Chapitre 14-2 : Cash - S'en servir
Agglomération lilloise
7 octobre 1989, début d’après-midi
En arrivant sur l’aire d’autoroute, il se gara près de la station-service et coupa le moteur, tout en laissant le contact. Lucas Kermarrec fixa, sans les voir, le va-et-vient des balais d’essuie-glace qui luttaient vainement contre la pluie martelant le pare-brise.
Il ne tourna même pas la tête lorsque la porte-passager s’ouvrit, laissant entrer une bouffée d’air froide chargée d’humidité. Tania Carrel, ruisselante, s’engouffra dans la voiture.
« Quel temps de chien ! Ça fait longtemps que tu m’attends ? »
Le commandant ne répondit pas. La capitaine le dévisagea, plissant légèrement les yeux :
« Oh… Toi, tu as vu ta fille aujourd’hui. »
Kermarrec serra la mâchoire. Elle posa une main sur son avant-bras : « Lucas ? »
Il desserra enfin les dents : « Elle ne sort pas, elle ne vit pas. Elle se contente de réviser, de passer ses examens… et de rester seule dans sa chambre d’étudiante. »
Dans le silence qui s’installa, seulement rythmé par le tambourinement de la pluie, Carrel lui serra doucement le poignet. D’un geste discret qui valait tous les discours. Il inspira et se redressa : « Mais on n’est pas là pour parler d’elle. Où en es-tu de ton côté ?
— J’ai deux cibles potentielles.
— Violeurs ? Pédophiles ?
— Alcooliques. Très violents.
— Au point de mériter une réponse définitive ? »
Elle secoua la tête : « Cela ne serait que de moi, oui. Mais selon nos règles, non. En revanche, les envoyer à l’hôpital serait une bonne chose. »
Il réfléchit un instant : « Dans ce cas, on fera appel à des gros bras. On se garde pour les cas importants.
— Et Jack ? »
Carrel faisait allusion à un des deux mercenaires mobilisés pour l’opération Bardon. Les motards. C’était aussi Jack qui avait traité le cas du pédophile de la région Lyonnaise… et de l’amputation de son sexe.
« Il double ses tarifs. La notoriété d’Et Poena augmente le risque.
— Il n’a pas tort. On en a les moyens ? »
Kermarrec réprima un premier sourire : « Notre sponsor est généreux. Jack est un pro. Mais on ne l’utilisera que pour les opés sensibles.
Carel souffla dans ses mains pour les réchauffer.
« Je ne sais pas si on peut lui faire confiance. »
— À Jack ?
— Non. À notre mécène.
— Pourquoi ? »
Carrel haussa les épaules :
« Je me méfie de ceux qui sont capables de tout planifier et organiser à ce point. Ce sont des calculateurs. Et souvent… des manipulateurs. »
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