Episode Vingt-Sept : Les Puissants

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Keldan mangeait tranquillement avec ses soldats pour apprendre à les connaître. Jusque-là, il avait passé beaucoup de temps avec Spark Kellermann, mais pas avec les autres.

- Voici les aspirants Dordo, Kolto, Chundo et Dilkan, Capitaine, dit Kellermann en présentant la petite unité.

- C’est un honneur ! lança Dordo, le plus jeune.

- Oui, un honneur, capitaine ! continua Chundo.

- Calmez-vous, pas besoin de tous ces honneurs. Vous vous connaissez tous depuis longtemps ?

- Chacun d’entre eux a servi dans la résistance, capitaine Keldan, expliqua Kellermann.

- C’est bien. Je crois que c’est important, pour une équipe, d’avoir passé beaucoup de temps ensemble.

Tous étaient ravis de rencontrer leur héros de guerre et buvaient ses paroles. En voyant sa carrure, ils ne pouvaient s’empêcher de manger un peu plus que d’habitude pour essayer de lui ressembler.

Il avait droit à une diète de Porteur très chargée qui lui permettait de garder des forces pendant tout le voyage. Lorsque son cheval voyait ce qu'il avalait, il en avait déjà mal au dos. Après le repas, il alla faire un tour autour du camp.

Le jeune Raphael le rejoint.

- Salut, Capitaine !

- Salut, petit, répondit-il, encore dans ses pensées.

- Vous êtes un Porteur ? C'est vrai que j'en ai jamais vu avant. Vous êtes immense, et super costaud !

- Doucement avec le fayotage, petit gars. Je viens déjà de me faire lécher les pompes pendant une demi-heure, alors…

Raphael ne tint pas compte de la remarque.

- Vous soulevez combien ?

- Et bien, euh… Ça dépend...

« Tiens, c'est vrai... pensa-t-il. Je n’ai pas mesuré ma force depuis que je suis rentré. »

- La dernière fois, je pouvais tirer 680 livres depuis le sol.

- Vous êtes sérieux ?! Vous devez être vachement courageux pour avoir grimpé jusqu’à un tel niveau !

- Là, petit gars, t'as pas tort...

- J'ai hâte qu'on tombe sur les vampires pour vous voir leur mettre une bonne raclée !

- Ah ouais... Moi, je t'avoue, je ne suis pas pressé.

- Raphael, n'embête pas le Capitaine, dit Yvan avant de s'installer près de lui. Il a eu une dure journée, comme nous tous, et tout le monde n'a pas ton énergie.

- Oui, monsieur Yvan ! Pardonnez-moi, Capitaine, dit le petit en faisant la courbette.

Il alla ensuite embêter Lurrihan et joua à apprendre sa langue des signes.

- Ca va, ça va, dit Keldan à Yvan. On ne peut pas dire qu'il soit désagréable.

- Non, c'est vrai. Mais c'est encore un enfant. S'il commence à vous poser des questions maintenant, il y sera encore à minuit.

- Pourquoi, d'ailleurs ? Enrôler un enfant dans une mission aussi dangereuse, qu'est-ce que c'est que cette idée ?

- Si cela vient du roi et que ce petit a été recommandé par Imperio, c'est que ça doit en être une bonne.

- Mais vous le connaissez, non ?

- Et bien, il est arrivé ici il y a quelques semaines, justement en tant qu'ambassadeur de Sardag. Il n'y en avait pas eu depuis qu'Ensh'Idai les avait interdits. Puisque c'est un enfant, le roi a demandé à ce que je le prenne en charge. Tout ce que je peux vous dire, c'est que c'est un garçon plein de surprises.

- Parce que vous êtes qui, au juste ? Je voudrais pas vous manquer de respect, mais vous n’avez pas l'air noble.

- Non, en effet. Je ne suis qu'un fermier de l'ouest du pays, j’habite loin dans les terres cultivées. Mais le roi m'a rencontré pendant son exil. Et quand il est revenu au pouvoir, il m'a rappelé à lui.

- Vous avez fait des études ?

- Non.

- Vous êtes un bon guerrier ?

- Non plus.

- Alors qu'est-ce que vous faites ici ?

- Ca, on a dû vous le dire. Je supervise les soins et l'infirmerie. J’ai ce qu’ils appellent un "savoir-faire traditionnel", vous voyez.

- Ouais, je vois très bien.

