait échappé aux débris. Lui était à portée de main. Elle posa ses mains dessus quand elle le croisa, la machine tira des salves dans ses côtes, ses bras déchiquetaient par les hélices… mais elle freinait, la mort n’était plus si sur. Le sol arriva, ses jambes craquaient, la douleur remonta jusqu’à la nuque. Elle explosa le bourdon mécanique par terre et y resta avec lui.
// Alerte système // Alerte système // Alert…
— Ta gueule ! Putain ferme ta gueule !
Prise de convulsions, elle se débrouilla pour attraper une seringue dans sa poche qu’elle s’enfonça directement dans le cou pour en déverser la totalité du contenu. Elle gerba, hurla, mais soudain la douleur s’estompa. Elle tremblait, des débris atterrissaient devant elle. Au loin, les bourdonnements reprirent.
Courir.
La femme n’était plus, la machine avait prit le relais, la survie se mêlait à la cybérologie pour ne former qu’un cyborg programmé à vivre à n’importe quel coût.
Elle sortit des ruines, s’engouffra dans une nouvelle rue, entendit les éternels poursuivants. ça canardait, tout autour d’elle, dans les airs, devant, derrière, son système s’emballa, elle ne calculait plus les trajectoires, alors des balles rentrèrent, un peu partout. Elle se protégea la tête, tout ce qui comptait. Soudain elle s’écroula, elle sentit qu’elle ne pouvait plus marcher, elle tourna la tête vers ses jambes, sa droite n’était plus, elle était arrachée, contre un mur. Des humanoïdes s’approchaient, dans des combinaisons de combats, ils pointèrent un fusil vers 278.
Puis le néant.
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