Chapitre 4-1 : Passion : rencontre

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19 mai 1988

Afin de promouvoir la notoriété de la Nab, André participa à des colloques à thématiques financières, montrant une figure rassurante aux commandes de la banque. Marc, lui, fut invité à des vernissages ou diners. Ce n’était pas son truc, mais c’était important pour nouer des relations dans les cercles de pouvoir.

Certains acteurs l’impressionnaient. Tel ce multimilliardaire dans le luxe ou encore ce politicien dont la seule présence semblait électriser ses interlocuteurs.

À sa grande surprise, il se fit parfois courtiser par des femmes. Certaines, gravitant autour des carrés VIPs, étaient jeunes, belles et sexy. Plus troublants, d’autres étaient des femmes de pouvoir ou d‘influence.

S’il ne donna pas de suite, il n’en fut pas moins sensible à ces approches, et ne put s’empêcher de se montrer séducteur. Certaines de ses interlocutrices devinrent plus entreprenantes, le contraignant à des manœuvres de diversion. Car s’il était grisé par ce succès, il n’en demeurait pas moins amoureux et fidèle à Elsa.

Phagocyté par ces événements mondains et la Nab, il consacra moins de temps à son couple. Elsa, redoutant cet éloignement, redoubla d’abord d’attention. Progressivement et insidieusement, elle se lassa… devenant elle-même moins proche.

Ils en étaient là quand en juin, il assista à un colloque organisé par le ministère des Finances. Le forum était parrainé par le prestigieux Automobile Club de France, sur les Perspectives économiques de la France au sein de la mondialisation.

Le symposium lui-même, situé dans l’auditorium André et Édouard Michelin, ne fut pas passionnant, même si Radier participa à une mini table ronde.

Les conférences terminées, il rejoignit le banquier, en grande conversation au Salon Concorde.

« Très belle prestation André.

— Marc ! Tu tombes bien, je voudrais te présenter ces personnes. D’abord Monsieur Zenbach, responsable de notre estimée Commission Bancaire…, les deux hommes se saluèrent en se serrant la main, Monsieur le ministre Meghain que tu connais déjà... et enfin Jean Panbard le président de notre Automobile Club. »

Radier, déjà inscrit au club, devait bientôt pousser la candidature d’Ancel. Il lui faudrait un deuxième parrain. Il devrait aussi comparaitre, c’est bien le mot, devant une commission de douze membres, qui voterait ensuite à bulletin secret. Il aurait alors ses entrées au club, riche d’environ deux mille adhérents, patrons de grands groupes, fortunes de France et autres personnages d’influences.

Le banquier continua : « Nous discutions des impacts sur les marchés financiers de …

— Bonsoir messieurs. Ne me dites pas que vous parlez encore de ce sujet ! ». Une charmante demoiselle s’interposa : « Mon cher Jean, si vous faisiez les présentations ?

— Bien sûr ma chère. Cette pétillante personne s’appelle Amandine Lamare. Elle dirige Select Evts. C’est LA société de référence pour l’organisation d’événements comme celui de ce soir... qui est une vraie réussite. Ravi de vous voir Amandine.

— Moi de même, surtout dans cet univers aussi fermé aux femmes que ce club[1]. »

Panbard continua les présentations. Lamare connaissait déjà bien le ministre. Il termina par Marc. Elle s’exclama :

« Voici donc le fameux Ancel dont le Tout-Paris parle.

— Vous me flattez.

— Ne faites pas le modeste. Vous êtes le sujet de conversations des hommes comme des femmes. Enfin… là où elles sont autorisées dans ce monde masculin ! »

Il la détailla. Il n’était pas doué pour cela, mais il lui donnait un peu plus que la trentaine. Elle avait un visage séduisant et une silhouette très avantageuse, à en juger par ce qu’on devinait au travers de sa tenue : une splendide robe rouge avec un décolleté en V, cintrée à la taille et échancrée très haut sur sa jambe droite. Des reflets auburns apparaissaient dans son abondante chevelure. Il rebondit sur sa dernière remarque en souriant :

« Savoir que je puisse être le sujet de certaines de vos conversations me comble d’aise.

— Encore un qui joue aux charmeurs. Messieurs, vous êtes tous incorrigibles », dit-elle, en éclatant de rire. La discussion continua, mêlant réflexions sociales et économiques et quelques traits d’humour. Radier et Zenbach furent happés par d’autres groupes. Puis ce fut le tour du ministre.

Au moment où ce dernier s’éloignait, Panbard s’excusa. Il devait saluer les différents participants. Lamare lui indiqua : « Faites donc Jean. Je voulais vous entretenir de quelques petites choses. Nous en parlerons plus tard. »

Restée seule avec Ancel, elle se tourna vers lui : « Connaissez-vous ces lieux ? »

Devant sa réponse négative, elle indiqua : « Je vais vous faire une visite guidée. Enfin, seulement là où les femmes ont le droit d’accès ! »

Ils se mirent en marche, non sans être interceptés plusieurs fois. Avec sa gaité communicative, Lamare semblait très populaire.