Pour la première fois depuis longtemps, Keldan passait un moment calme au coin du feu. Cet Yvan semblait réfléchi et pragmatique, tout ce qu'il appréciait.

- Dites, ces vampires, là... Qu'est-ce qu'ils nous font, au juste ? Qu'est-ce qu'on risque si ils nous tombent dessus ?

- Alors ça... Faudrait demander au petit nouveau, là. Le p'tit Darren... Où est-ce qu'il...

Yvan ne chercha pas longtemps Edwin Darren du regard, puisqu'il aperçut une silhouette sombre et fantômatique pénétrer dans le camp.

- VAMPIRE ! VAMPIRE ! hurla-t-il, alors que des soldats se dépêchèrent de dégainer leurs épées pour l'abattre.

C'était un être décharné au point où ses os semblaient vouloir s'échapper de son corps. Il avait la peau sombre et les yeux rougeâtres, se dandinait plus qu'il ne marchait et était vêtu d'une sorte de drap gris et de sandales abimées. Si son apparence physique était rebutante, le plus effrayant était sans doute qu'il porte des vêtements. Il avait beau être un monstre, il avait visiblement un assez haut degré de civilisation pour se les confectionner. Les êtres humains se retrouvaient face à une autre espèce intelligente et le malaise était palpable.

La créature avança de quelques mètres après avoir visiblement choisi sa cible. Un soldat se jeta sur le vampire et le décapita d'un seul coup. Tout le monde sembla étonné que tout se termine si vite. La créature était belle et bien telle qu'elle avait été décrite : faible, peu intelligente, mais agressive.

Soudainement, une nouvelle créature surgit des buissons pour sauter sur un autre soldat et lui planta ses griffes. Celle-ci fut à son tour neutralisée avant qu'elle ne puisse mordre. Le message était reçu de tous : il ne fallait surtout pas baisser sa garde, et éviter de se retrouver contre un trop grand nombre de ces créatures.

Keldan s'approcha des deux dépouilles et vit qu'elles semblaient pourrir bien plus vite que le corps humain. Il plongea son regard dans leurs deux grands yeux pâles et fut extrêmement dégoûté.

- Ils nous ressemblent beaucoup.

Edwin Darren avait déjà préparé son matériel pour prélever des morceaux de chair. Evidemment, personne ne voulait assister à ça.

- Bon, il nous faut dormir, dit Yvan en posant sa main sur l'épaule de Keldan. Le voyage sera long.

Et ce n’est pas sans garder un œil sur le fond de la forêt que Keldan parvint à s'endormir.

Le lendemain, le voyage fut agité par les commentaires de chacun des soldats. Les deux tueurs de vampires étaient acclamés par certains, là où d'autres ne cessaient de répéter que les bêtes étaient tellement faibles que n'importe qui aurait pu le faire.

- Marina, comment se porte la princesse ? demanda Keldan qui commençait à prendre confiance en sa position de capitaine.

- Elle n'arrête pas de demander de faire une pause. C'est qu'on a pas beaucoup dormi, et le voyage à cheval, ça donne envie de vomir...

- Vous êtes sûre que c'est une directive de la princesse et pas l'une des vôtres ?

- Euh.... oui...!

- C'est bon, j'ai compris. On s'arrête près de la rivière.

- Ah... merci, Keldan !

L’équipe s'installa près de la rivière, les éclaireurs se déployèrent de la même manière qu'à chaque fois et l'on prépara le repas. Lurrihan et Raphael s'amusaient toujours autant. Lurian lui faisait le coup de la pièce sous un des trois bols à une vitesse ahurissante, et Raphael la trouvait presque à chaque fois.

- Ouah ! Tu vas vite !

Keldan s'approcha d’eux.

- A ton avis Raphael, on rejoindra la frontière Sardèg dans combien de temps ?

- Ça dépend, dit-il en comptant avec ses doigts. Deux semaines, si tout se passe comme sur des roulettes. Et de là jusqu'à la Capitale, il y aura encore trois semaines, à peu près.

- Très bien. Au moins, quand le Capitaine Shinto nous aura rejoint, nous...

Deux hommes de la région étaient en train de pêcher dans la rivière. L'un était assez gros et massif, l'autre un peu plus chétif. Etrangement, la vue de ces deux personnages troubla Keldan. Il ressentait quelque chose de particulier. Lorsqu'il croisa le regard du plus gros, ce qu'il imaginait se confirma : Il avait un teint sombre et des yeux rougeâtres.

