Chapitre 1
L'Heure Dorée sur Veroon-2 est un spectacle sans égal dans toute la galaxie. Cet instant enchanteur se produit, tous les deux ans, lorsque les Trois Soleils du système de Veroon s’alignent dans le ciel. Peu avant le coucher du trio astral, le Jour se pare de ses plus belles couleurs, afin d'accueillir, envieusement, la Nuit drapée de son enveloppe noire menaçante. Un déluge de nuances virevolte alors dans les cieux, des teintes provenant de mondes encore inconnus s’invitent également à la partie, le tout composant une fresque irisée des plus oniriques. Durant une petite heure, ce phénomène majestueux et éphémère, laisse progressivement place à la nuit la plus douce et la plus agréable de l’année : la Nuit de l’Introspection. Lors de cette fameuse nuit chaque habitant de Veroon-2 est invité à faire le point sur son existence, à réfléchir à son avenir, à questionner l’impact qu’il a sur le réel. Mais c’est surtout un préliminaire psychique obligatoire pour une poignée de pré-adultes se préparant pour le Rituel des Deux Sœurs. C’est dans ce décor irréel que notre histoire prend naissance.
Ayant attendu toute la journée ce moment béni, Zef, accoudé à la fenêtre, contemplait avec émerveillement le début de ce spectacle éclatant. Plus le bleu du ciel s’effaçait au profit d’autres tonalités, plus son excitation grimpait. Ce n’était pas sa première Heure Dorée, loin de là, mais contrairement aux autres années, son esprit, depuis quelque temps, se trouvait embrouillé par des pensées néfastes et indécises. Il faisait partie, cette fois-ci, du groupe de jeunes verooniens participant au Rituel des Deux Sœurs, et rien ne semblait apaiser cette angoisse profonde. Seul un prodige aussi impactant pouvait effacer, l’espace d’un instant, ses inquiétudes justifiées.
À ses côtés se trouvait son fidèle droïde K-1, un ancien droïde sonde, modèle DRK-1 reprogrammé, qui lui avait été offert pour ses cinq ans.
— Regarde ça K-1 ! C’est la première fois que je vois cette couleur !
— Voozoooo.. Répondit, affecté, le petit droïde.
— Ah oui c’est vrai, j’oublie à chaque fois, je changerai ce module optique un jour, ne t’en fais pas, mais c’est dommage, cette Heure Dorée est exceptionnelle, je n’en ai jamais vu de telle ! répliqua, d’un air enjoué, Zef.
Au même moment, de puissants coups cognèrent contre la porte de sa chambre, la pièce entière tressaillit. Reconnaissable entre mille par Zef, l’origine de ce tumulte ne présageait rien de bon. Ce dernier tenta de se faire oublier, et ne répondit simplement pas. Un silence palpable se propagea dans toute la chambre.
— Jeune Maître, je sais que vous êtes ici, ouvrez-moi cette porte sur le champ, entonna d’une voix menaçante l’inconnu.
Zef, serait bien resté mutique, attendant que l’inconnu s’en aille, comme à son habitude, mais il fut trahi par son droïde dévoué. K-1, en surchauffe, due à la peur, commença à émettre un brouhaha robotique aussi bruyant qu’un motojet, toutes ses fonctions s’allumèrent en même temps, une liste de messages holographiques, implantées dans sa mémoire interne, passait en boucle, jamais Zef n’avait entendu un tel vacarme.
Déboula alors dans la chambre, en explosant la porte, une jeune femme à l’allure belliqueuse et au teint halé, du nom de Tagg. Sa carrure massive et son armure imposante ne laissait aucun doute sur son statut martial, cette guerrière était l’apprentie du père de Zef.
— Qu’est-ce qu’il se passe ici ?! C'est quoi ce boucan ? Rien de cassé ?
— Non ..., c’est juste K-1 qui fait des siennes ..., répondit Zef, fixant le droïde d’un air accusateur.
— Pourquoi ne pas m’ouvrir alors ? gronda Tagg, en remettant tant bien que mal la porte coulissante sur son rail.
— J’étais absorbé par le ciel, dés... Zef n’eut pas le temps de finir sa phrase que Tagg le coupa net.
— Maître Marzik vous demande.
À cette annonce, la mine de Zef, d’habitude légèrement brunie et pleine de vie, pâlie en un clin d’oeil.
