Le commencement
Par la seule force de sa volonté, elle parvenait à rendre ses hallucinations plus puissantes que la réalité.
Shutter island - Dennis Lehane
L'espoir de Lisa lui donna une force revigorante. Elle décida de rentrer à pieds. Avant, c'était une belle jeune femme sportive, mince et élancée. Son visage reflétait la gentillesse. Elle aimait les gens et les gens l'aimaient. Délicate, douce, elle n'en était pas moins obstinée et combative. La vie n'avait pas été simple pour elle. Mais comme elle le disait bien souvent, la vie n'était simple pour personne et les épreuves façonnaient la force des gens et les rendaient soit plus forts, soit plus faibles. Elle avait opté pour la première solution. Ses parents avaient perdu la vie dans une attaque terroriste un mois de Novembre devenu, en France, tristement célèbre. Alors âgée de quatre ans, elle n'avait que trop peu de souvenirs pour relater cette période. Elle regrettait seulement ne plus se les remémorer comme elle l'aurait aimé. Parfois, elle prenait l'album de famille, et se racontait des histoires à travers différentes photos d'eux en sa présence ou avec des amis, pour se créer sa vie d'avant.
Son oncle solitaire Mickaël l'avait accueillit chez lui. Même s'il était peu enclin aux preuves d'affection, Lisa ne manqua de rien. Elle fréquenta les meilleures écoles et eut les enseignants les plus favorables à la pédagogie. Toujours bien apprêtée et coiffée, lorsqu'elle entrait dans une pièce bondée, tous les regards étaient rivés sur elle.
A l'âge de dix-huit ans, son oncle, au vu de ses résultats scolaires plus que prodigieux, l'entraina dans sa propre voie professionnelle. Elle excellait, bien plus que lui. Lisa était une compétitrice née et chaque affaire médiatisée était devenue sujet à grand débat avec son logeur.
Au cours de sa première année de Master en droit, Mickaël tomba gravement malade. Elle alla au bout de son année mais suspendit ses études durant quelques mois afin de se consacrer aux soins de son oncle. Elle veilla sur lui comme une fille l'aurait fait pour son propre père.
Mickaël s'éclipsa au début de l'année 2001.
Il légua tous ses biens et patrimoine à sa fille adoptive. Une fortune colossale. Lisa avait d'ailleurs dans l'idée d'en donner une partie à de bonnes œuvres caritatives, à la fin de ses études.
Il fallait le dire, Lisa était une belle personne d'une intégrité sans faille et généreuse.
Elle s'était présentée à l'examen d'entrée en centre de formation des avocats, qu'elle passa avec succès. Et cette année, la jeune adulte préparait sereinement son certificat d'aptitude à la profession d'avocat. Une place l'attendait déjà dans le cabinet d'associés de son défunt oncle. Ce diplôme n'était qu'une formalité, pour elle comme pour son entourage.
Ses amis s'évertuaient à dire et répéter qu'elle accomplirait de grandes choses. Que Lisa avait un sens aigu de la justice et que rien ne pourrait la corrompre.
Mais voilà maintenant presque sept mois, que la vie de Lisa s'est arrêtée. En une fin d'après-midi, planchant ardemment sur un cours de droits communs, elle l'avait senti pour la première fois.
Au départ la jolie brunette aux yeux bleus, n'avait perçu qu'un souffle doux sur l'arrière de son cou. Et cela durant des semaines. Comme elle passait la plupart de son temps à l'extérieur, entre ses cours et la bibliothèque, elle ne se rendit pas compte tout de suite, que cela se produisait seulement chez elle. Dans le loft de cinquante mètres carrés que lui avait offert son oncle deux années plus tôt avec, comme prétexte, qu'elle serait plus proche de l'université.
Elle aimait sentir ce léger geyser la caressait et pensé que le vieux bâtiment qu'elle habitait, récemment rénové avait conservé, de par ses courants d'air, son charme d'antan.
Mais ce soir là, à demi-endormie sur son manuel épais du code civil, c'est une main qu'elle sentit. Une main forte lui agrippait son fin poignet. Elle fit alors un bond de sa chaise et resta quelques minutes immobile et perplexe. Son cœur criant la chamade.
Lisa était un de ses esprits très cartésiens. Ce qu'elle n'avait pas vu, elle ne le croyait pas. Ce soir là, elle ne vit rien. Absolument rien. Elle alla se coucher en mettant ce malencontreux épisode sur le manque de sommeil certains de ces derniers mois.
Durant deux semaines, Lisa ne ressentit plus rien. La légère brise avait disparu. Très concentrée sur son objectif professionnel, elle n'y pensa plus.
Après une soirée bien arrosée pour fêter les fiançailles de deux de ses amis, Eric, son meilleur ami, la raccompagna chez elle. Eric était un beau jeune homme, déjà actif dans la vie, il s'était choisi la voie de la finance. Issu d'une famille très modeste, il s'était battu très jeune pour atteindre ses objectifs. Eric ne manquait pas d'ambition. Un jour, il serait à la tête de la grande banque de France.
Lui, tout comme le reste de ses camarades, pensaient que leur idylle débuterait lorsque Lisa aurait fini ses études. Elle avait été, de nombreuses fois, très claire sur le sujet. Aucun homme n'interférerait dans sa vie tant qu'elle n'aurait pas une situation stable. Eric s'était réservé pour sa belle. Il l'attendait avec patience mais parfois, l'abus d'alcool précipite les avenirs incertains pour en faire de plus concrets.
Ils échangèrent de nombreux regards durant leur marche titubante dans les rues piétonnes. Dès que l'un commençait à converser, l'autre se mettait à rire aux éclats.
La montée des cinq étages de l'escalier en vieux chêne teinté fut digne d'un marathon entre deux oies. Lisa peina à faire entrer sa clef dans la serrure mais lorsqu'elle y parvint, Eric l'enlaça par la taille pour la porter jusqu'à l'ilot de la cuisine en marbre gris puis très frénétiquement et vigoureusement, embrassa d'abord sa bouche pulpeuse, glissa de ses lèvres sur son menton pour finir dans son cou, juste à la base de l'omoplate.
Bien qu'ébréchée, Lisa stoppa net son acolyte éperdu. Un souffle à la base de son cou la fit frémir.
Eric qui regardait sa belle avec un mélange d'envie et de questionnements, attendit un signe pour reprendre où il l'avait laissé. Chose qui ne tarda pas à arriver. Lisa enveloppa ses mains autour de son cou et le tira passionnément vers elle afin qu'il poursuive son action. Eric s'exécuta sans moufeter. Ses lèvres descendirent dans le délicieux décolleté de la ravissante jeune femme, tout en déboutonnant le haut de son chemisier pour y pénétrer plus profondément. Il embrassait ensuite sa poitrine avec fringance mais encore une fois Lisa le repoussa.
- Qu'est-ce qu'il t'arrive Lisa? Tu n'en a pas envie?
- Tu sens ça? Tu sens ce courant d'air?
- Je sens que l'air est chaud oui…
- Mais non gros béta! Il y a comme un courant d'air, comme si quelqu'un me soufflait dessus.
- Lisa, il n'y a que toi et moi ici. Personne d'autre.
Lisa ne put s'empêcher de scruter la pièce à demi dans la pénombre. Eric avait raison, il n'y avait qu'eux. Elle aurait pourtant jurer qu'ils n'étaient pas seuls. Mais peu importe, là tout de suite, maintenant, une seule chose comptait vraiment et elle comptait bien passer à l'action.
Elle entraina son invité dans sa chambre et n'en ressortit que le lendemain matin.
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