- Oh, merde... Attention ! hurla-t-il.

Mais c'était trop tard, le gros vampire venait de déchiqueter deux soldats en un seul coup. Le second avait jeté un éclaireur dans la rivière. Lurrihan se dépêcha d'activer son Souffle pour venir à son secours, il le posa sur la rive et se tint à côté de Keldan.

La formation Nord revint sur ses pas alors que les formations Sud, Est et Ouest tentaient de former un cercle de sécurité autour de la princesse. Les vingt soldats de la division Nord encerclèrent les deux créatures.

- Lurrihan, on y va ? demanda Keldan.

Celui-ci hocha la tête.

- Capitaine ! N’y allez pas ! Vous devez respecter la formation !

Keldan avait mémorisé la formation et, jusque-là, il avait bien voulu croire que celle-ci pourrait faire face aux vampires. Mais le paradigme venait de changer : ces deux créatures étaient bien plus fortes et pouvaient sortir en pleine journée.

- Kellermann ! hurla Keldan. Rappelle la division Nord, vite !

Les soldats khenasiens resserraient l’étau autour des deux grands vampires, qui ne bougeaient plus.

- Mais, Capitaine… !

- Dépêche-toi, bon sang !

C’est alors que l’un des soldats attaqua le gros vampire avec sa lance et le transperça. Celui-ci saisit l’objet à pleines mains et le tira encore plus loin. Dès que le soldat fut à proximité, il lui dévora la tête d’un coup de mâchoire.

- Division Nord, repliez-vous ! hurla Kellermann.

Mais il était trop tard. En se servant de la lance qu’il venait de retirer de son corps, le vampire trancha les têtes des dix-neufs autres soldats, sous le regard horrifié de Kellermann, Keldan et Lurrihan.

De la vapeur s'échappa de Keldan et Lurian, alors qu'ils ouvraient les vannes du Souffle. Les veines de Keldan gonflèrent à cause de l'afflux de Souffle dans le sang et Lurrihan ressentit un soupçon d'adrénaline. Il se concentra un instant pour visualiser complètement la zone avant de faire quoi que ce soit.

Keldan sentit quelque chose d'anormal.

- C'est bizarre, ils sentent l'homme.

Les créatures étaient bien différentes des précédentes. Elles étaient beaucoup plus humaines et portaient des vêtements ordinaires.

- Qui sont-ils ? demanda l'un des vampires à l’autre.

Tout le monde était sous le choc. Ils pouvaient donc parler ?

- Et vous, qui êtes-vous ? demanda Keldan.

Ils l’ignorèrent complètement.

- Ils sont de ceux que veulent le maître pour son armée. Regarde, ils sont deux mais respirent comme quatre personnes, répondit le plus fin.

- Quel gâchis... J’aurais bien mangé un bout du gros.

- Apprend à te contrôler, Orkry. Sinon, le maître resserrera encore son étau sur toi !

Le plus gros ramassa un violent coup de poing de Keldan qui manqua de le propulser dans la rivière.

- Ca va, on vous fait pas chier, là ? dit Keldan. Non mais je rêve... Je vous ai posé une question.

Lurrihan avait commencé à prendre de l'allure et se dirigea vers le plus petit. Pendant le combat face à Idai, Lurrihan n’avait utilisé ses capacités que pour courir. A présent, il savait aussi doser la vitesse de son jeu de jambes à une très grande vélocité, ce qui rendait chacun de ses coups presque imprévisibles.

Il envoya des coups sur toutes les parties du corps de son adversaire, au point de lui arracher un bras et de le pousser au sol.

- Je pensais pas que tu pouvais être si brutal ! rit franchement Keldan.

"Et toi, pourquoi tu te retiens encore ?" sourit Lurian, conscient de la force de Keldan.

- Les enfoirés... dit le gros vampire du nom d'Orkry. Ils sont trop forts pour nous.

- Pas la peine de prendre des pincettes... Ce n’est pas pour rien qu'on les appelle "les Autres".

Soudainement, une matière collante qui ressemblait à de la bouillie d'yeux, d'os et de chair s'échappa de la blessure du petit et alla chercher le bras manquant qui était tombé au sol. Dans un bruit de craquement insupportable, son bras se remit en place et le vampire testa sa poigne.

- Alors des trucs dégueulasses j'en ai vu, mais ça c'est une synthèse, lança Keldan, horrifié par cette vision.

