Chapitre 4-3 : Passion... la concrétisation
Paris
9 au 12 septembre 1988
Sur les conseils de Select Evts, ils avaient loué un entrepôt réaménagé avec un décor branché et modulaire, au look résolument moderne. L’événement avait lieu un vendredi, en fin d’après-midi. Le lendemain, Marc devait participer au journal du 13 h ; Radier à celui du soir. Elsa en profita pour passer le week-end chez ses parents, près d’Annecy.
La musique rythmée s’éleva dans les airs, mettant fin aux discussions. Les jeux de lumière mirent en valeur l’estrade. Le tempo de la keynote fut dynamique. Dans une présentation millimétrée, Ancel entra en scène... et tint son rôle de la jeune génération qui secoue l’immobilisme des banques traditionnelles ; introduisant le concept de l’offre en quelques phrases bien ciselées. Dans la foulée, une courte vidéo montra la vie facilitée des utilisateurs du package.
Ce fut au tour de Radier d’intervenir. Sa prestation souligna les atouts et la solidité de la Nab.
Le journal du soir en fit un de ses sujets. Les spots télévisés prirent la suite.
Une première vague de demandes arriva, suivie par plusieurs autres. À fin octobre, onze mille nouveaux clients les avaient rejoints, leur apportant quatre cents millions de dépôts.
Les derniers membres de l’équipe quittaient l’entrepôt. Marc félicita la patronne de Select Evts : « Les longues heures de préparation que vous nous avez imposées ont porté leurs fruits. C’est un sans-faute. »
Amandine répondit avec humour : « Vous imposer ces répétitions a parfois été un vrai parcours du combattant. »
Marc se mit au diapason : « Dois-je comprendre que nous vous avons exaspéré ?
— Pas au point d’exploser. Mais oui, un peu. »
Il hésita : « Il faut dire que cet état d’exaspération vous confère un certain charme, Sans lui laisser le temps de réagir, il ajouta, se surprenant lui-même : Vous êtes venue en taxi ? Puis-je vous ramener ? »
Électrisée, sans trop savoir pourquoi, elle accepta la proposition.
Une fois installée sur la banquette arrière de la limousine louée pour l’occasion, elle donna son adresse au chauffeur. Marc ferma la vitre de séparation pour pouvoir discuter plus facilement.
Il se tourna vers la jeune femme, leurs mains à quelques centimètres l’une de l’autre :
« Superbe soirée. Votre aide nous a été précieuse.
— Merci. Je suis certaine que votre offre va être une belle réussite. »
Dans le silence qui s’ensuivit, un ange passa. Marc laissa échapper :
« Nos échanges vont me manquer.
— Ah oui ? Et pourquoi cela ?
— Et bien …, il se tortilla sur son siège, disons que j’apprécie beaucoup votre présence. J’adore nos conversations et je… je vous trouve ravissante. »
Le cœur d’Amandine s’accéléra, sa respiration devint légèrement oppressée : « Moi aussi… elle fit la moue, comme si elle plaisantait : vous ne seriez pas en train de me faire du charme ? »
Il lui prit, avec appréhension, la main : « C’est moi qui suis séduit. »
Elle eut une bouffée de chaleur. Sa main ne put s’empêcher de répondre à la pression. Elle tenta de se reprendre « Marc, vous oubliez que… »
Sans comprendre lui-même ce qu’il lui arrivait, il se pencha vers elle et l’embrassa. Presque malgré elle, elle lui rendit son baiser. Il la prit dans ses bras. Leur étreinte devint passionnée.
Amandine reprit un semblant de contrôle : « Attends ! Tu oublies que tu as quelqu’un d’autre dans ta vie. »
Le visage d’Ancel devint grave : « Tu as raison. »
En proie à une vive confusion, il se redressa. « Mais j’ai tellement envie de te prendre dans mes bras… de t’embrasser », il se rapprocha de nouveau.
Elle l’arrêta de sa main, le ton ferme : « Je te trouve séduisant, vraiment. Mais je ne peux pas faire cela ».
