Expliquer l'inexplicable

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 — Bah alors, les pleurnicheuses, ‘vous arrive quoi ?

 Ce timbre de voix si désagréable aux oreilles de Violette ne pouvait laisser de doute sur son origine. Pourtant, les yeux de la jeune fille s’écarquillèrent sans qu’elle n’ose se retourner. C’était impossible. Elle avait vu Mathéo mourir devant ses yeux quelques minutes auparavant. Hallucinait-elle ?

 — Les garçons ! s’écria soudain Alice à côté d’elle en se relevant précipitamment, oubliant le chat noir qui bondit juste à temps.

 Violette déglutit. LES garçons ? Lentement, elle pivota la tête et en resta bouche bée. Non seulement Mathéo était bien là, mais Cyprien et Basile aussi. Mieux encore, ils n’avaient aucun trou leur traversant le corps de part en part. Comme s’il ne s’était rien passé.

 Les filles devenaient-elles folles ? Avaient-elles fait un cauchemar ? Non, à en voir la mine médusée de Basile et Cyprien, eux aussi ne comprenaient pas ce qu’il venait de leur arriver. Ils n’avaient pas eu le temps de dire grand-chose qu’Alice les avaient étreints contre elle sous un torrent de larmes nouvelles.

 — Hey, lâche-moi ! s’emporta Mathéo en se dégageant vivement. J’peux savoir ce qu’il t’arrive, là ?

 — J’ai eu si peur, j’ai cru que vous étiez morts !

 — Qu’est-ce tu chantes, Cendrillon ?

 — T-Tu te souviens de rien ?

 La question venant de Cyprien, Mathéo abandonna son air moqueur. Les deux autres garçons partageaient la même expression, entre gravité et incompréhension. Miss Parfaite ne disait toujours rien, mais elle s’était enfin relevée, un peu chancelante. Son regard alternait sans cesse entre les trois mecs. Puis, sans attendre, elle bouscula Mathéo et se dirigea vers la porte de la Pia Locus.

 — Pardon, c’pour les chiens ?

 — Ils ne sont plus là. Les pieux ont disparu.

 Alice, Cyprien et Basile se précipitèrent pour vérifier les dires de Violette, laissant derrière eux Mathéo qui grimaçait à s’en froisser les muscles du visage. Leur amie avait raison. La pièce était exactement comme ils l’avaient découverte la première fois.

 — Bah ça alors… c’est quoi ce bordel…

 — Z’allez m’expliquer ?

 — Mathéo… Tu es sûr que tu ne te souviens de rien ? insista encore Cyprien.

 — Tu veux que j’me souvienne de quoi ?

 — De ta mort.

 — Ah, on en est aux menaces, Miss Parf-

 — Non, Mathéo, c’est vrai, l’interrompit Basile. On t’a vu mourir. Transpercé par un pieu.

 — N’importe nawak.

 Comme il redevenait hilare et qu’il ne saisissait toujours pas la gravité de leur situation, Violette prit les devants et arracha son sac à Basile. Elle nota qu’il lui était revenu dans le dos comme par magie, mais par rapport à sa résurrection, ce n’était peut-être pas le plus important. Elle se dirigea ensuite vers les dalles piégées et jeta le sac sur la case qui avait tué Mathéo plus tôt. Aussitôt, la perche sortit du mur à grande vitesse et vint se planter au mur, bredouille.

 — … Putain !

 — Tu nous crois maintenant ? On t’a vu crever alors que tu faisais encore ton mariole ! Et vous deux aussi, vous vous en êtes pris une juste après !

 — Quoi ? s’étonna Basile, sourcils froncés. Attends, moi je me souviens juste avoir lancé le sac quelques fois, puis d’un coup, je me suis retrouvé avec vous à l’entrée.

 — Pareil, confirma Cyprien, troublé. On n’a rien vu, pourtant…

 — Elle venait de votre dos, lança Violette. Les signes au sol, je crois qu’ils désignent la direction que va prendre le pieu…

 — Et du coup, on est revenu… comment ?

 La bouche de Violette s’ouvrit mais aucun son n’en sortit. Comment expliquer l’inexplicable ?

 — On est revenu… dans le temps ! s’exclama alors Alice avec enthousiasme.

 — C’est impossible, réfuta Violette.

 — Mais si ! Tu as vu le coucou ! Il a chanté de nouveau quand les garçons sont revenus !

 — O-Oui, mais… ça reste impossible…

 — Vio’ a raison, Alice, intervint Basile. C’est que dans les livres de science-fiction, ça existe pas les voyages dans le temps.

 — Ah, parce que les ressuscitations, ça existe ?

 — P’tain, j’suis Jésus.

 — Dois y avoir une autre explication, plus logique…

 — C’est sûrement le chat !

 — Ok, j’savais qu’elle était cinglée, blonde-neige, mais là…

 — C’est quand j’ai caressé le chat que vous êtes revenus ! Et quand je l’ai caressé la première fois, c’est aussi quand le coucou a sonné ! CQFB !

 — On dit CQFD, rétorqua Violette, perdue dans ses pensées. Mais… c’est vrai que c’est… troublant, comme coïncidence…

 Ils restèrent silencieux un instant, le temps d’assimiler toutes ces informations et se faire une idée. Même si la théorie d’Alice était invraisemblable, ils devaient bien avouer qu’ils n’avaient, pour l’heure, pas de meilleure explication à lui opposer. Par curiosité, Alice en profita pour jeter un coup d’œil dans la pièce d’entrée. Le chat était retourné s’asseoir sur le meuble, à côté du chandelier auxquels trois petites flammèches brûlaient.

 — Bon, peu importe comment c’est arrivé ! s’écria Basile, poings sur les hanches. Notre priorité, c’est de sortir d’ici ! Et on a encore ces saletés de dalles piégées à franchir. Violette, est-ce que tu crois que tu pourrais déchiffrer les signes ?

 — Je peux vous dire lesquels déclenchent quelle direction, soupira Miss Parfaite. Mais pas tous…

 — L’idée du sac fonctionnait bien, non ? proposa Cyprien.

 — Oui, mais ça ne vous a pas protégés de dos, et je pense que de face non plus, vu la vitesse.

 — Et si on se baisse ! s’écria Alice. Les pieux, ils visaient vos têtes ! On peut peut-être les éviter comme ça !

 — C’est pas bête… Mais rien ne garantit qu’il n’y en a pas qui fonctionne différemment non plus…

 — On n’a qu’à … essayer ? proposa Cyprien. On fait comme avant, mais on le fait en rampant… ?

 — On n’est pas obligé de tous y aller en même temps, souligna Basile. Je vais prendre les devants et quand tout un chemin sera sécurisé, vous n’aurez qu’à me suivre.

 — Et si tu meurs à nouveau ? demanda Violette.

 — On… testera l’idée d’Alice ?

 Miss Parfaite déglutit. Lentement, elle tourna la tête vers sa copine. Vu la situation, elle paraissait un peu trop sereine à son goût. Si elle se trompait, ils risquaient bien de tous mourir ici.

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