Une vapeur semblable au Souffle s'échappa d'eux et ils se mirent à riposter. Etrangement, les deux avaient l’air d’avancer à la même vitesse. Ils jetèrent tous les deux des poignées de clous.

- Merde... On dirait les trucs de Moord ! Fais gaffe, Lurrihan ! dit-il avant de se prendre un coup de pied du petit dans les côtes.

Lurrihan courut vers le gros pour lui envoyer un coup de pied, mais celui-ci fit preuve d'un incroyable timing en l'attrapant par la jambe et l'envoyant valser près des rives.

Le courant était très fort, et il va sans dire que ce qui tombait dans la rivière était aussitôt emporté. Keldan se releva, les jambes tremblotantes.

"On dirait que ça m'engourdit, mais que je peux toujours tenir..." se dit-il, alors qu'aucun des vampires n'avait remarqué.

Il se jeta sur le plus gros pour le plaquer et l'emmener dans la rivière. Là, le courant les emporta tous les deux. Bien sûr, tous deux avaient bien dépassé les limites humaines. Aussi, ils purent échanger plusieurs violents coups. La situation stressante poussa Keldan a développer de plus en plus sa résistance physique, jusqu'au point où il ne ressentait presque plus la pression de l'eau. Le vampire tenta de lui ouvrir la bouche mais il répliqua avec un coup de tête avant de s'extirper de l'eau, quelques centaines de mètres plus loin.

Là, il marcha lentement après avoir enlevé les clous de ses jambes et rejoint Lurrihan, qui affrontait toujours le vampire maigre. Celui-ci parvenait efficacement à parer les coups véloces du Gardien, mais avait été impressionné par l'une de ses nouvelles techniques.

- Ce... cette puissance, tu... lança le petit à Lurian.

- Dhing ! Perdons pas de temps ! hurla Orkry qui venait de sortir de l'eau, lui aussi.

- Ils sont increvables, ces deux-là ! pesta Keldan.

Les deux vampires s'approchèrent l'un de l'autre et commencèrent à faire déborder cette bouillie d'os et de chair par les pores de leur peau. Les deux fluides vinrent se rejoindre au sol avant de s'évaporer.

"On fait quoi, Keldan ?"

- On essaie de rester près l'un de l'autre, juste au cas-où. Je prends le petit cette-fois, et tu prends le gros.

"Entendu."

Keldan tenta de rester à distance de son adversaire. Il savait qu'il ne pouvait pas le dépasser par la vitesse ou l'endurance et attendait qu'il envoie le premier coup.

Mais quand celui-ci arriva, Keldan n'en crut pas son foie : le coup lancé était dévastateur, bien trop pour un petit bonhomme comme celui-ci. Lurrihan se dépécha de saisir deux morceaux de bois pour les frotter l'un contre l'autre à grande vitesse et générer du feu. Il jeta les braises sur la tenue du gros Orkry pour qu'elle s'enflamme. Bien sûr, il s'agissait d'une diversion. Le temps qu'il la retire ou éteigne le feu, il pouvait passer au Deuxième Stade de son Souffle.

Oui, le Deuxième Stade. Après l'entraînement de Kyundo, Lurrihan avait senti qu'il pouvait aller plus loin. Relâcher son Souffle, c'était un peu comme abaisser un levier au premier cran, mais il avait compris qu'il y en avait beaucoup, beaucoup d'autres.

La vapeur qui s'échappait de lui sembla d'un coup plus épaisse, chaude et vive et l'on avait l'impression qu'il était nettement plus énervé. Sa vélocité avait atteint un nouveau cap et il ne lui suffit que de foncer sur son adversaire en s'arrêtant d'un coup pour provoquer un coup de vent du tonnerre. Mais son ennemi planta ses deux poings dans le sol pour éviter d'être projeté cent mètres plus loin.

"Quoi ?! Comment est-ce qu'il a su quoi faire ? Il ne pouvait pas s'y attendre..."

Il regarda alors l'autre vampire qui se battait avec une force largement plus élevée que tout à l'heure.

- Y'a quelque chose de pas normal ! cria Keldan et tentant de rester à distance. Leurs odeurs se sont mélangées !

"Est-ce que... Mais oui ! continua à penser Lurian. Ils ont tout partagé... Leur force, leurs techniques... Et même leurs souvenirs ! Dhing m'a vu faire, alors Orkry aussi... On est face à un seul et même être qui se bat sur deux fronts à la fois... Mais comment est-ce qu'ils font ça ?!"

