Là, le policier fantomatique était impressionné. Il examinait le corps et tirait sur ses favoris dans sa consternation. Penché sur le cadavre, il ne comprenait pas ce qu'il voyait.

Un rire amusé éclata au-dessus de son épaule.

" Alors ? Vous en pensez quoi ?

- Je ne comprends pas. C'est la dernière mode ?"

Le lieutenant Lyster s'approcha si près qu'elle sentit le froid qui irradiait de son collègue.

" Non. Il s'agit de Black Mamba.

- Black Mamba ?

- Ou la Mariée, si vous préférez."

Il la fusilla du regard et son rire fut encore plus retentissant. Les policiers tournèrent la tête vers elle, surpris.

" Dites-moi ce que j'ignore et arrêtez de vous foutre de moi !, claqua la voix glacée.

- Je vous montrerai."

Cela provoqua l'ire de l'inspecteur qui fit voler les chapeaux et les casquettes des policiers présents.

La jeune femme se retrouva les cheveux volant dans le vent et en rit encore.

Les policiers encadraient la scène de crime avec un zèle impressionnant.

Il y avait de quoi.

On n'avait pas retrouvé la tête.

L'inspecteur mort et sa nouvelle collègue, bien vivante, arpentaient eux aussi la scène de crime. Le nez sur le sol et les mains dans le dos.

Un vrai couple de chien de chasse.

" Où a pu passer cette foutue tête ?, murmura le lieutenant Lyster.

- Elle a dû être emportée par le tueur, affirma le vieux policier.

- Un collectionneur de tête ? Peut-être.

- Ou alors..."

L'inspecteur regarda partout et fronça les sourcils.

" Vous pouvez me voir mais pouvez-vous voir d'autres fantômes ?

- Non. Pas que je sache. A part les parents de Pierre. "

Elle suivit le regard de l'inspecteur et ne vit rien d'autre que les poubelles.

Il n'y avait rien, elle soupira :

" Je savais que Pierre m'avait caché quelque chose. Il y a quoi ?

- La victime.

- Menez-moi vers elle, inspecteur."

Le vieux policier se troubla mais obéit.

Les policiers virent leur jeune collègue s'approcher des poubelles et se mettre à fouiller les bennes. Elle avait glissé ses mains dans des gants de plastique et ouvrait chaque conteneur avec soin.

On la laissa faire.

Après tout, ce n'était pas idiot.

" Donc, elle ne sait pas qui l'a tuée ?, demanda discrètement le lieutenant.

- Non, affirma l'inspecteur.

- Vraiment ?"

Le policier se tourna vers le mur et secoua la tête.

Devant lui se tenait une jeune femme, tout de jaune vêtue, ses cheveux blonds étaient longs et glissaient sur ses épaules. Elle portait dans ses mains un terrible katana.

Son costume était taché de sang.

Mais bien sûr, personne ne la voyait.

" Qui a pu lui en vouloir ?, demanda le lieutenant Lyster en grimaçant devant un vieil emballage de kebab.

- Elle dit qu'elle ne sait pas !

- Vous la croyez ?"

La victime disparut, vexée. Et le policier regarda sa collègue.

" Aucune idée. Elle semble sincère."

Puis, il ajouta en secouant la tête :

" Même si elle a un goût déplorable en ce qui concerne les vêtements.

- Elle était habillée en jaune canari ?

- Oui."

Le lieutenant se mit à rire.

Puis, son rire se transforma en cri de joie.

" JE L'AI TROUVEE !"

L'instant d'après, tous les policiers vinrent fouiller la poubelle à la recherche d'indices à trouver, autres qu'une tête coupée.

Le soir-même, le lieutenant Lyster entraîna son collègue dans son appartement. Petit et propre.

Elle prépara un café et fit jouer un DVD dans son lecteur.

" Asseyez-vous, inspecteur ! Je vais vous montrer.

- Nous devrions être au bureau !, cracha le vieux fantôme.

- Oui, oui. Assis !"

Il obéit en grommelant. Mais à peine était-il assis qu'un chat monstrueux vint se poser sur la table de salon devant lui. Les yeux fixés dans les siens et la queue en panache.

" Voici Midnight !, présenta le lieutenant. Ce qui prouve que Midnight voit en effet des trucs."

L'inspecteur regarda le chat et leva la main pour le chasser. Cela n'eut pour effet que de faire se coucher le chat, juste devant lui.

" Merde ! Qu'est-ce qu'on fout là ?, grommela l'inspecteur, agacé.

- Taisez-vous et regardez ! Je suis sûr que la dernière fois que vous avez été au cinéma, c'était pour voir l'Arroseur Arrosé !"

Le policier se mit à rire et secoua la tête, amusé.

" Non, j'ai vu la plupart des films de Clint Eastwood.

- Et pas de Quentin Tarentino ? C'est un tort ! Deux cents ans de cinéma ! A votre place, je n'aurai pas hanté la salle des archives de la préfecture de police.

- Je ne peux pas aller où je veux, expliqua le policier. Je ne vais que là où je suis allé de mon vivant ou là où l'on m'a invité. J'ai vu les Clint Eastwood à la préfecture.

- A la préfecture ?

- Les soirs de permanence sont longs."

La jeune femme réfléchit et reprit, un peu bêtement :

" Je vous ai invité dans mon appartement ?

- Donc j'y suis entré.

- La vache ! On dirait une règle de vampire."

Le lieutenant se mit à rire et but sa bière. L'inspecteur se fendit d'un petit sourire.

Midnight resta toute la séance cinéma.

" Bon. J'ai vu Kill Bill, remarqua le policier décédé. La victime était habillée comme l'actrice. Et alors ?

- Alors, cela s'appelle du cosplay.

- Vous êtes pénible à me prendre de haut, lieutenant !

- On l'a tuée avec un katana ! En tout cas, le rapport d'autopsie parle d'une lame très fine et très coupante. Comme une lame de sabre ou de baïonnette.

- Bien, bien, bien. Je ne pense pas qu'on l'ait tuée pour son costume.

- Non, je ne pense pas non plus."

Les deux collègues se mirent à rire.

Sylvie Lyster finit sa bière.

Et l'inspecteur décédé se frappa le front, faisant sursauter le chat médium.

" Merde ! Nous sommes des jobards !

- Pardon ? Je n'ai pas compris !

- Le sabre ! Le katana ! Où est-il ?

- Pas trouvé."

Mais le lieutenant se réveilla et regarda à nouveau tous les rapports de police.

" Avait-elle seulement un sabre ?

- Oui !, affirma le fantôme.

- Alors on l'a tuée pour son sabre !

- Il faut chercher la piste des revendeurs."

Sylvie Lyster souffla en souriant :

" Je vais vous montrer le monde du Cosplay, inspecteur."

La victime avait le costume, le visage, le cheveux mais pas le sabre.

On fit le tour de ses amis et de sa famille.

Elle possédait en effet un katana certifié japonais. Une merveille qui avait coûté une petite fortune.

Elle l'avait exhibé au dernier festival Cosplay.

Une fortune !

Il avait disparu...

Mais ces armes étaient numérotées.

Après plusieurs recherches parmi les autres cosplayers, après plusieurs interrogatoires serrés parmi les membres de l'Association Cosplayers de France, on retrouva une autre Mariée.

Black Mamba.

Cette dernière avait été éblouie par le sabre de la victime et s'était jurée de le posséder.

Tout son costume était criant de vérité, aussi beau que l'original.

Sauf le sabre.

Mais là, elle possédait la panoplie complète.

Dont un magnifique katana...