Elle se pencha pour lui donner un rapide baiser : « On arrive chez moi. Bonsoir Marc. Désolé. »
Elle sortit précipitamment de la voiture pour s’engouffrer dans son immeuble. Sans un regard en arrière.
Il la vit disparaître avec un pincement au cœur. Après quelques secondes, ouvrant la glissière de séparation, il s’adressa au chauffeur et lui demanda de le ramener chez lui.
Il était perdu. C’était mieux comme cela. Il ne devait pas oublier qu’il aimait Elsa. Il se sentait coupable d’avoir embrassé la jeune femme... Et pourtant… il était déçu.
Amandine rentra chez elle, les joues en feu, son cœur battant la chamade. Tout en elle appelait une nouvelle étreinte. Tout sauf un point : elle ne voulait pas devenir la maitresse d’un homme casé. Pour s’occuper, elle écouta son répondeur.
L’un des messages provenait de son amie et confidente. Elle s’enthousiasmait sur le rendu de l’événement à la télévision. Amandine avait envie d’être seule, elle lui téléphonerait plus tard. Elle allait prendre une douche bien chaude, comme elle les adorait.
La voiture passait près des quais lorsque Marc se pencha pour demander au chauffeur de s’arrêter. Il se sentait oppressé et voulait marcher un peu.
L’air étant doux, il fit un détour jusqu’à l’ile de la Cité. Il était à la fois déçu et soulagé. Il n’avait pas besoin de s’embarquer dans une telle histoire... mais que ces étreintes étaient merveilleuses…
Amandine sortit de sa douche, alluma la télévision et s’installa confortablement sur son canapé, vêtue de son peignoir. Elle regarda le film sans le voir, ses pensées revenant sans cesse à leurs caresses. Son téléphone se mit à sonner. Elle décida de ne pas bouger. Quelques minutes plus tard, il carillonna de nouveau. Poussant un soupir, elle décrocha :
« Enfin ! Je trépignais d’impatience. Alors, ce show ? Raconte-moi !
— Salut... Tout le monde était content, cela devrait faire un carton. Si cela ne te dérange pas… on en parle demain ? »
Son amie fut surprise. Elles étaient toutes les deux capables de discuter des heures au téléphone : « Il y a un problème ? Tu sembles préoccupée.
— Juste un peu fatiguée, répondit la jeune femme, sans réelle conviction.
— Hou là… Cela à l'air sérieux. Que se passe-t-il ? Puis fine mouche : c’est Marc ? »
Cette dernière question rompit ses barrières de protection. Dans un flot libérateur, elle relata la fin de la soirée à son amie.
« Et comment te sens-tu ?
— C’est ce qu’il fallait faire.
— Amandine, ne te mens pas à toi-même. Tu es dans quel état ? »
La jeune femme ferma les yeux, cherchant le bon terme :
— Retournée… j’ai envie qu’il me reprenne dans ses bras… mais je ne veux pas me retrouver dans la situation d’être celle qui attend dans l’ombre.
— Je comprends. Pour moi aussi, ce n’est pas toujours facile. Et pourtant je ne demande pas à ce que cela change. Et pour la suite ?
— Je ne sais pas. De toute manière, on ne devrait plus se croiser de sitôt et… »
Sa voix se brisa. Son amie continua pour elle : « et cela te manque déjà ? »
La réponse lui parvint dans un souffle : « Oui. »
Après l’ile de la Cité, Marc continua dans la même direction avant d’obliquer un peu vers le Nord. Malgré lui, il avait envie de revenir sous les fenêtres de la jeune femme, juste pour se sentir près d’elle.
Arrivé devant son immeuble, il leva la tête. Il y avait plusieurs baies éclairées. Mais où était l’appartement d’Amandine ? Et d’ailleurs donnait-il sur la rue ?
Il s’approcha de l’interphone et repéra son nom. Cédant à une impulsion, il appuya sur le bouton.
Une sonnerie les interrompit : « Attends, l’interphone sonne », se dirigeant vers sa porte, elle bascula l’interrupteur : « Oui ? »
Un silence puis :
« C’est Marc. »
Figée, elle répéta par automatisme : « Marc…
— Je voudrais te voir.