Lurrihan dégagea un maximum de puissance et envoya des centaines de coups à l'aide de son nouveau Stade. Seulement, le gros ne broncha pas. L'autre sembla pourtant devenir plus vif et puissant. En fait, toute l'énergie qu'il envoyait dans l'un était reçue par l'autre, qui s'en servait pour devenir plus fort.

Lurrihan n'eut pas le temps de se poser plus de questions que le cou d'Orkry se brisa, comme s’il venait d’être saisi par une corde et que quelqu’un avait tiré de toutes ses forces. Il s'effondra sur le sol.

Les deux combattants se retournèrent et virent que Marina dégageait un Souffle de la même nature que celui de Kyundo. Une faible lueur émanait autour d’elle et ce qu’elle arrivait à faire semblait venir d’ailleurs que de son corps.

Elle avait su trouver le moment opportun pour briser la nuque du vampire, mais n'avait pas l'air très confiante dans ses capacités.

Le dénommé Dhing se jeta sur la dépouille de son ami.

- Orkry ! Non, mon pote, me fais pas ça...!

Il appuya sa tête contre le sol, comme s'il priait.

- Maître, relevez-le, par pitié... Il reste peut-être un espoir...!

Personne ne savait exactement que faire. Le vampire était sans doute toujours dangereux, alors tant qu'il ne s'était pas enfui ou prononcé, Keldan, Lurian et Marina ne bougèrent pas.

- Bande de chiens ! Je vais vous le faire regretter... Vous m'obligez à prendre mon frère.

La bouillie dégoûtante s'échappa encore de Dhing et sembla fondre sur le corps d'Orkry qui se remodela dans d'horribles hurlements. Lorsque le mélange des deux chairs donna naissance à un troisième être, celui-ci semblait être un parfait mélange entre Dhing et Orkry. Rien de ce qui avait fondu n'avait été perdu, aussi, ses os étaient presque deux fois plus gros, de même que ses muscles. Son acuité visuelle et auditive avait été doublée.

En bref, le monstre était devenu extrêmement robuste. Keldan et Lurian n'avaient pas vraiment de plan.

- Marina... dit Keldan. Vous pouvez peut-être le capturer avec vos cordes...

Celle-ci s'exécuta, mais la bête immonde saisit les liens qui cherchaient à l'enchaîner et les tira d'un coup sec. Il brisa le bras de Marina sans problème et la jeta dans la rivière.

Keldan tenta d'aller à sa rescousse mais une immense puissance se fit soudainement ressentir. Marina venait d'être rattrapée par une sorte d'immense racine qui sortait du sol et se mouvait comme un animal. Celle-ci reposa Marina sur la rive et se recroquevilla comme pour former une grande boule qui envoya un puissant coup dans le visage de l'énorme vampire.

Après cela, on entendit un claquement de doigt. Keldan et Lurrihan n'en revinrent pas : C'était le petit Raphael qui manipulait cette énorme plante en lui susurrant quelques mots et en lui faisant signe.

Il était entouré d'une immense aura qui faisait onduler l'air tout autour de lui, comme lorsqu'il fait chaud.

- Qui es-tu ? demanda sérieusement le grand vampire.

- Ouais, on fait comme ça, continua à sourire Raphel. Bye bye !

D'énormes racines vinrent saisir le vampire par chacun des membres. Celles-ci étaient si puissantes que même lui ne pouvait rien faire.

- Quoi ?! Arrête !

Raphael fit quelques mouvements avec les doigts pour ordonner aux plantes de l'enterrer vivant dans le sol. A mesure qu'il s'enfonçait, celui-ci suppliait d'avoir de l'air. Le petit garçon ne réfléchit pas plus longtemps et continua jusqu'à ce qu'il ait la tête complètement enfouie et asphyxie.

Tous ceux qui avaient combattu revinrent à leur état normal. Yvan se précipita sur Marina pour la soigner et Keldan convoqua Spark Kellerman.

- Dites-moi, Kellerman... Pourquoi est-ce que vous êtes restés sans bouger ?

- Ben... Vous nous l'aviez ordonné !

- Ne soyez pas débiles, si on a une chance de les battre, venez nous filer un petit coup de main... Vous auriez eu dix occasions de le faire...

- Mais on "doit" être "débiles" comme vous dites, puisqu'on est sous vos ordres. Ca évite qu'on fasse quelque chose qui ne vous plaise pas...

