Montée en grade
Le sergent Rivette était heureux.
Il était tellement satisfait.
Il était tellement fier.
Il montait en grade !
Il devenait l'inspecteur Rivette.
Le soleil brillait si fort ce jour-là qu'il inondait toute sa vie d'une lumière étincelante.
Avec joie, il avait reçu les félicitations de son chef. Puis de ses collègues.
Une tape dans le dos, une bourrade dans l'épaule. On le sommait de payer son coup à boire.
Evidemment !
Et cependant, il manquait quelqu'un dans cette myriade d'officiers en uniforme venus le féliciter.
Un inspecteur de police, imposant, avec des favoris touffus et des manières frustes.
Rivette en fut déçu.
Il se mit à le chercher.
Le chassant dans la Préfecture de Police.
Et ne le trouva pas.
Le ciel, si bleu, si clair, commençait à se couvrir de nuages.
Rivette ne comprenait pas et s'inquiétait.
Le tout nouvel inspecteur avisa deux collègues qui discutaient autour d'une tasse de mauvais café. Comme se devaient de le faire les flics.
" Où est l'inspecteur... ?," demanda Rivette en les interrompant.
On le regarda sans comprendre.
" Quel inspecteur ?"
Rivette fit la description de son partenaire...à ses collègues. Cela ne l'amusa pas.
Lui jouait-on un tour ?
" Un inspecteur avec des favoris ? Mais il vient de quelle époque ton type ?"
On se mit à rire.
Personne n'avait cette allure ridicule à la brigade.
Rivette s'énerva.
" Mon partenaire ! Putain ! Je travaille avec lui depuis un an !"
Là, les deux policiers hésitèrent entre le rire et l'inquiétude.
L'un d'eux, plus charitable, souffla en souriant gentiment :
" Rivette. Tu bosses seul. Tu as toujours bossé seul. Tu as trop bu ta promotion !"
On se mit encore plus à rire.
Rivette s'enfuit en coup de vent, énervé.
Il était prêt à les insulter.
Il ne valait mieux pas. Surtout le jour de sa promotion au grade d'inspecteur.
Le soleil avait disparu et le ciel était couvert de nuages noirs.
Rivette refit le tour de la Préfecture.
Son bureau...leur bureau...était vide...
Puis, le sergent se souvint que la première fois qu'il avait rencontré l'inspecteur, ils étaient dans la réserve d'archives.
Un drôle d'endroit, mais ce n'était pas rare qu'un policier ait besoin des archives pour avancer dans une affaire.
Le jeune homme descendit en trombe.
Dans les sous-sols de la Préfecture de police de Paris.
Là, il trouva son collègue.
Penché sur un dossier, vieux et poussiéreux.
Il ne daigna même pas relever la tête à son arrivée.
" Mes félicitations, inspecteur, fit l'imposant policier.
- C'est quoi ces conneries ?"
L'inspecteur se redressa et le regarda avec attention.
" Je suis mort."
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