Chapitre 11-1 : blackboulé ! - Elsa
Elsa
Paris
Semaine du 2 mai 1989
Malgré l’adrénaline procurée par le lancement de son groupe, Marc accusait le coup. : il était souvent ailleurs. Abattu. Perdu. Elsa, que ressentait-elle ? Que faisait-elle ? Et leurs amis : qu’allait-il leur dire ?
Même avec Amandine, il avait ses sautes d’humeur. Parfois, ils s’abandonnaient avec passion dans le plaisir d’être ensemble. D’autres fois, elle le retrouvait assis, immobile, sur une chaise ou même dans la douche, les yeux dans le vide.
La jeune femme commençait à croire en un avenir avec Marc, et vivait cette période avec une dynamique positive. Ce n’était évidemment pas le cas d’Elsa. Elle, elle sombrait. Plongeant à corps perdu dans son travail, elle était soudain frappée d’hébétude. Elle disparaissait alors aux toilettes et en ressortait avec les yeux rougis. Le pire, c’était le soir. Seule, recroquevillée en position fœtale, elle revivait le même cauchemar : Marc filant le parfait amour avec une autre… Encore et encore… Ses amis se relayaient auprès d’elle, mais il y avait toujours un moment où elle se retrouvait livrée à elle-même. Sandrine lui proposa de venir dormir chez elle, le temps qu’elle se requinque, mais elle refusa. Elle ne voulait pas de pitié, ni devenir une charge.
Courant mai, elle se décida à agir. Elle ne pouvait plus vivre dans leur appartement. Trop de souvenirs. Elle trouva un studio lumineux à dix minutes à pied de son travail : un séjour-chambre, une vraie cuisine et de nombreux rangements. Libre immédiatement. Elle signa pour en prendre livraison dès le week-end suivant.
Marc était déjà en ligne quand son téléphone afficha le numéro d’Elsa. Il coupa court à sa conversation et bascula sur son appel juste avant qu’elle ne raccroche.
« Elsa ? dit-il, le cœur battant.
— J’ai donné congé pour l’appartement et j’ai loué un fourgon pour samedi. Si tu veux en profiter pour récupérer tes affaires, prends-le à l’agence en bas de notre rue. Sinon… tu te débrouilleras. »
Marc sentit son pouls s’accélérer. Il happa l’air, tentant désespérément de retrouver sa respiration… une partie de lui refusait encore d’accepter que cela soit la fin de leur histoire.
« Je serais là.
— Très bien. Samedi. 9 h. »
Elle raccrocha.
Il reposa le combiné, hagard, se prit la tête dans les mains. Et pleura. Silencieusement.
Radier entra à ce moment-là. Il s’arrêta net, interdit, contemplant le visage défait d’Ancel.
« Marc ! Qu’est-ce qui se passe ? »
Comme son ami ne répondait pas, il s’approcha de lui, s’accroupit à sa hauteur et le prit par l’épaule.
« C’est grave ? Un problème de santé dans ta famille ?
— Non, non.
— Il y a une catastrophe avec la Nab ? Liée à la Suisse ? ». Il venait justement voir Ancel sur ce sujet. Il était de plus en plus convaincu que ces associés n’étaient pas de simples financiers.
« C’est personnel… Désolé, mais je n’ai pas envie d’en parler maintenant. »
Marc se leva : « Je vais prendre l’air. Je ne sais pas pourquoi tu venais… mais peut-on en discuter un autre jour ?
— Bien sûr. Je fais reporter tes rendez-vous de la journée ?
— Merci André. »
Il ne rentra chez Amandine qu’en début de soirée. Qu’avait-il fait pendant tout ce temps ? Même lui n’aurait su le dire. Il se rappelait juste d’avoir marché, erré plutôt, sans but.
Il passa le reste de la semaine dans un état second. Il traitait ses dossiers, mais sans punch. Il émanait de lui une telle impression de désespoir, que ses collaborateurs ne purent que s’en apercevoir. Très vite un consensus se fit sur la cause de cet état. Avec raison, la majorité paria sur une peine de cœur.
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