- Ouais, je vois. A l'avenir, je tiendrais compte du fait que vous êtes un suiveur.

Keldan balaya la zone du regard. Il vit le jeune Raphael se concentrer pour aspirer son aura en lui et Yvan apposer ses mains sur le bras brisé de Marina.

« Je m'en doutais, se dit Keldan. Le Souffle. Le roi a mis les moyens pour protéger sa fille. »

Et en un instant, son regard se fixa sur Marina.

« Et toi, tu t'es bien foutu de ma gueule. »

- Et voilà, lui dit Yvan qui semblait avoir miraculeusement réparé son bras. Vous allez ressentir une faiblesse dans ce bras pendant un petit moment, alors ne forcez pas trop dessus, alimentez-vous bien et restez en mouvement.

- D'accord, merci Yvan.

Keldan arriva près d'eux.

- Ah, Capitaine Keldan. Je vais vous aider, si vous le voulez bien.

- Allez-y, dit-il en fixant Marina d'un regard noir. Celle-ci s'éloigna aussitôt.

- Ahem, Capitaine... Est-ce que vous pourriez..., demanda Yvan avant de continuer en chuchotant :

Bloquer complètement votre Souffle ?

Keldan n'avait même pas remarqué que le Souffle s'échappait encore de son corps.

- Ah, oui. Ca a une incidence sur ce que vous allez me faire ? répondit-il en reprenant sa forme ordinaire.

- Et bien...dit-il en l'allongeant sur le sol et en déboutonnant sa veste, ce que je fais avec mes mains est un peu plus complexe que ça n'en a l'air. J'insuffle un peu de mon énergie à travers votre corps pour réparer les organes et les tissus endommagés. C'est aussi pour cela que le processus peut prendre longtemps, il faut que je me concentre longtemps pour bien visualiser ce qui ne va pas dans votre organisme. Un peu comme un chirurgien qui n'aurait pas besoin de vous ouvrir.

- Pratique.

- Oui, sauf qu'il y a un instant, votre organisme était vraiment différent ! Lorsque vous libérez le Souffle, votre système nerveux et musculaire ressemble plutôt à celui... d'un ours.

Après avoir soigné les blessés et enterré les morts, le cortège continua lentement d'avancer, encore peiné et effrayé par ce qui s'était produit.

Le lendemain, Keldan avait observé Marina toute la journée, et alors qu'il montait le camp avec Yvan, il la fit venir.

Yvan s'éclipsa doucement, il pensait comprendre ce qui allait se produire. Ils n'étaient alors plus que tous les deux près de la tente de Keldan et Lurrihan.

- Qu'est-ce qu'il y a, Capitaine ? Vous n'êtes pas fier de ma performance d'hier ? dit-elle.

- Au contraire, Marina. Je suis impressionné. Vous êtes une excellente menteuse.

- On ne vous a jamais appris à dissimuler votre Souffle ? C'est essentiel, pourtant.

- Je ne parle pas de ça ! Dit-il en attrapant son bras malade.

- Aïe ! Capitaine, vous me faites mal !

- J'ai toujours trouvé que vous aviez la peau un peu trop blanche pour une servante.

Il désigna alors une petite marque sous le poignet de Marina.

- Mais c'est surtout ça qui m'a mis la puce à l'oreille. Ce serait pas la marque de la famille Shinkan, ça ?

- Je sers la famille royale depuis dix ans, espèce de malade !

- Alors pourquoi Yvan n'y a pas droit, lui ?

- Eh bien euh... je...

- Mais le pire de tout, c'est votre attitude... Jamais une servante ne se permettrait de contester et rabrouer sans cesse les ordres de son supérieur. Plus la peine de faire semblant.... Vous êtes Ysea Shinkan, la princesse de Khenas !

- Je...quoi ? Mais non, enfin !

- Alors on va vite en avoir le coeur net, "Marina".

- Non, vous n'allez pas...!

- C'est un leurre. Il y a pas plus de princesse dans ce chariot que de grillons dans une tarte aux pommes.

Keldan s'approcha dangereusement de la calèche de la princesse qui y restait soi-disant enfermée toute la journée, alors que Marina tentait vainement de l'en empêcher. La plupart des soldats étaient trop occupés à enterrer les restes de leurs compagnons et à s'assurer que d'autres vampires ne viennent pas les attaquer pour regarder ce qu'il se passait.

- Non, seigneur Keldan, vous n'avez pas le droit !