— M... Maintenant ? Demanda fébrilement Zef
— Tout de suite. Répondit sèchement Tagg.
— Mais je vais manquer l’Heur...
— Tout de suite. Rejoignez-nous sur le toit au plus vite.
Se tournant vers la fenêtre, il faisait maintenant dos à son interlocutrice, Zef prit une grande inspiration pour trouver le courage de répondre, et d’un ton solennel répliqua :
— J’arrive.
Tagg quitta la pièce d’un pas vif et ferme, et partit rejoindre son maître sur le toit de la demeure. Cette interaction laissa sans voix le jeune Zef. Toute la journée il avait redouté ce moment, mais pourquoi maintenant ? Pourquoi pendant l’Heure Dorée ? Sans même lâcher un regard à son droïde apeuré, il lui indiqua froidement qu’il revenait au plus vite.
Passé le seuil de la porte, Zef ressenti une pression immense se répandant, par ses os, tout le long de son corps, chaque muscle, le composant, tremblait. Un long et sombre couloir menait à l’ascenseur qu’il devait prendre pour arriver à sa destination. Chaque pas, chaque mètre parcouru dans ce sinistre goulot était une épreuve insurmontable. Plus il approchait, plus son cœur se serrait, sa gorge se nouait, son ventre se tordait. Arrivé devant l’ascenseur, Zef hésita un court instant, puis appela l’ascenseur et entra à l’intérieur. Le bruit lancinant de l’élévation, fit monter la pression à nouveau d’un cran, chaque chiffre défilant sur le cadran numérique était une occasion ratée de fuir cette funeste entrevue. Zef aimait son père, même si cette crainte semblait montrer le contraire, mais la terreur prenait le dessus à chaque fois. Après tout ce temps passé auprès de lui, il serait logique d’être habitué à toute cette pression, de s’adapter à la situation, et pourtant c’était tout l’inverse, l’influence nuisible de son père semblait accroître au fil du temps. Zef n’eut pas le temps de s’inquiéter plus qu’il le fallait,
que cette montée aux enfers prît déjà fin, et de manière abrupte, les portes s’ouvrirent directement sur le toit. La source de toute cette agitation, Marzik, les bras croisés, était en train de profiter des firmaments nacrés, son apprentie à ses côtés.
Marzik était un homme d’une quarantaine d’années, de taille moyenne et de corpulence normale. Rien ne semblait indiquer, à première vue, qu’un esprit aussi sombre et envoûtant pouvait se loger dans cet être banal. Était-ce la noirceur de ses cheveux ? Les tons légèrement ambrés de son regard perçant ? Les notes lugubres de son accoutrement ? Surement un peu de tout cela. Sa posture, raide et froide, traduisait une hardiesse inouïe, presque surnaturelle. De son visage impassible, mais furieusement commun, émanait une sensation étrange et austère. Le simple fait de poser les yeux sur ce masque de chair, créait, chez un individu, un sentiment de malaise instantané. Nombre de ses sujets le pensaient muet car il n’ouvrait la bouche que pour de rares occasions, toujours les plus critiques, car oui, le souverain absolu de cette planète, c’était lui.
La vue de cette terrible silhouette au beau milieu de ces merveilles de l’univers en pleine représentation tétanisa le jeune Zef, un tel contraste lui semblait insoutenable. L’ayant remarqué depuis un moment, Marzik rompu la catatonie de son fils, sans même se retourner vers lui, regardant haut dans le ciel, il le convoqua froidement :
— Zef, approche. Tagg, laisse-nous.
— Bien Maître, répondit religieusement Tagg, et s’en alla une seconde fois. Zef, les jambes chancelantes, avança donc vers son père, impossible de faire machine arrière maintenant. Le toit de l'alcazar lui parut interminable, tous les troubles qu'il subissait depuis qu’il avait quitté sa chambre s’intensifiaient. Un bourdonnement pareil à un millier d’abeilles filaires vociférait dans ses oreilles, sa vue se brouillait, l'entièreté de son corps était en alerte devant ce danger familier. Sans même s’en rendre compte, il atteignit Marzik, qui ne le regarda même pas. De longues minutes
de silence, de gêne et d’effroi suivirent. Les deux âmes parentes, ne sachant communiquer avec autrui, se perdirent dans l’immensité de l’azur bariolé. Rassemblant le reste de courage qui lui restait, Zef mis un terme à cet armistice déguisé :
— Je ... Je ne t’aurais jamais imaginé aussi admiratif devant un tel phénomène, lança Zef, c’était notre moment tu sais … Elle n’en ratait aucune ...
