Cool of the Gang
Le lieutenant Sylvie Lyster reprit le travail après une semaine d'absence.
On avait peur de la retrouver malheureuse et dépressive.
Elle était triste, oui, mais elle paraissait en bonne forme.
Elle souriait quand même et les cernes sous ses yeux n'étaient pas tant marqués que cela.
On la découvrit plusieurs fois à essayer de forcer la machine à café.
Elle en riait.
On en riait avec elle.
Un jeune inspecteur de la criminelle, Adrien Maillard, vint l'aider à forcer la machine.
Et ce fut un jeu.
Une rencontre.
Le début de quelque chose.
" Vous m'écoutez, lieutenant ?, demanda séchement l'inspecteur en frottant ses favoris.
- Mhmmm. Oui ? Vous parlez d'un canif."
La jeune femme caressait ses cheveux, redevenus courts et définitivement bleus. Elle regardait son écran de téléphone avec attention et un doux sourire flottait sur ses lèvres.
L'inspecteur leva les yeux au ciel, agacé par tant d'apathie.
" Non, je ne parlais pas d'un canif, répondit-il le plus calmement possible.
- Alors, vous parlez d'un couteau."
Un nouveau sourire et les yeux se plissaient de joie.
L'inspecteur eut envie de détruire le téléphone mais il se retint.
" Lieutenant ! Je m'en vais."
On ne lui répondit pas.
Il y avait manifestement des affaires plus importantes à gérer.
La salle des archives retrouva son locataire habituel.
Deux cents ans qu'il vivait là.
Le policier fantôme se mit à chercher dans les dossiers, vieux et poussiéreux, quelque chose qu'il avait perdu...
De café en café, on passa au déjeuner...puis au dîner...
Adrien devint un sujet de conversation incontournable.
" Un nouveau cas, fit le lieutenant, enfin concentrée sur autre chose que l'écran de son téléphone.
- Oui."
Elle remarqua la sécheresse de la réponse et se mit à rire, moqueuse.
" Allons Ghost ?! Tu as été voir le corps à la morgue. Alors ?"
Il fut assez gentil de ne pas signaler qu'habituellement, ils y allaient tous les deux.
" Alors, c'est une lame de 145 mm."
Un sifflement admiratif retentit.
" Où le coup a été porté ?
- La gorge."
Elle se leva de son bureau et s'approcha de son ami et collègue :
" Qu'est-ce qu'il y a Ghost ?
- Rien, rien ! Il n'y a rien ! Il y a un putain de taf à faire et tu préfères...tu préfères couchailler !
- Mais ! Mais ! Tu es jaloux Ghost ?"
Là, un ange passa.
Les deux policiers se regardèrent et se mirent à rire aux larmes.
" Non, je ne suis pas jaloux d'un godelureau de vingt-cinq ans. J'ai passé l'âge."
La jeune femme riait toujours et elle regardait le dur inspecteur frotter ses favoris.
" Et sans vouloir te vexer, la môme, tu es trop jeune pour moi.
- Et tu es mort, cela n'aide pas.
- Aussi. Tu ne m'attires pas.
- Bien. Alors c'est quoi le problème Ghost ?
- LE TAF ! Deux morts dans les cités et rien n'a été fait ! RIEN !"
Elle se sentit un peu honteuse.
Elle leva les mains en signe d'apaisement et reprit :
" Bon, on va le voir ensemble ce cadavre ?"
Et ce fut comme si le soleil perçait enfin les nuages, la chaleur revint dans le bureau.
" Une lame fine mais efficace, remarqua le lieutenant en examinant la blessure. Que dit le rapport d'autopsie ?"
Taquin, le policier fit voler le rapport vers elle.
Heureusement que l'employé de la morgue ne regardait pas vers elle.
" Un poing américain ?, lut-elle, étonnée.
- Une guerre de gang ?
- Comme dans les films ? C'est ridicule.
- Pas vraiment. Pour 20 euros on peut en acheter un et le promener partout. Sa possession n'est pas interdite aux moins de 18 ans mais son port est interdit. Armes de catégorie D.
- Les jeunes s'en achètent trop facilement, conclut amèrement le lieutenant.
- Le poing américain est une pièce de métal dans laquelle on passe ses doigts. Venant ainsi en prolongement des articulations osseuses. Elle est plus pratique que le couteau car elle permet de continuer à se servir de ses doigts, le couteau mobilise toute la main."
Le lieutenant regarda son collègue qui se mettait à lui faire un cours sur les armes blanches. Elle en sourit et l'applaudit.
" Oui. Et lorsqu'on frappe avec un poing américain, la surface de contact est plus compacte, donc la force est plus concentrée et l'impact plus efficace, ajouta la femme.
- Oui et on a moins peur de s'abîmer les mains, rétorqua l'homme.
- Vous m'avez convaincue ! Je vais m'acheter un poing américain !"
Ils riaient tous les deux, tous les deux heureux de se retrouver.
" Sérieusement, fit Sylvie Lyster. Comment on sait que c'est un poing américain ?
- La forme de la blessure et la profondeur de l'impact. C'est une arme née après ma mort mais j'en ai souvent vu les dégâts chez les Apaches. Je reconnais !
- On n'arrête pas le progrès !"
Adrien était gentil et adorable.
Il l'emmenait dîner.
Il l'emmenait au cinéma.
Et qu'allaient voir ces policiers en goguette ? Des films policiers !
L'inspecteur tenait la place et examinait un troisième cadavre en soupirant de dépit.
Il ne connaissait rien à l'amour mais il connaissait son métier.
C'était bien une guerre de gang.
Une bande contre une bande.
Il fallait interroger des jeunes qui refuseraient de parler et provoquer des troubles dans la ville.
" Vous en faites une tête Ghost ? De mauvaises nouvelles ?
- Une bande veut faire place nette.
- Oui. Il n'y a plus qu'un moyen pour trouver une piste.
- Je n'aime pas ça.
- Tant pis !, fit la femme en levant le nez en l'air. Je vais demander à Adrien de faire une veille avec moi."
L'inspecteur soupira et le cadavre se retrouva recouvert de son drap sans que personne ne le touche.
Là. L'employé de la morgue remarqua que quelque chose n'allait pas.
Il en blâma le manque de sommeil.
Une voiture non banalisée.
Un quartier assez dur.
Une femme seule qui attendait à l'intérieur.
Oui elle aurait dû demander à Adrien de l'accompagner.
Mais les jeunes qui crurent que s'en prendre à une femme seule était une bonne idée finirent sur le carreau.
Les pierres volaient vite et loin.
Le lieutenant se retrouva à l'hôpital, quelques hématomes décoraient son joli visage et ses yeux étaient fermés par la drogue. Ils ne lui avaient pas fait trop de mal.
Certains de ses agresseurs étaient même couchés dans des lits du même hôpital.
Et, hantant la chambre, un grand policier se rongeait les sangs.
Il ne s'en alla que lorsqu'un jeune policier, pâle d'inquiétude et en vêtements froissés apparut pour veiller sa petite amie.
Deux jours plus tard, des jeunes passaient devant le juge.
Pour voies de fait, agressions...et meurtres...
On retrouva des poings américains et le sang avait parlé.
Disons que ce fut juste étrange de les retrouver aussi facilement.
Des poches des agresseurs, ils se retrouvèrent sur le sol, autour de la voiture du lieutenant.
Et d'interrogatoires en interrogatoires, on remonta la piste.
Ce soir-là, l'inspecteur retrouva prêt à être visionné dans la salle de conférence de la préfecture de police Gangs of New-York.
Un simple message l'accompagnait :
Pour vous Ghost ! Merci.
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