Efforts coordonnés

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 Suite aux explications de l’adolescent, la bande des cinq prit le temps d’élaborer un plan d’attaque afin de résoudre l’énigme des jarres. C’est Violette qui eut pour tâche de trouver la manière la plus rapide afin d’obtenir les couleurs demandées sur les piédestaux. Pendant qu’elle réfléchissait, les garçons prirent le temps de désactiver les pieux de la Pia Locus. Pour ce faire, ils suivirent simplement le même chemin que la dernière fois, en prenant soin cependant de ne pas déclencher les pics qui les avaient privés du sac de Basile. Car c’était dedans que se trouvait leur atout contre le gaz.

 Pas moins de deux ans auparavant, la planète avait été secouée par une épidémie. S’en était résultée une quarantaine quasi mondiale et, surtout, la popularisation des masques FFP2. Lors des rares rencontres autorisées, tout le monde devait en porter un sur le visage. Il n’était pas rare d’en ranger un peu partout afin d’y avoir accès facilement. Si l’épidémie n’était plus d’actualité, Basile en avait retrouvé un neuf, encore dans sa pochette plastique, en préparant son sac. Par pure paresse, il ne l’avait pas retiré, et cela pouvait bien leur sauver la vie aujourd’hui. Enfin, une vie.

 De retour dans la salle des jarres de couleur, Basile sortit le masque protecteur et l’enfila. Sa tâche serait la plus dangereuse : remplir les récipients le plus vite possible avant de s’éloigner. Cyprien et Violette les réceptionnerait et procéderaient aux mélanges prévus. Quant à Mathéo, il se tiendrait dans l’encadrement de la porte pour empêcher que celle-ci ne se referme. Ils seraient alors capables de prévenir Alice plus vite s’ils devaient rencontrer un imprévu en chemin.

 Une fois chacun à son poste, Basile ouvrit les vannes. Comme lorsque Cyprien l’avait fait, la fumée s’échappa en même temps. Cette fois-ci, cependant, l’adolescent avait fait de son mieux pour garder son visage à distance. Une fois la première jarre, la jaune, remplie, il la remplaça par une rouge et l’apporta à ses camarades. Pour l’instant, la protection et ses précautions suffisaient.

 Une fois qu’il leur eut apporté le vase rouge, Cyprien en versa la moitié dans le jaune. Comme la première fois, le liquide y devint orange et Violette le plaça sur le socle associé. Ils avaient à peine terminé que Basile arrivait avec une jarre bleue bien remplie. Ils versèrent celle-ci dans le récipient rouge, que Cyprien avait pris soin de laisser à moitié plein. Rempli à ras bord, l’eau y était désormais violette.

 Mais l’adolescente du même nom ne le plaça pas immédiatement sur le piédestal. Ils avaient encore à faire avec. Lorsque Basile arriva avec la seconde jarre rouge à moitié remplie, ils y versèrent une partie de leur eau mauve, créant, comme l’avait prédit Alice, un mélange pourpre.

 Cyprien et Violette ne prirent pas le temps de s’extasier. Ils soulevèrent leurs jarres et les posèrent sur le bon piédestal. Au même moment, le robinet se ferma et des trappes d’aération s’ouvrirent au plafond, absorbant la fumée. Mais, surtout, un petit bruit métallique attira l’attention de Cyprien. Au pied du portrait se trouvait une clé, qui avait disparu du tableau.

 Sans prendre le temps de s’étonner, l’adolescent s’en saisit avant de suivre les autres qui sortaient déjà de la pièce. Le plan de Violette leur avait permis de gagner de précieuses secondes dans leurs mélanges. Cette fois-ci, la fumée n’avait manifestement pas réussi à les atteindre.

 Ils faillirent cependant devoir tout recommencer. Pressé de s’éloigner, Mathéo était revenu dans la Pia Locus sans prêter attention aux dalles encore piégées. C’est un cri d’Alice qui l’empêcha de commettre une grossière erreur et de finir, une seconde fois, transpercé par un pieu.

 De retour à l’entrée, Alice les accueillit avec un grand sourire et serra Violette dans ses bras. Surprise, celle-ci se laissa faire avant de lui rendre une légère étreinte maladroite. L’amie des animaux voulut en faire de même avec Mathéo mais celui-ci la repoussa, boudeur à cause de sa précédente gaffe. Basile, silencieux, se dégagea très vite aussi, comme s’il voulait éviter les contacts. Cyprien, par contre, profita de l’instant sans ménagement, oubliant presque où ils étaient.

 — Hum hum… On essaie la clé ?

 Violette les avait ramenés à la réalité. Alice libéra son ami, qui s’approcha de la porte de droite. Cependant, leur clé refusa de s’enfoncer dans la serrure. Le visage de l’adolescent blêmit, mais reprit très vite des couleurs. Avec toutes ces péripéties, il avait oublié qu’il restait une troisième porte, juste en face de l’entrée du manoir.

 — Bon, ce ne sera pas pour tout de suite, ce chemin-là, dit-il en s’approchant de l’autre.

 — Nos chances de trouver une fenêtre devant nous sont minces, signala Violette en croisant les bras.

 — C’pas comme si on avait l’choix, Miss Parfaite.

 La clé tourna facilement dans la serrure, libérant un nouveau passage. Mais au moment où la porte s’ouvrait dans un grincement sinistre, le chat s’y engouffra précipitamment.

 — Oh non, reviens, matou ! s’écria Alice en se précipitant à sa suite.

 — Alice, att-

 Trop tard, leur camarade était entrée la première. Pire, le chat n’avait fait que quelques pas avant de s’arrêter pour l’attendre. Voyant cette scène, Violette voulut lui crier de ne surtout pas le toucher. Après tout, c’était ça qui les faisait revenir en arrière, et elle n’avait aucune envie de recommencer ce qu’ils venaient d’accomplir.

 Mais quand Alice attrapa le félin dans ses bras, le coucou ne chanta pas midi. Au lieu de ça, Basile fut pris d’une quinte de toux qu’il peinait à retenir depuis un moment. Cyprien, inquiet, tourna un œil vers lui et frissonna. Le masque, que son ami portait toujours sur le visage, était parsemé de petites taches de sang. La protection n’avait pas suffi face à la fumée. Conscient d’avoir été démasqué, Basile retira le masque et le cacha vite en faisant signe à son complice de garder le silence. Il ne voulait pas que les autres s’inquiètent pour lui.

 — Midi treize, annonça Violette en regardant vers le coucou. Avec un peu de chance, c’est notre nouvelle… sauvegarde.

 — T’parles comme dans un jeu vidéo, maintenant, Miss Geek ?

 — Ça y ressemble de plus en plus, commenta Basile avec une voix éraillée. Des énigmes, un chat qui nous ramène dans le passé…

 — P’tain, on est pas Jésus, on est Neo. Croyez qu’c’est ça, l’espace game ?

 — Qu’est-ce que tu racontes ?

 — Ptêt que ça nous fait oublier qu’on est arrivé jusque là, nan ? On est juste dans leur jeu et c’est technologique.

 Violette retint un ricanement de justesse. Elle ne se serait pas gênée de pointer l’idiotie des réflexions de Mathéo en temps normal. Cette fois-ci cependant, elle devait bien avouer qu’entre ça et un chat magique, aucune explication ne la satisfaisait réellement. Aussi décida-t-elle de rejoindre Alice dans ce qui ressemblait à une salle à manger, avec une longue table. Par réflexe, elle se retourna et put lire sur le mur le nom de la pièce, à savoir : Caedes Bibe.

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