Marzik, insensible, ne prit même pas la peine de lui répondre.
— Si tu m’as convoqué pour me parler de demain, je suis prêt, retenta Zef.
Toujours aucune réponse. Zef eut alors une de ces fulgurances qui nous poussent dans nos retranchements. De ces colères qui font jaillir cette ardeur enfouie depuis bien trop longtemps, dans une déflagration de sentiments et d’incohérence. Des idées, plus confuses les unes que les autres, éruptèrent alors de sa cavité :
— “Je … Je ne sais même pas pourquoi je m’efforce de tenter de créer quelque chose avec toi, il n’y a que Tagg qui compte de toute façon ... Pourquoi l’avoir pris comme apprentie, alors que je te le demande depuis toujours ?! C’est une combattante née, je suis d’accord, mais c’est une parfaite inconnue !” Marzik semblait être ailleurs “… Et pourquoi me demander pendant l’Heure Dorée tu sais très bien que … Même ça tu me le gâches ! Il n’y a que toi et cette lubie qui compte de toute façon. ”, continua sur sa lancée, le jeune Zef.
Reprenant ses esprits, Zef se calma et conclut tristement : “Je ne suis rien à tes yeux, j’ai compris maintenant.”
Resté dans la même position depuis tout ce temps, concentré sur le ballet stellaire : “Ne porte pas préjudice à la famille Amakr”, furent les seuls mots qu’il prononça à son fils.
— J’essaierai, répondit Zef désabusé, en quittant lentement le toit de la demeure. Marzik, toujours dans la même position, n’avait pas bougé d’un poil.
De nouveau dans cet ascenseur de malheur, Zef cogita sur ce qu’il venait de se passer. C’était la première fois depuis sa naissance qu’il tenait tête à ce point à son père, d’où venait cette audace ? Était-ce l’ébullition sentimentale que provoquait le rituel prévu le lendemain ? L’Heure Dorée qui aurait pu avoir un effet psychédélique sur lui ? Aucune réponse ne semblait le satisfaire. La descente parue bien plus agréable que la montée, Zef se surprit mê-
-me à se repasser mentalement, avec fierté, son intervention. Mais la satisfaction personnelle fut de courte durée, au moment de l’ouverture des portes de l’ascenseur, il tomba nez à nez avec Tagg, qui remontait. Boosté par sa confiance nouvelle, il la toisa des yeux, comme pour essayer de l’impressionner, ce qui bien sûr, n’eut aucun effet sur la guerrière, d’une poigne robuste, elle le sortit de l’ascenseur et prit sa place, le tout en soutenant son regard :
— Demain, on part à l’aube, soyez prêt, dit-elle d’un ton presque moqueur.
Vexé, Zef ne lui répondit même pas, et s’empressa de rejoindre sa chambre. Arrivé à l’intérieur de celle-ci, il se jeta sur sa couchette et la molesta de rage. Comment oser le bousculer, lui parler de la sorte, lui, Zef, capable de tous les prodiges, ayant réussi à garder la tête haute contre son pire cauchemar ! Rempli d’orgueil, il n’avait jamais détesté quelqu’un à ce point, même son père n’avait jamais atteint un tel niveau.
— Vozoobooo ? s'inquiéta K-1, qui était resté dans la chambre tout ce temps, attendant avec impatience le retour de son jeune propriétaire.
— Nan ça ne va pas ! Elle a osé … Elle a osé ! J’ai réussi à m’imposer devant mon père K-1 tu m’entends ? Je suis capable d’absolument tout maintenant ! Et elle ..., elle ose … Elle OSE ! Tu n’as aucune idée de ce que ça fait de se faire bafouer de la sorte. Je ne sais même pas pourquoi je te dis tout ça, tu n’es qu’un droïde de toute façon, répliqua brutalement Zef.
— Vobozoo.. répondit l’inconsolable petit droïde.
En voyant les conséquences de ses paroles, un instant de lucidité lui traversa l’esprit, prit de remords il s’excusa aussitôt :
— Je me suis emporté, désolé, ça n’arrivera plus, je ne sais pas ce qu’il m’arrive, c’est la première fois qu’une chose pareille se produit.
