Une mauvaise rencontre

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L'heure fatidique vient de sonner. Prise de panique à l'idée de rejoindre Manoé pour cette soirée en tête à tête, j’essaie tant bien que mal de ranger mes affaires, les mains tremblantes. Je prends la note qu'il m'a donnée tout à l'heure, et regarde encore une fois l'adresse. C'est à dix minutes d'ici en bus, dans un quartier assez mal fréquenté. J'espère qu'il sera à l'heure et que je n'aurais pas à patienter seule là-bas trop longtemps...

Je ferme la porte de mon bureau et passe le cœur palpitant devant celui de Manoé, qui a la porte ouverte. Je peux entendre sa voix résonner dans le couloir. J'arrive à capter quelques mots, il semble être en conversation téléphonique. J'espère vraiment qu'il pourra se libérer à l'heure...

J'arrive dans le hall d'accueil, dis au revoir à Zoé et aux autres filles, puis prends la route en direction de l'adresse où il doit me chercher.

A l'arrêt de bus, j’aperçois la voiture d'Eden. Il passe devant moi, en me faisant un grand signe de la main. Sourire aux lèvres, comme à son habitude, il s'arrête devant moi et baisse la vitre :

 - Je te ramène chez toi Kimi ?

 - C'est gentil de ta part, mais j'ai un rendez-vous, je ne rentre pas tout de suite !

 - Un rendez-vous ?

Eden me fixe avec étonnement. Je ne peux pas lui dire que je vais chez Manoé !

 - Oui, avec une amie...

 - Je peux te déposer si tu veux ! Le bus est blindé de monde à cette heure...

Merde. Il va falloir que je trouve quelque-chose pour qu'il parte. Après un court silence, je lui répond:  

 - Ça ira, je t'assure ! On se verra demain, rentre tranquillement chez toi !

Son visage se ferme, il hausse les épaules :

 - Bon, comme tu veux... fais attention à toi quand même. A demain !

 - Ne t'inquiète pas ! A demain !

Je lui fais signe de la main, il remonte la vitre et repart. Ouf ! Je l'ai échappé belle...

Quelques minutes plus tard, le bus arrive enfin. Eden avait raison, il est noir de monde. Je me faufile difficilement dans celui-ci, et arrive à trouver miraculeusement une place. Je regarde ma montre. Dans cinq minutes, il sera dix-neuf heures. Je suis vraiment stressée et souffle plusieurs fois pour tenter de faire retomber la pression.

J'arrive enfin au point de rendez-vous. Je descends, et m'assieds sur le banc, sous l'arrêt. Mon cœur s'emballe de plus en plus. Le coin est désert et vraiment inquiétant.

Soudain, deux hommes font leur apparition et marchent dans ma direction. Je jette un coup d’œil furtif vers eux, je ne suis pas très rassurée. Ils se postent devant moi :

 - Salut ma jolie ! Tu es toute seule ? On peut te tenir compagnie si tu veux ! Dit l'un d'entre eux, d'une voix forte.

Je ne réagis pas, baisse la tête, et prie intérieurement pour que Manoé arrive rapidement. L'homme s'assied à côté de moi, son ami fait de même. Je suis entre les deux et j'ai vraiment peur. L'homme à ma gauche pose une main sur ma cuisse. Je la retire énergiquement et il m'attrape violemment le poignet :

 - Qu'est-ce que tu crois faire là ?! Je pose mes mains où je veux salope !

Son ami me touche les cheveux, et passe sa main sur mon visage, jusqu'à atteindre mes lèvres. Il se met à les caresser lentement. Je peux sentir son haleine alcoolisée, tellement il s'est rapproché de moi. Son ami pose alors sa main sur ma poitrine. Paniquée, je tente alors de me lever, mais ils me serrent fortement les mains pour m'en empêcher :

 - Laissez-moi tranquille ! Dis-je, en hurlant.

A ces mots, l'un d'eux se lève, et me gifle très violemment. Je suis tétanisée. Ma respiration s'accélère, et je commence à perdre le contrôle de mes émotions. Je repense à mon ex, ses coups, à ses insultes.... un tourbillon d'images violentes me viennent instantanément en tête. Je suis incapable de bouger, ni même de dire un mot. Mon corps se met à trembler. Les hommes continuent de me toucher, profitant de mon mutisme et de mon incapacité à me mouvoir.

Tout à coup, une voiture freine brusquement devant nous. J'entends des portes s'ouvrirent brutalement. Les deux hommes sont alors projetés au sol, et des bruits de coups résonnent dans le rue. Je ferme les yeux et place immédiatement mes mains contre mes oreilles. Les bruits que je ne veux plus entendre... je pose mon visage sur mes genoux, le souffle coupé. J'entends les deux hommes crier des insultes, puis, des bruits de pas venir rapidement dans ma direction. Une veste chaude se pose sur mes épaules :

 - Kimi... Vous allez-bien ?

Je peux reconnaître la voix tremblante de Manoé. Il me relève et me prend doucement dans ses bras en me caressant délicatement le dos. Je peux sentir son doux parfum, et sa chaleur aussi. J'ai envie de lui répondre, mais je suis toujours pétrifiée. Il passe une main derrière ma tête, et me serre davantage contre lui :

 - Je suis désolé... j'aurais dû être là plus tôt. Tout est de ma faute... je devais régler une affaire importante, ça m'a prit plus de temps que prévu... pardonnez-moi... , me dit-il d'une voix basse et très douce, au creux de mon oreille.

Il s'écarte un peu pour remonter mon visage vers le sien. J'ouvre lentement les yeux, et vois alors une plaie sanguinolente sur sa joue. Il semble être très inquiet. Je passe ma main tremblante sur son visage pour essuyer les gouttes de sang qui coulent le long de son visage. Il pose sa main sur la mienne, attrape tendrement mon poignet et caresse affectueusement le mien :

 - Vous pouvez marcher ? Il fait froid, nous devrions partir. Tout va bien maintenant, vous n'êtes plus seule. Je vais prendre soin de vous.

Son doux regard plongé dans le mien, il me prend gentiment les bras, et me relève calmement. Son chauffeur vient rapidement à nous :

 - Tout va bien, monsieur James ?!

 - Oui, nous allons partir, dit Manoé, en m'emmenant lentement vers la voiture.

Il me prend par la main, et m'aide à m’asseoir. Il se rapproche de moi doucement pour accrocher ma ceinture. Son visage est tout prêt du mien. Mon cœur s'emballe. J'ai envie de le serrer fort contre moi. Il me regarde, me caresse tendrement la joue, ferme la portière puis s'installe à côté de moi:  

 - Conduisez-nous chez moi. Dit-il, sèchement.

 - Tout de suite monsieur.

Le chauffeur s’exécute aussitôt. Manoé reprend ma main dans la sienne, puis nous partons.

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