Chapitre 13-2 : points de non retour - Elsa
Par amour
Hautes-Alpes
Fin août 1979
Parti de chez lui, dans le Var, il avait enchainé les parcours en stop pour arriver jusqu’à ce village d’altitude dans les Alpes. Il se fit déposer à l’entrée du parking près de la gendarmerie.
Elsa avait un trouvé un job d’été ici, à La Grave et finissait dans une demi-heure : qu’il avait hâte de la revoir !
Mais cela ne serait pas pour tout de suite. Des amis de ses parents lui avaient prêté une chambre-studio, à l’étage de leur maison et elle devait diner avec eux. Elle ne pourrait ressortir que vers 20 h : quatre heures à attendre !
La plupart des touristes allaient repartir et le village se vider ; il ne pourrait pas rester dans la rue jusqu’à la nuit sans attirer l’attention.
Elsa n’ayant rien osé dire sur sa venue, il devait être discret. Il prit son sac à dos et se dirigea vers le bas de la bourgade. Il traversa la rivière, La Romanche, et bifurqua à droite du torrent du Tabuchet avant de grimper à travers les pâturages.
« Près du sommet, tu retrouveras le sentier. Suis-le. Descends jusqu’à un petit pont. », lui avait expliqué Elsa.
Juste après, il devait prendre à droite et l’attendre en haut d’une prairie, à la lisière des arbres.
Vivement ce soir ! Ils ne s’étaient pas revus depuis cette fabuleuse nuit, et avaient dû se rabattre sur le téléphone. Jusqu’à ce que son père lui passe un savon ; sa facture de télécoms[1] ayant explosé !
Plongé dans ses pensées, il arriva au pont indiqué. La prairie était en fait un versant herbeux assez pentu ; il y grimpa pour examiner les lieux.
Dans quelques heures, il pourrait la serrer dans ses bras ! Il en trépignait d’impatience.
À l’origine, il ne devait la voir que le lendemain, près d’Annecy. Son job d’été se terminait, et elle lui avait proposé de venir la rejoindre chez ses parents : « j’ai dit que t’étais un copain. Il faudra qu’on se tienne bien… et nous ne serons pas dans la même chambre. »
Cela l’avait décidé à monter un jour plus tôt et à faire un détour. Il aurait à dormir seul à la belle étoile, mais ils auraient quelques heures d’intimité !
En explorant les alentours, il repéra où passer la nuit : une plate-forme herbeuse à quelques dizaines de mètres. Parfaite pour y étaler son sac de couchage.
Au crépuscule, la jeune femme arriva. Impatiente, elle dévala le sentier à grands pas malgré la pénombre qui s’installait. Le cœur battant, Marc la vit s’approcher. Ils se jetèrent dans les bras l’un de l’autre… leurs lèvres se joignirent… plus rien d’autre n’existait à pars eux.
Il faisait nuit lorsqu’ils reprirent conscience du monde extérieur. Elsa se sentait bien. Toute la journée, elle avait pensé à ces retrouvailles, et au peu de temps qu’ils auraient ensemble. Au fil des heures, elle avait pris sa décision :
« Tu vas venir dormir avec moi. Dans ma chambre. Je suis seule à l’étage, et on peut y accéder par un petit escalier en bois à l’arrière.
— Je ne veux pas t’attirer d’ennuis.
— J’ai envie de passer la nuit avec toi ! On fera attention… Tu partiras au petit matin. »
[1] Le coût des communications à moyenne et longue distance était lié au temps passé.
Le début
Juin 1979
En montant dans le RER, Elsa tenta vainement de retenir ses larmes. Tout son être irradiait de douleur. Anéantie… c’est l'image qui venait immédiatement à l’esprit à quiconque la regardait. Ces derniers mois n’avaient été que souffrances. Elle avait l’impression de vivre, si encore on pouvait appeler cela vivre, entre parenthèses. Un abime l’avait engloutie... Et pourtant leur amour avait été si fort !
Au début de l’été 1979, une fois les examens passés, ils étaient partis une semaine à la mer. Ils, c’étaient une bande de copains qui s’était formée en cette première année de fac, toujours fourrés ensemble. Ils ne comptaient plus les soirées où ils enchainaient les parties de cartes endiablées. Quatre filles, quatre mecs, aucun couple... En tout cas entre eux : Bernard avait une copine de longue date et Mireille vivait avec son petit ami.
Marc et elle n’avaient pas vraiment eu d’atomes crochus au départ. Ils s’étaient même cherché des poux ! Cela s’était accentué à la fin du printemps ou ils avaient passé leurs temps à s’envoyer des piques. Tout le monde avait compris sauf eux : ils étaient en train de tomber amoureux.
Un premier rapprochement avait eu lieu lors d’une randonnée dans les calanques. Ils avaient discuté de longues heures en marchant côte à côte.
La veille de leur retour, elle s’était avoué qu’elle avait des sentiments pour Marc. Elle espérait, sans en être sûre, qu'il ressentait la même chose. Le jour du départ, ils s’étaient arrangés, sans se concerter, pour monter ensemble dans la 4L de Ludovic.
Ils avaient roulé des heures, parlant peu. Marc était assis à l’avant, Elsa à l’arrière. Elle laissait sa main sur le dossier devant elle, à quelques centimètres de la nuque du jeune homme. Plus tard, Ludovic leur avouera qu’ils avaient été particulièrement ennuyeux et lourds.
Ce soir-là, ils étaient hébergés à Chambéry, chez les parents de Ludovic. Ils devaient dormir dans une pièce vide, à même le sol. Bien qu’électrisée, elle n’osait pas faire le premier pas. Lorsque la lumière fût éteinte, ils s'allongèrent sur leurs sacs de couchage. Ils restèrent silencieux, côte à côte, de longues minutes… Marc se tourna sur le côté… Elle en eut souffle coupé. Il avança sa main et la posa doucement sur sa joue. Elle se jeta dans ses bras… Leurs étreintes furent passionnées… et la nuit courte.
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