Rien à faire, K-1 était déjà bouleversé par ce comportement, et lévita doucement jusqu'à son chargeur, pour y passer la nuit, tout en continuant à veiller fidèlement sur son jeune maître, dans le silence le plus total.
Zef quant à lui, ne profita même pas de la fin des Heures Dorées, et se coucha directement, ne prenant même pas le temps de faire son devoir d’Introspection, lors de cette nuit spéciale. Épuisé par toute cette fin de journée, il s’endormit d’une traite. Cette fameuse nuit fut mouvementée pour Zef, une série de rêves étranges et illogiques se répétait, et le réveillait : une source enflammée, un mausolée unifié, et une planète enragée. Impossible de savoir de quoi parlaient ces rêves, fallait-il chercher une explication à ces songes ? Ce n’est pas la première fois qu’il ne les comprenait pas, encore moins la dernière, mais pourquoi les mêmes en boucle ? Il ne trouva aucune réponse à ce mystère, qui n’en était sûrement pas un.
Ayant enfin pu réussir à dormir profondément, Zef se fit réveiller brusquement par les mêmes coups violents assénés à sa porte que ceux de la veille :
— Je vous attends en bas, n’oubliez rien d’important, annonça Tagg d’une voix puissante mais atténuée par la porte métallique.
Le son de cet aboiement le mit dans un état de panique, tous les problèmes qu’il avait quittés hier soir, en s’endormant, lui revinrent en pleine face. Un torrent d‘interrogations et d’angoisses diverses déferla dans ses pensées, le faisant s’extraire du royaume des mirages de la manière la plus abrupte qui soit. Ni une, ni deux, il enfila son habit cérémoniel, qui était composé d’un large chapeau blanc, en forme de cône, descendant jusqu’au nez, d’un long foulard noir que l’on place au-dessus du nez, permettant de se protéger les voies respiratoires en cas de besoin, et surtout de garder l’anonymat des participants, élément primordial dans cette épreuve, d’une grande chemise blanche collée à même la peau nue à qui on additionne, une robe bouffante et légère de couleur gris foncée, par-dessus, des sandales en cuir, ouvertes, lacées jusqu’au genou, d’une une grande outre faite à partir de la peau d’un nokal et pour finir d’une petite gourde faites dans un duracier aux reflets légèrement rosés. Si l’un de ces éléments venait à manquer, le participant serait rejeté de la cérémonie sur le champ.
Enveloppé dans sa tenue, Zef dit aurevoir à son petit droïde, qui n’
avait pas bougé de son chargeur, s’étant assuré du bien-être de
Zef pendant toute la soirée :
— On se revoit dans quelques mois K-1, encore désolé pour hier soir, j’espère que tu ne m’en veux plus.
— Vozooo.. Vozobozooo !
— Non non tu ne peux pas venir avec moi, tu sais bien, répondit Zef.
— Vozooooooo.
— Je te le promets.
Un dernier coup d’œil jeté à sa chambre en désordre, et à K-1, Zef quitta la pièce, fébrile et encore somnolant, et se dirigea vers la sortie. Tagg l’attendait perchée sur son pooda et accompagnée du sien, Axol.
Le pooda est un quadrupède saurien, de la taille d’un grand bantha. Amphibien, il est aussi à l’aise dans l’eau que sur la terre, choix adéquat s’il on veut parcourir des biomes différents, et ce, sans effort. Grâce à sa peau épaisse et rugueuse parsemée d’écailles, il est capable de résister à de fortes chaleurs, et possède l’incroyable capacité de régénérer certaines parties de son corps. Ses quatre puissantes pattes lui permettent de parcourir d’énormes distances en peu de temps, ainsi, l’allure d’un pooda en bonne santé est sensiblement la même que celle d’une voile des sables lors de vent très puissants. Le plus gros avantage connu des poodas se trouve être son exceptionnelle résistance à la soif et à la faim, l’animal n’a besoin de boire et manger que quatre fois dans l’année. En effet, son système digestif fonctionne au ralenti, permettant ainsi une assimilation de la nourriture et de ses nutriments sur le très long terme. Pour ce qui est de la soif, le pooda ingurgite d’énormes quantités d’eau qu’il stocke dans son organisme, et qu’il puise quand il en a besoin. En mettant de côté l’origine mythique des poodas et vu la topographie particulière de Veroon-2, c’est pour toutes ces qualités que le pooda est l’animal protocolaire de ce Rituel des Deux Sœurs.