— Marc. Je t’ai déjà répondu.
— Juste quelques minutes. Je m’en irais ensuite. »
Elle hésita : « Cela ne changera rien, mais elle appuya sur l’ouverture de la porte : 4ème étage. À gauche en sortant de l’ascenseur. »
Elle resta étourdie quelques secondes, puis se précipita sur son téléphone : « Il arrive, il veut parler. »
Son amie se mit à rire :
« Si tu le fais monter, tu as ta réponse. Je te laisse. Tu me raconteras. Bises. »
La communication coupée, la jeune femme réalisa qu’elle était en peignoir. Elle se précipita dans sa chambre. Elle eut juste le temps de mettre ses dessous et d’enfiler une jupe. Elle prit une veste de kimono en complément et serra la ceinture, de manière à limiter le décolleté au maximum.
Sur le pas de la porte, Marc apparut, à la fois timide et avec un regard brulant, qui la déshabillait. Elle s’effaça et referma derrière lui. Ils étaient tous les deux électrisés.
Il s’approcha et glissa sa main autour de la taille de la jeune femme. Elle bascula vers lui. Ils commencèrent à s’embrasser doucement puis avec fougue. Elle sentit qu’il desserrait les liens de son kimono et le laissa faire. Lorsque celui-ci s’entrouvrit, il resta quelques instants le souffle coupé. Ce fut Amandine elle-même qui dégrafa et enleva son soutien-gorge. Leur étreinte reprit de plus belle, à leur frénésie se superposa rapidement un désir puissant, presque animal. Ils basculèrent sur le canapé.
La nuit fut courte pour les deux tourtereaux. Dès qu’un geste de l’un réveillait l’autre, ils s'enlaçaient à nouveau.
Le lendemain, toujours collés l’un à l’autre ils prirent un brunch avant de retourner au lit. Marc dû pourtant quitter la jeune femme : il devait rentrer se changer pour participer au journal de 13 h.
Après l’interview, il appela Elsa et se força à avoir une conversation normale. Elle termina par le traditionnel : « Au revoir mon amour. Je t’aime ». Mortifié, il répondit de même avant de raccrocher. Il allait appeler à Amandine : c’était une erreur, il ne pouvait pas continuer comme cela… Elle allait être blessée… ne voudra plus lui parler. Non, cela ce n’était pas possible. Pas maintenant.
Il capitula, et repartit chez elle. Le reste du week-end se déroula comme dans un roman, les deux amants alternant étreintes et discussions amoureuses. Se tenant par la main, ils prirent plaisir à aller faire ensemble quelques courses. Ils poussèrent jusqu’au parc de buttes Chaumont, où ils s’allongèrent dans l’herbe, la tête d’Amandine posée sur la poitrine de Marc, chacun découvrant ce qui passionnait l’autre.
La dernière nuit, celle de dimanche à lundi se termina sur une touche de mélancolie. Enlacés sur le lit, ils restaient silencieux, se contentant de laisser leurs mains effleurer leurs corps : ils allaient devoir se rencontrer en cachette.
Elsa devant rentrer tôt le lendemain matin, les deux amants se séparèrent à l’aube.
Elsa ouvrit la porte. Marc l’accueillit comme d’habitude, avec un baiser et en la serrant dans ses bras.
« Tu as fait bon voyage ?
— Oui et toi ? Content de ton show ?
— J’en attends de très bonnes retombées, opina-t-il. »
La jeune femme l’embrassa : « Tu sais, j’ai peur que ta banque finisse par te phagocyter et nous éloigner l’un de l’autre ». Il évita son regard et fixa le fond de la pièce avant de l'embrasser à son tour.
Arrivé à son bureau, il ne savait plus où il en était. Amandine lui manquait déjà… mais il aimait Elsa. Il avait le ventre noué en pensant à sa trahison.
Amandine ne se sentait pas mieux. Elle fut étourdie une bonne partie de la journée. Elle avait adoré ce week-end et il lui tardait de revoir Marc. Pourtant le rôle de maitresse ne lui plaisait pas. Elle tenta de se rassurer : ce n’était qu’une aventure.
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