Chapitre 1
Manon n’en revient pas. Encore une fois elle s’est faite avoir par ce type. Mais pourquoi tombe-t-elle toujours dans le panneau ?
L’amour.
L’amour ça craint.
Elle s’était pourtant promis de ne plus le revoir tant qu’il n’aurait pas enfin quitté sa femme. Il lui avait promis. Encore. Il avait juré. Comme toujours. Oui, il abandonnerait tout pour elle, il l’aimait à la folie, il ne voulait qu’elle.
Des paroles si douces à ses oreilles. Ce qu’elle voulait entendre, ce qu’il lui susurrait avant de parcourir son cou de baisers ardents. Elle avait résisté, car Manon connaît bien Éthan et ses mensonges. Mais la raison n’a jamais été la plus forte dans sa vie, et la fièvre de ses caresses parvenait toujours à faire fondre ses bonnes résolutions.
Il ne viendra pas.
Elle attend comme une potiche sur le quai de gare, seule.
Les notes typiques introduisant les annonces SNCF se font entendre : « Le train à destination de Paris – Gare Saint-Lazare va quitter la voie numéro 2, merci de vous tenir éloigné du quai. » Voilà, le train part, sans elle, sans lui, sans eux.
Terminé avant même d’avoir commencé ce week-end en amoureux dans la capitale ! Manon sort son portable de la poche arrière de son jeans et compose le numéro d’Éthan, le premier dans ses favoris, quelle tristesse !
_ « C’est moi... Je me doutais que tu ne répondrais pas, tu n’es qu’un lâche. Je le sais bien, je le sais pourtant si bien bordel ! Mais je suis qu’une pauvre conne ! Et ça tu le sais bien toi aussi hein ? C’est bon, c’est terminé, ne cherche plus jamais à me joindre, ne m’appelle plus je te préviens. Nous deux s’est vraiment terminé cette fois. Je te souhaite d’être heureux avec ta femme. Ciao Éthan. »
Pas d’émotion, elle a essayé d’être la plus détachée possible pour que ce con ne puisse pas jouir de sa peine. Mais le téléphone encore en main, elle regarde la photo associée au numéro. Éthan, le sourire sexy dans son petit polo cintré. Éthan le tombeur, le charmeur. Son mec, son amant, son amant déjà marié ! « Voulez-vous vraiment supprimer définitivement cette photo ? » En vérité ? Non, Manon voulait tout garder, tout se rappeler, sa voix, ses yeux, sa bouche, ses mains, son rire, son corps. C’était son Christian Grey, putain !
« Oui »
Voilà. Terminé.
D’un geste rageux, elle attrape sa valise et quitte la gare d’Yvetot aussi vite que possible. Lunettes de soleil sur le nez, elle maudit ce masque qui l’empêche de respirer. Elle sent les larmes monter, cherche à les retenir, mais elles affluent sans contrôle. Elle ne voit plus rien, la buée a totalement envahi ses lunettes, les larmes mouillent le tissu du masque et elle renifle, espérant ne pas y laisser de trace.
Rapidement, elle rejoint l’espace « dépôt minute » devant la gare et continue sur sa gauche vers le parking, à l’abris des regards. Seule, elle retire son masque et cherche dans son sac de quoi se moucher. Elle ne supporte plus de porter ce machin ! Les larmes se tarissent enfin quand pointe la colère. Elle reprend son téléphone et appelle sa meilleure amie, Amandine.
_ « Salut. C’est moi. »
_ « Hello ma belle, alors, bien installée ? Prête pour des nuits de folie avec ton monsieur Grey ? » Lui répond Amandine.
_ « Pas vraiment. Dine, t’es déjà loin d’Yvetot ou pas ? »
_ « Pas trop non, je me suis arrêtée prendre du pain, je suis à Sainte Marie des Champs, why ? »
_ « Voyage annulé. Pas envie d’en parler. Tu peux revenir me chercher, please ? »
Amandine ne répond pas tout de suite. Manon entend le soupir de son amie dans le téléphone et avant que celle-ci ne lui réponde quoi que ce soit, Manon ajoute :
_ « Non, dis rien, je sais. T’avais raison, je suis une pauv’conne. Tu viens ? »
_ « Bien sûr, j’arrive. Je t’aime ma belle, tu le sais, hein ? Il te mérite pas, aussi beau gosse soit-il. J’arrive. »
Manon raccroche. Elle connaît pourtant Amandine depuis si longtemps, pourquoi ne l’a-t-elle pas écouté ? Qu’est-ce qui cloche chez elle ?
Quand Éthan lui a très galamment annoncé après leur première nuit ensemble, qu’il avait déjà quelqu’un, elle avait eu une réaction aux antipodes de ce qu’elle aurait cru. Elle s’était toujours jurée ne pas être une briseuse de couple. Un mec déjà pris ? Jamais de la vie ! Pourtant, sa réaction alors, avait été de lui demander si c’était du sérieux avec l’autre femme. Il l’avait rassuré, lui expliquant qu’il n’y avait plus rien entre eux, qu’ils allaient se séparer, qu’elle était l’étincelle qui allait tout changer.
Et elle l’avait cru, lui avait pardonné son « indélicatesse ». Et quand la relation a perduré et qu’elle comprenait l’entourloupe, elle l’avait mis face au mur : « Maintenant tu choisi, arrête tes conneries, c’est elle ou moi ! » Et il lui avait alors expliqué que la situation était un peu plus compliquée.
Un peu plus compliquée.
Elle aurait dû tout arrêter. Mais non. Elle était accroc à lui. Une héroïnowoman ! Une folle, une conne oui !
Elle avait écouté, elle avait pardonné, encore, de lui avoir menti. Oui il était marié depuis 4 ans, oui, il s’était engagé beaucoup trop tôt, il avait des regrets, mais un engagement était un engagement, et il ne pouvait pas si facilement tout envoyer valser. Même s’il le voulait, car il ne voulait qu’elle bien entendue !
Tu parles. Manon savait que l’amour rend aveugle, elle a finalement compris qu’il annihile tout sur son passage.
Mais terminé, oui, cette fois, c’est la dernière. La goutte d’eau. Basta !
Bien déterminée à aller de l’avant sans lui, elle se décide à devancer son amie en remontant la rue jusqu’à ce qu’elle la croise en voiture. Marcher lui fera du bien. Marcher sans penser, si c’était possible.
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