Les trois mousquetaires
Athos, Porthos et Aramis. Et moi.
Nous étions des amis.
Unis comme les doigts de la main.
Toujours prêts à aider les autres.
Toujours prêts à passer une soirée ensemble.
Les mousquetaires !
Et moi.
Mais voilà, il y a toujours une Milady de Winter !
Et cela brisa l'amitié !
Porthos était le bon vivant. Comme il se devait.
Aramis était le tombeur. Comme il se devait.
Athos était le mystérieux. Comme il se devait.
Et moi, j'étais leur ami. Comme il se devait.
Les trois mousquetaires !
Et moi.
Mais voilà, Milady de Winter jeta son dévolu sur Athos.
Et cela brisa l'union !
Je les entends encore.
Les excuses d'Athos pour ne plus nous fréquenter.
" Non, je ne peux pas. Milady a prévu que..."
" Non, ce n'est pas possible. Milady a dit que..."
" Non, je suis désolé. Milady m'a dit de..."
" Non. Milady ne veut pas que..."
Athos disparaissait de notre quatuor et cela faisait mal.
Cela me faisait mal.
Milady de Winter !
Une belle salope !
Alors, quand Athos nous annonça qu'il allait changer de boulot parce qu'il ne gagnait pas assez pour Milady, je me suis fâché.
Je lui ai parlé.
Athos n'était plus que l'ombre de lui-même.
C'est dur de voir pleurer un ami.
C'est dur et c'est affligeant.
J'ai vu pleurer Athos.
Et je n'ai pas trouvé les mots.
Athos, Porthos, Aramis et moi.
Moi.
Les mousquetaires.
On se désagrégeait et chaque réunion devenait un temps d'amertume et de colère.
Porthos ne voyait pas le mal et acceptait que les temps changent et évoluent.
Aramis avait une nouvelle petite amie et se faisait une raison.
Athos brillait par son absence.
Et moi.
Moi, je me mis à haïr Milady de Winter.
Alors, alors...
Quand Athos nous annonça qu'il déménageait pour vivre dans une autre région.
Seul avec Milady.
Sans son réseau, sans ses amis, sans son travail.
Parce que Milady le voulait.
Quand je l'ai vu, si amaigri et si inquiet de plaire à Milady.
J'ai décidé d'agir.
Pourquoi sommes-nous appelés les mousquetaires ?
A votre avis ?
" Vous savez comment s'appelle ce coup ?, demanda l'inspecteur décédé à sa collègue bien vivante.
- Un coup d'épée ?," s'amusa le lieutenant Lyster.
Aujourd'hui, elle était rousse et ses cheveux resplendissaient de mille feux au soleil. Attirant tous les regards des hommes du quartier. En uniforme ou non.
Le vieil inspecteur leva les yeux au ciel et tira sur ses favoris.
" Allez éblouis-moi, Ghost !
- "Le coup de Jarnac." En escrime, c'est un coup à l'arrière du genou...ou de la cuisse. C'est Guy Chabot de Jarnac qui l'inventa lors d'un duel judiciaire. Au XVIe siècle.
- D'accord, tu m'as ébloui. C'est un type bon à l'épée que nous avons là ?
- Un bretteur, oui. Il a assassiné cette femme avec un joli sang-froid."
La femme était morte.
Milady de Winter était morte.
Je pouvais me reposer.
En paix.
" Ce que je ne saisis pas vraiment, murmura le policier. C'est pourquoi il s'est suicidé après.
- Quoi ? L'autre cadavre ? Tu crois que c'est un suicide ?"
Lyster examina le deuxième corps à son tour et souffla :
" Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
- La position du corps. Il n'a pas été égorgé par quelqu'un, il se l'est fait lui-même.
- D'où te viennent ces connaissances en matière d'escrime, Ghost ?
- Les policiers, en 1830, portaient des épées. J'avais une épée moi-même."
La jeune policière se mit à battre des mains et tout le monde la regarda avec stupeur.
Une femme qui sautait de joie devant deux cadavres ?
Elle était parfois franchement inconvenante !
" Tu me montreras ? Dis tu me montreras ?"
Il se mit à rire et le son ne fut perceptible de personne d'autre qu'elle.
" Oui, je te ferai une démonstration d'escrime, gamine."
Après autopsie, on put conclure qu'en effet, l'homme mort avait tué la femme et s'était suicidé.
Après enquête, on put conclure que le meurtre avait été prémédité.
Ce furent ses amis qui le dénoncèrent en expliquant la haine terrible qu'il éprouvait contre la fiancée d'un des leurs.
Les quatre hommes étaient membres d'un club d'escrime.
Les trois survivants expliquèrent avec tristesse le geste de leur ami. Haine, rage, jalousie.
Athos fut le plus vindicatif.
" Un film de cape et d'épée ? , s'étonna le policier en contemplant la table couverte de coffrets DVD. Mais c'est toujours le même film !!
- Oui, sourit Lyster en s'asseyant à son tour. Les trois mousquetaires.
- Mais il y a combien de versions ?, gémit le fantôme.
- J'en ai six, là. Nous allons passer le week-end devant la télé. Adrien est chez sa mère.
- Six versions du même film ? Mais c'est idiot !"
Midnight s'installa à côté du policier et fit mine de ne pas remarquer la main glacée qui essayait de le chasser.
" Oui, mais j'adore les films de cape et d'épée. Ne le répétez pas ! Nous avons la version de 1948, Vincent Price est un merveilleux cardinal de Richelieu. 1953, là Bourvil en Planchet est génial. 1993 mérite le détour pour Charlie Sheen en Aramis. A mourir de rire."
Là, la jeune femme secoua ses cheveux et se reprit :
" Bon, pas à mourir mais c'est drôle de voir la vision des Américains sur l'histoire de France. 2011, cette fois, c'est une version plus sérieuse et vous allez aimer Milla Jovovich en Milady de Winter.
- Pourquoi ?, demanda le policier curieux.
- Parce que vous êtes un homme. Enfin, la version de 2013 est une version russe. Je n'ai pas de mots. J'ai adoré !
- C'est votre préféré alors ?
- Non. Mon préféré est la fille de d'Artagnan ! 1994. Sophie Marceau en jeune mousquetaire, fille de Philippe Noiret en vieux d'Artagnan. Un film adorable.
- Une femme mousquetaire ?
- Oui, le vieil inspecteur misogyne est choqué ?, demanda Lyster, venimeuse.
- Non, intrigué. Commençons par lui dans ce cas."
Annotations