Axol, déjà attelé, Zef n’eut qu’à le monter, puis suivit Tagg de loin, la rancœur d’hier soir était encore trop forte pour pouvoir l’approcher de trop près.
— Il a bien mangé, mais n’a pas voulu boire cette nuit, vous devrez sans doute vous en occuper pendant l’épreuve, expliqua Tagg.
Zef ne répondit pas.
— Pas de réponse ? Pas de problème. Pressez-vous, nous allons rater le cortège, rétorqua Tagg.
Le cortège, un long défilé constitué de milliers de silhouettes anonymes, accompagnés ou non de leurs précepteurs, venait d’arriver dans la cité. À l’avant, menant d’une main de fer la procession, se trouvait la cheffe religieuse de la région, la Mage Supérieure. Zef et Tagg s’y engouffrèrent et suivirent la lancée, tout Veroon-2 était en liesse.
Veroon-2 est un petit satellite naturel de la planète Veroon, à la morphologie bien exotique. En effet, son hémisphère nord est un désert gigantesque, son hémisphère sud, un océan d’eau douce. Au pôle de l’hémisphère boréal se trouve un lac, d’eau douce lui aussi, de quelques centaines de mètres de circonférence, seul, au milieu de cette étendue de sable. Une île sablonneuse, de la même taille, se situe également au pôle de l’hémisphère opposé. La rencontre de ces deux hémisphères créa un éden terrestre tout le long de l’équateur, la vie s’y développa de façon luxuriante, arbres gorgés de fruits, agriculture prolifique, animaux en tous genres, tous les lieux d’habitations s’y trouvaient. L’équateur est morcelé en plusieurs régions, tout le long de Veroon-2, chaque région a son lieu sacré dédié, où tous les deux ans, le jour suivant la fabuleuse Heure Dorée, une multitude de jeunes verooniens viennent se réunir pour le sacrement, et c’est à partir de ces lieux que commence la grande épreuve, unis contre tous. Zef et l’ensemble des jeunes de sa région arrivèrent au site sacré après une demi-journée de voyage. Le site, posté à l’orée du désert, consistait en une pléthore de petites tentes
placées en demi-cercle sur un large périmètre avec, en son centre, une plaine, en demi-cercle toujours, pouvant accueillir des milliers de pélerins. Au cœur de cette organisation, dressé fièrement, se tr-
-ouvait une pierre taillée, de plusieurs dizaines de mètres, où des
lettres, d’une langue inconnue de tous, étaient gravées. Chaque région possédait son site, dans la même disposition, le même pilier, les mêmes tentes, la même plaine.
Tagg, en retrait, apostropha Zef :
— Nos chemins se séparent ici jeune maître, souvenez-vous, ne portez pas préjudice à la famille Amakr.
Zef resta consterné, comment avait-elle su pour ces terribles paroles ? Son père lui faisait confiance à ce point pour se confier de la sorte ? La famille ? Osait-elle prétendre en faire partie ?
— J’essaierai, marmonna une seconde fois Zef, Tagg s’éclipsa, il était maintenant seul.
Tous les jeunes de Veroon-2, nés il y a seize et dix-sept cycles étaient conviés à participer à la cérémonie. Le pauvre n’avait pas l’habitude des grands rassemblements, la vue de toutes ces âmes, de toute cette immensité, l’apeura profondément. Il descendit d’Axol, son pooda, l’attacha à l’endroit indiqué, et tapotant son crâne dit tendrement :
— “Nous voilà rien qu’à deux mon grand...“, puis se mit à suivre la file qui se dirigeait vers le centre, où une troupe d’adeptes des Deux Sœurs les attendait. Pour pouvoir atteindre le noyau de la cérémonie on leur demanda à tous d’ôter leurs tenues, seuls les sous-vêtements y étaient admis. Il déposa alors, non sans mal, son attirail au sol, et lentement, tout gêné par la situation, foula pour la première fois des pieds, le sol béni. “Ce sable à l’air ordinaire, je ne ressens rien de bien spécial” se dit intérieurement Zef. Le reste du convoi processionnel arriva au compte-goutte, Zef patienta jusqu’au zenith des Trois Soleils, nu et debout, ses jambes commençaient à faiblir doucement. Le dernier arrivé se mit en place, le rituel put enfin commencer.
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