- Je vais me gêner !

Keldan tira alors d'un seul coup le rideau qui devait protéger la princesse de toute interaction sociale et découvrit une jeune femme habillée noblement. Elle avait de beaux cheveux noirs attachés et se tenait droite sur son siège. Son regard alliait élégance, retenue et fermeté mais ne contenait pas une once d'arrogance ou de vanité.

- Bonjour, Capitaine. Y-a-t-il un problème ? répondit-elle avec un très léger sourire.

- Ah euh... Ben... Non, finalement. Bonne nuit, enfin, bonne journée. Bon voyage, quoi.

Il devint aussi rouge que le rideau qu'il ferma aussitôt. Marina le prenait maintenant de haut.

- Alors, vous voyez bien que j'avais raison ! Mais refaites-ça une seule fois et je fais un rapport au roi.

- C'est bon, la ferme... J'ai compris... répondit-il.

Marina rentra alors auprès de sa maîtresse.

- Quel lourd, ce type... dit-elle à voix basse.

- Allons, ne le jugeons pas trop vite, il est encore jeune.

- Et donc, nul.

- Je ne dirais pas ça. Il a vite découvert la supercherie. Nous avons failli être découvertes, princesse.

- Oui, c'est vrai... Et si on s'en est sortis, c'est grâce à toi.

- Vous deviez protéger votre peuple, vous avez bien agi. J'ai pourtant ressenti votre peur à cet instant.

- Merci, Marina... Heureusement que t'es là pour me le dire, toi... C'est pas cette bande d'hommes puants qui le ferait.

- Votre langage, princesse, attention ! lui dit-elle sévèrement.

- Oui, pardon Marina...

La véritable Marina prit alors un ton plus sombre.

- Mais ces vampires, comment étaient-ils ?

- Je sais pas trop comment te l'expliquer... Ils nous ressemblaient beaucoup. Puisqu'on s'en est sortis, je n'ai plus peur, mais sur le coup, c'était chaud...

- "Un peu plus difficile" conviendrait mieux.

- Pardon, Marina. Faire semblant de parler comme une soldate, ça a fini par déteindre sur moi... Mais en tous cas, je ne sais pas ce qui arrivera quand on tombera sur un vrai groupe de vampires puissants comme ceux-ci.

- Alors faites ce qui est juste, mais ne vous mettez pas trop en danger, n'oubliez pas que ces hommes sont prêts à mourir pour vous. Certains l'ont déjà fait aujourd'hui.

- Et ça ne se reproduira pas. Ce soir, nous gagnons Lâm, et le Capitaine Shinto nous rejoindra. Il saura sans doute bien mieux nous guider.

Ysea quitta alors la calèche et tomba nez à nez avec Keldan, toujours rouge de honte.

- Vous êtes resté ici, dit-elle, le souffle coupé.

- Ouais.

- Vous avez tout entendu.

- Ouais.

Tous deux étaient extrêmement gênés.

- Vous allez raconter ça à quelqu'un ?

- Ah ben, euh... A part Lurian, non. C'est presque mon frère quand même.

- Génial...

- Et Spark aussi, c'est quand même mon second.

- Carrément ?

- Et Yvan, parce c'est un bon cuistot.

- Sans déconner ?

Keldan éclata de rire.

- Mais non, bien sûr que je dirais rien.

Un long silence s'ensuivit.

- C'est le moment où tu me fait du chantage, c'est ça ?

Keldan sourit jusqu'aux oreilles.

"Le Capitaine Shinto ?" demanda dans le même temps Lurian à Yvan qui soignait ses blessures. Lorsqu'il devait communiquer avec quelqu'un et que Keldan n'était pas là, il écrivait simplement des symboles sur le sol.

- Oui, c'est le gouverneur de la région de Lâm. Je vous avoue que je ne sais pas exactement ce que le roi avait en tête en le choisissant, mais il couvre la région qui a connu le plus d'apparitions de vampires. J'imagine que c'est pour ça.

Toutes les blessures de Lurian étaient à présent refermées.

- Voilà ! Vous êtes comme neuf, Lurian !

"Super...!" lui "dit"-il en lui serrant la main.

On vit alors le cortège repartir quelques minutes plus tard. Le Capitaine Keldan avançait fièrement, alors que "Marina" se tenait à côté de lui, non sans agacement. Elle agitait une feuille de palmier pour lui envoyer un peu de vent frais.

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