Chapitre 11-3 : blackboulé ! - Déménagement
Déménagement
Région Parisienne
6 mai 1989
Le week-end arrivant à grands pas, Marc, anesthésié, ne se rendit pas compte des doutes qui secouaient son équipe. Le samedi matin, il fut à l’heure à son rendez-vous. Elsa n’échangea que le strict minimum avec lui. Contrit et soucieux de la ménager, il s’aligna sur sa posture.
Par chance il faisait beau et doux. Ironiquement, alors que l’atmosphère entre eux était emplie de tristesse et de désolation, l’air était chargé d’effluves floraux, tantôt voluptueux, tantôt raffinés. Ils firent un premier trajet pour embarquer les affaires de la jeune femme. Puis ils revinrent pour charger celles de Marc.
Pendant qu’ils remplissaient les derniers cartons, Elsa ne put s’empêcher de l’interroger sur ses projets. Gêné, il répondit de manière élusive.
« Qu’est-ce qui te plait en elle ?
— Je ne sais pas, il ne voulait pas entrer dans un comparatif qui n’avait pas lieu d’être.
— Quand même. Il doit bien y avoir des trucs qui te plaisent pour que tu ne puisses te retenir d’aller la voir ? Elle te fait des choses que je ne te faisais pas ? Ou pas assez ?
— Ce n’est pas cela.
Elle s’approcha de lui à le toucher : « Tu peux me le dire… je suis capable de l’entendre.
— Elsa ! Je n’ai rien à te reprocher sur ce plan comme sur d’autres. »
— Parce que si c’était le cas… »
Elle l'effleura de sa bouche… comme magnétisées, leurs lèvres se rejoignirent… ils s’embrassèrent doucement… avant de se jeter l’un contre l’autre avec passion, tout en se déshabillant frénétiquement, à même la moquette de la chambre.
Au moment de la pénétrer, il hésita : « On ne peut pas faire cela. »
Elle l'entoura de ses jambes.
« Tu en as envie. Prends-moi ! »
Tourmenté, il se redressa. Elle passa ses bras autour de lui et plaqua son bassin contre le sien. Un puissant désir s’empara d’eux…
La douche se terminait. Alors qu’il refermait le mitigeur, elle embrassa son torse avant de descendre tout doucement jusqu’à se mettre à genoux devant lui. Bien que de nouveau excité, Marc commençait à comprendre qu’Elsa agissait de manière désespérée. Se faisant violence, il se recula et releva la jeune femme : « Non… Je t’ai déjà trop fait souffrir.
— Cela ne t’a pas retenu il y a un instant ! »
Mais elle quitta la douche pour se sécher et se rhabiller.
Une fois le fourgon chargé, Marc la déposa à la station de métro la plus proche, comme elle lui avait demandé.
Il arrêta le moteur. Elle sortit sans un mot… puis se ravisant, revint sur ses pas, et rouvrit la portière : « Marc, il est encore temps... Tu peux apporter tes affaires chez moi ».
Hébété, il s’entendit répondre, comme dans un cauchemar : « Elsa... je suis vraiment désolé. »
Sa voix était à peine audible, son visage défiguré par la souffrance qu’il ressentait. La jeune femme ne fit rien transparaitre. Elle rétorqua calmement :
— Bien. Je t’enverrais les papiers pour la sortie de notre appart’. »
Elle ne pleura pas. Elle n’avait pas prévu ni de faire l’amour avec Marc ni de lui proposer de rester avec elle. Les deux lui avaient échappé malgré elle. Un effet combiné du printemps et de la conscience que c’était leur dernière chance. Une page venait de se tourner... mais pour elle il n’y avait rien derrière.
Marc demeura longtemps ainsi… tétanisé derrière son volant. Il avait l’impression que son monde s’écroulait. Il avait refusé la proposition d’Elsa, non pas parce qu’il n’en avait pas envie, mais par lassitude. Ils ne pouvaient plus revivre une période aussi éprouvante de doutes et d’incertitudes.
Cette révélation fit l'effet d'un déclic et l’obligea à regarder la vérité en face. Devant l’impossibilité de les garder toutes les deux, il avait lâchement laissé Elsa prendre la décision pour lui. La rupture était consommée. Il perdait une femme qu’il aimait et à qui il avait fait du mal.
Ce constat fut à la fois une libération et une chape de culpabilité qui allait le marquer pendant de nombreuses années.
Il n’était pourtant pas au bout de ses peines. : de nouvelles turbulences s’annonçaient... en provenance du syndicat CRASH.
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