Chapitre 6-4 : Faces cachées II - Tout se mélange
Tout se mélange
Paris
25 novembre au 2 décembre 1988
Marc consulta sa montre en quittant le cabinet du détective. Elsa devait prendre le train de nuit à la gare de Lyon et il lui avait proposé qu’ils dinent ensemble, autour de la station. Il s’y rendit à pied : il avait besoin de réfléchir aux derniers évènements. Ainsi qu’à la mise en garde de Forel.
Maintenant que la pression de la journée retombait, il avait des nœuds à l’estomac. Derrière Leonardo, se trouvait des hommes qui n’hésitaient pas à commanditer des assassinats, voire pire… cela l’angoissait pour les deux femmes de sa vie et pour ses proches.
Plongé dans ses pensées, il arriva un peu avant Elsa devant le café où ils avaient rendez-vous.
Elle portait son petit sac en bandoulière, qu’elle utilisait pour voyager plus facilement. Il l’embrassa. Ils commandèrent des sandwichs et des boissons. La conversation fut agréable, bien loin des moments de tensions de ces derniers jours.
Elsa alla installer ses affaires dans la rame, avant de redescendre sur le quai.
« Le train part dans vingt minutes. Rentre, proposa-t-elle
— J’ai envie de rester », répliqua-t-il en souriant.
Touchée, elle vint se blottir dans ses bras. Il se trouva pitoyable : bien sûr, cela lui faisait plaisir... mais il voulait aussi s’assurer qu'elle allait bien partir.
Le train venait de disparaitre. Marc ne put retenir une douloureuse grimace. C’était la trahison de trop… il ne pouvait pas faire cela à Elsa. Il suffisait qu’il appelle Amandine pour annuler... mais que lui dire ? Il lui faudrait de nouveau mentir… non… c’était au-dessus de ses forces.
Baissant la tête il alla prendre le métro pour rejoindre Amandine.
À peine fut-il entré, qu’ils se jetèrent l’un sur l’autre. Marc en oublia son stress et sa culpabilité. Ils firent l’amour avec frénésie.
Le temps était froid, mais beau. Les deux tourtereaux passèrent de longues heures chez la jeune femme, dans des étreintes passionnées, entrecoupées de moments de tendresse.
Ils firent également quelques balades au Trocadéro et sur la butte Montmartre. En s’enlaçant pour un oui ou pour un non.
Amandine avait laissé de côté ses craintes sur l’avenir de leur relation, profitant pleinement de ces moments de félicité.
Le week-end fut si intense que même leur séparation, le lundi matin, ne porta pas ombrage à leur bonheur. Elle partit à son travail le cœur léger.
Le mercredi, la Nab reçut les demandes de prêt pour l’opération napolitaine. Marc était décidé à jouer sa partition. Il ordonna à Forel de collecter toutes les informations qu’il pouvait.
À la fin de la semaine, le détective se présenta alors qu’il finissait une conversation téléphonique. Abrégeant celle-ci, il lui fit signe d’entrer. Le privé ferma la porte derrière lui. Mais au lieu de s’assoir, il jeta d’un geste furieux une enveloppe sur le bureau.
« Qu’y a-t-il ? demanda Marc, tout en la saisissant.
— Regardez ! »
Il baissa les yeux et ouvrit l’enveloppe. Il cessa de respirer, contemplant des photos de lui et Amandine se tenant par la main et s’embrassant fougueusement dans la rue. Les deux dernières étaient encore plus gênantes, probablement prises au téléobjectif depuis l’immeuble en face de celui de la jeune femme… peut-être du toit. On les voyait tous les deux dans le plus simple appareil. Sur la première, Amandine était à genoux devant Marc et sur la seconde, il la prenait sur la table du séjour.
Il ouvrit la bouche, mais le détective le coupa : « Quand vous faites le con, vous ne le faites pas à moitié ! Non seulement vous vous faites guider par votre queue, mais en plus au vu et au su de tout le monde ! »
Marc rougit, et instinctivement contre-attaqua : « Et alors c’est votre problème ? »
Le détective serra le poing et leva un doigt accusateur :
« Oui ! Je me casse le cul à protéger vos arrières et vous vous comportez comme un adolescent avec sa poussée d’hormones ! Vous ne vous êtes pas dit que vous aviez toutes les chances que ce sujet explose ? »
Se sentant en faute, Marc répondit crânement : « Tout le monde n’est pas aussi vicieux que vous pour me surveiller ! »
Forel eut un rictus : « Perdu ! vous avez photographié par d’autres que moi. Et je peux vous dire qu’ils ont exactement les mêmes. C’est en les suivant que j’ai réalisé ces clichés ! »
Il contempla sans pitié son patron. Celui-ci avait pâli. Il laissa échapper un gémissement puis :
« Ce sont les détectives qui travaillent pour Bievod ? Il va s’empresser de les rendre publics.
— Non, il a abandonné son enquête… Ce sont vos amis italiens. J’avais laissé un gars pour suivre ce qu’allait faire Leornardo après la matinée de vendredi. Mon homme m’a prévenu qu’il avait reçu la visite d’une équipe et je les ai fait mettre en filature. Quand j’ai compris que c’était vous qu’ils avaient en ligne de mire, je suis venu moi-même. Je craignais un mauvais coup de leur part… Et là, ils ont un beau cadeau… ils vont avoir barre sur vous ! »
Atterré, Marc resta pétrifié, pendant que le détective continuait de pointer son inconséquence. La remarque, soulignant qu’il était désormais à la merci des Italiens, le tira de sa léthargie.
« OK, je vous ai entendu. J’ai merdé. Raison de plus pour renverser la vapeur et faire ce que nous avons prévu. »
Forel se décida à s’assoir :
« Ça peut marcher, mais cela peut aussi très mal tourner.
— C’est pourquoi j’ai besoin que vous collectiez le maximum d’infos. »
Marc demeura pensif. Son côté combatif avait repris le dessus. Dès lors qu’il avait un plan d’action, il se sentait mieux. Ce qui l’embêtait beaucoup, c’est de trouver comment il allait pouvoir continuer à voir Amandine. Pas un seul instant il n’envisagea d’arrêter ou de suspendre cette relation. Dans l’immédiat, il lui téléphona pour lui proposer de se rencontrer en fin d’après-midi dans un parc. Il lui suffirait de semer ses suiveurs pour y arriver. Avec les transports en commun, c’était facile.
Forel retourna à son cabinet. Il avait besoin de donner quelques coups de fil. Une fois terminé, il se passa la main sur le visage et se renversa dans son fauteuil. La situation ne lui plaisait pas. Ancel se révélait un bon stratège, mais sa conduite était imprudente. Et en face, ils ne lui feraient pas de cadeau.
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