Meurtres au manoir

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 Violette avait les yeux écarquillés. La scène était totalement surréaliste. Du plus loin que remontent ses souvenirs, Cyprien n’avait jamais été violent avec qui que ce soit. Même avec les mots, il était un adepte de la diplomatie et restait d’ailleurs le seul à pouvoir calmer un peu Mathéo. Et là, il venait d’égorger d’un seul mouvement la fille pour qui, elle s’en doutait un peu, il éprouvait des sentiments. C’était impossible, jamais Cyprien n’aurait pu faire ça.

 Tout aussi médusé, Basile fit un pas en avant pour se dresser entre elle et leur ami. Mathéo, un peu plus loin sur le côté, n’en menait pas plus large. C’est quand Alice tomba à genoux, incapable de retenir plus de liquide vital en elle, qu’il commença à crier.

 — PUTAIN MAIS T’ES MALADE !?

 Alors que Cyprien éclatait d’un rire digne des plus grands méchants de la fantasy, Alice s’écroula complètement, face contre terre. Basile voulut s’approcher, mais il n’avait pas même fait un premier pas que Cyprien attrapait son siège pour le lui lancer dessus. Surpris, l’adolescent dressa ses bras pour se protéger du projectile, sans se douter que Cyprien avait suivi le même chemin. Très vite, les deux garçons furent à portée des coups de l’autre, mais un seul était armé.

 Sans hésiter et ponctuant chaque coup d’un rire rempli de folie, Cyprien frappa et frappa encore avec la lame. Le pauvre Basile ne pouvait que gémir de douleur tout en tentant de protéger son cou avec ses bras qui furent vite couverts de profondes coupures. Les larmes et le sang commençaient à troubler sa vision. Ce n’était plus qu’une question de secondes avant que Cyprien ne porte un coup fatal.

 Heureusement pour Basile, les assauts cessèrent soudain. Mathéo était venu à son secours. Saisissant à son tour un siège, il s’en était servi comme d’une massue pour repousser plus loin leur camarade fou. Cyprien ne l’avait pas vu venir, mais il se rattrapa avant de perdre l’équilibre et dressa de nouveau son arme. Qu’à cela ne tienne, Mathéo ne lui laissa pas le temps de reprendre toute contenance. Il lui fonça dessus en se servant de la chaise à la fois comme bouclier et bélier.

 Cyprien poussa un cri de douleur. Un pied de la chaise s’était enfoncé dans son œil, emportant l’adolescent dans l’élan de Mathéo. Quand ce dernier s’en rendit compte, il lâcha son arme de fortune par réflexe, effaré. Cette fois, son ami s’écroula, un horrible vide à la place de l’orbite duquel sortait un sang poisseux et sombre.

 — Merde… Merde, merde !

 Il se tourna vers les autres, pris de panique, ses mains tremblant sans qu’il ne puisse les contrôler.

 — Qu’est-ce qui s’est passé, putain !

 Violette ne savait pas quoi répondre, elle aussi sous le choc. Voir ses amis mourir, deux fois, l’avait déjà chamboulée. Mais que ce soit l’œuvre d’un des leurs, ça avait de quoi la retourner encore plus. Basile peinait à se retenir de pleurer. L’adrénaline du combat avait un peu atténué la douleur, mais elle revenait maintenant en force. Tout était catastrophique.

 — J-je… Je suppose… Que c’est la boisson… caedes, c’est meurtre, alors…

 — C’tait censé être un poison ! s’écria Mathéo. Un PUTAIN de poison !

 — On… On s’est trompé…

 — Et t’as vu c’qui s’est passé ? T’AS VU C’QU-

 Sans crier gare, Cyprien s’était relevé d’entre les morts qui l’avaient rejeté. Mathéo étant occupé à enrager, il ne l’avait pas remarqué. Alors, rapide comme l’éclair, le borgne avait enfoncé son couteau dans le cou de son camarade, lui rendant la pareille. Le visage encore contaminé par la hargne mais aussi par la surprise et l’incompréhension, Mathéo tenta de poursuivre ses accusations, mais ne parvint qu’à grommeler des mots confus et cracher du sang. Puis, comme il retirait la lame, Cyprien le poussa en avant et il tomba sans opposer la moindre résistance.

 Miss Parfaite sentait son cœur battre la chamade dans sa poitrine. Cyprien n’était pas juste devenu hyper agressif, c’était devenu une machine à tuer. Malgré son œil en moins, il continuait de ricaner en observant les corps de ses deux victimes. Puis il se retourna de nouveau vers eux, sa langue passant sur ses lèvres à la recherche de son propre sang.

 — Violette…, murmura Basile, juste assez fort pour qu’elle seule l’entende. Le chat…

 — T-tu… Tu crois…

 — J’sais pas… Mais faut ess-

 Il s’interrompit pour faire de nouveau barrage à Cyprien. C’était envers Violette qu’il en avait et il s’était lancé dans sa direction, lame en avant. Mais Basile ne parvint pas à se protéger aussi bien cette fois-ci. Il hurla quand la lame lui perfora les poumons. Un cri qui sonna comme un signal et qui poussa Violette à se dépêcher. Elle fit volte-face et aperçut le chat, posé sur un petit meuble, spectateur de cette mascarade. Elle courut et l’attrapa. Fermant les yeux et priant pour que ça fonctionne, elle passa sa main sur son dos en plusieurs va-et-vient rapides.

 Une toux.

 Elle rouvrit les yeux. Elle était au même endroit, mais ses camarades, eux, se trouvaient derrière elle, blêmes comme des fantômes. Alice avait encore les mains sur son cou, la panique se lisait dans ses yeux. Mathéo tomba sur son derrière, une main cachant son visage, il répétait des jurons sans discontinuer. Basile, troublé fit un pas en avant puis évita de chuter en se retenant contre le mur. Cyprien, enfin, avait la bouche grande ouverte et une rivière de larmes coulaient sur ses joues.

 — J’suis désolé… J’suis désolé…, souffla-t-il. J-je…

 — Te fais pas de soucis, Cyprien, tenta Basile en essayant de se convaincre lui-même. C’est… c’est la boisson, pas vrai ?

 — O-Oui… J’sais pas ce qu’il s’est passé… j’ai pas réussi à ne pas la boire e-et je contrôlais pas mon corps, je vous jure…

 Le malaise s’installa. Tout le monde voulait croire Cyprien. Mais personne n’y parvenait réellement, pas même lui. Quelque chose s’était brisé et cela laissa place à un long moment de silence qu’Alice finit par rompre d’un ton suppliant.

 — Les amis… Vous avez retenu le code dans le crâne, pas vrai… ?

 L’injure que lâcha Mathéo servit de réponse négative. Violette en lâcha le chat de dépit. Avec la violence dont avait fait preuve leur ami, ils en avaient oublié la raison qui les avait poussés à boire ce fichu liquide de folie. Et cela ne signifiait qu’une seule chose.

 — On va devoir recommencer…

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