« Ces pièces sont splendides. Et la vue panoramique sur la Place de la Concorde vaut le détour.

— Vous n’avez encore rien vu ! »

Elle le guida jusqu’à la bibliothèque Clément-Bayard, tout en menuiserie et avec sa mezzanine et plusieurs milliers d’ouvrages de collection. L’endroit respirait la sérénité, malgré la présence de quelques invités, venus y discuter au calme.

« C’est magnifique, on s’imagine très bien y prendre un livre et s’y installer. »

Ils firent le tour. Elle l’emmena ensuite au jardin des frères Renault. Mi-terrasse, mi-jardin, il avait une vue imprenable sur les toits de Paris, et le coucher de soleil était magnifique. Cet espace avait été également privatisé pour l’occasion et quelques groupes d’invités étaient montés jusque-là. Ils prirent une coupe du plateau d’un serveur, et vinrent s’accouder à la rambarde.

« C’est beau… » fut tout ce qu’il trouva à dire. Lui qui était pourtant plus paysages que ville devait reconnaître que cet endroit était magique.

Il apprit que Lamare détenait un tiers des parts de Select Evts. Le fondateur, qui lui avait laissé le manche de la société, conservait le reste. C'était une des trois boites d’événementiels utilisées par le Tout Paris. Sa connaissance des uns et des autres était impressionnante. Marc faisait pâle figure, lui dont les liens avec ces acteurs tenaient sur les doigts d’une main. Et encore, ce n’était la plupart du temps qu’une simple relation.

Leur discussion fut interrompue par un capitaine d’industrie qui avait besoin de s'entretenir avec la jeune femme.

Marc resta contempler les toits de Paris dans la lumière déclinante du jour, puis redescendit se mêler à quelques groupes.

Le cocktail se terminant, il prit un taxi pour rentrer chez lui. C’était une bonne soirée. Il avait réussi à échanger avec le grand manitou de l’Automobile Club. Et nul doute qu’au parrainage d’André Radier, s’adjoindrait celui de Meghain. Sa discussion avec Amandine Lamare lui revint à l’esprit : il l’avait trouvé séduisante et pleine de vie. Agacé, il secoua la tête pour la chasser de ses pensées et se concentrer sur le Club. D’ici quelques semaines, il serait membre. Il entrerait alors dans ce milieu de puissants.

Arrivé chez lui, il se dirigea vers la chambre. Elsa était couchée, en train de lire, avec son petit déshabillé que Marc adorait.

« Coucou, alors tu as fait tes ronds de jambe ? »

Il s’assit sur le lit et l’embrassa : « L’endroit est vraiment magnifique.

— Quand tu seras membre, tu m’inviteras.

— Hum ! Faut voir si tu le mérites, dit-il pour la taquiner.

— Dit donc ! », répondit-elle avec une pause aguichante. Il effleura le haut de son dos avant de glisser doucement le long du bras. Un frisson la parcourut. Marc fit lentement descendre le déshabillé sur ses épaules.

« Tu n’arrêtes pas de dire que tu l’adores. Mais tu l’enlèves à chaque fois en quelques minutes. »

Elle lui déboutonna sa chemise puis y passa ses mains. Elle sentit son désir monter en même temps que le sien. N’y tenant plus ils basculèrent sur le lit.

Lamare habitait seule. Elle avait un amant, un publiciste en vue, mais ils ne vivaient pas ensemble. C’était une relation agréable sans être le grand amour. Elle aussi était contente de sa soirée. C’était une réussite et elle avait détecté plusieurs nouvelles affaires potentielles.

Elle repensa à Ancel : trop jeune et venu de nulle part… il devait servir de paravent pour la Nab, même s'il avait de l’épaisseur. Bien sûr, il avait un peu joué au séducteur au début… Comme la grande majorité de ces patrons millionnaires, voire milliardaires qui s'imaginaient avoir un magnétisme puissant. C’était vrai pour certains d’ailleurs. Ancel lui paraissait indéfinissable : pas mal, mais sans plus, il avait un bel humour et on devinait derrière ses propos ou regards une grande intelligence. Comme tous ces mecs, il doit penser que tout tourne autour de lui ! conclut-elle en allant prendre sa douche, sans se douter qu’ils allaient se revoir rapidement.

[1] Si techniquement, les femmes n’y sont pas interdites, dans les faits, l’Automobile Club de France a cette particularité d’être réservé uniquement aux hommes. Les femmes y sont admises dans le cadre d’événements « publics ».

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