1.5 Premier décret
Je me redresse, enlève les brins d'herbe de ma tenue. Je rassure en riant Sibylle en panique totale à cinq mètres de nous.
— Allez le sprinter, bouge tes fesses et suis moi. Je te ramène à la maison.
Je fais signe au garçon et me dirige vers ma voiture. Un jolie berline bleue toute simple et confortable. Il grimpe sur le siège passager et continue de me jauger. Il s'attendait clairement à une punition, mon attitude si différente le rend perplexe. En route, direction la boutique de bracelets, je n'avais rien prévu, ignorant ce que j'allais récupérer. Dans l'échoppe, je choisis un collier et quatre bracelets doux à la taille de mon nouveau compagnon pour ses poignets et ses chevilles.
Je vois dans ses yeux surpris et toujours inquiets qu'il se demande ce que je fais. J'ai piqué sa curiosité, cet achat lui paraît très étrange. D'ailleurs, la vendeuse avoue qu'il s'agit des premiers qu'elle vend depuis qu'elle les a reçus. Elle s'étonne de l'ordre d'approvisionnement donné par l'Alpha.
La jeune femme ignore que le trône a changé de propriétaire. Le garçon, lui, a compris le changement de direction et observe, attentif et inquiet. L'absence de laisse ou de chaînes pour son déplacement l'intrigue, s'il savait que je n'ai nullement besoin de ces entraves pour le contrôler.
Je me dirige vers le SCBB ou surface commerciale des biens de bases, anciennement nommé supermarché. Le garçon me suit docilement, curieux. Je lui demande de se choisir des sous-vêtements. Il me montre des boxers. Un lot de trois box blancs et un de trois noirs lui est désigné de ma main. Je lui indique de prendre la taille au dessus ce qu'il porte actuellement. Ce reproducteur est tellement maigre. J'ai l'intention de le nourrir pour qu'il se remplume un peu, alors je prévois des vêtements un peu trop grands ou amples. Tandis qu'il pose les emplettes dans le caddy, je trouve des chaussettes basiques.
Histoire de le déboussoler encore un peu, le voilà responsable du choix de cinq pantalons dont deux élégants. Le mâle est étonné que je lui permette de choisir. Si je n'ai rien à dire sur les élégants, il choisit trois joggings affreux. Je devine à ses yeux que c'est fait exprès. Vu l'espèce de pantalon en cuir qu'il porte, je comprends qu'il veuille ses aises. Le coté affreux, c'est pour me tester. Je fais mine de m'en moquer totalement, ravie de le voir aussi perdu.
Un complément de deux chemises blanches et une veste de costume assortie à ses beaux pantalons est rajouté aux achats. De nouveau, une liberté de décision quant au choix de deux pulls et d'un lot de cinq tee shirts est accordée à l'ours qui m'accompagne. Bien, il commence à être rassuré. À lui de prendre deux pyjamas maintenant. Il repère les plus moches qu'il trouve, à carreaux rouges et verts qui piquent les yeux.
Je ne peux pas m'empêcher d'esquisser un sourire en lui demandant s'il est sûr de son choix. Tant pis pour lui, en plus je suis sûre que ces pyjamas grattent horriblement. Je sens que je vais bien me marrer. La fin des achats se poursuit avec une paire de belles chaussures et des pantoufles immondes. Il prend des baskets. Tiens là, il fait attention et en choisit une paire de bonne qualité et sympa. Aurais je décelé un point faible?
Je l'entraîne au rayon hygiène. Sa mission : savon, dentifrice, brosse à dents, gel douche et shampooing. Je m'occupe de prendre un peigne, des pansements et de quoi nettoyer ses plaies. Assez directive, mais poliment, je fais attention et lui explique ce que je veux. Pour l'instant, il obéit et se méfie encore. C'est normal. Le garçon m'observe, prêt à se défendre.
Je l'interroge pour savoir s'il veut garder sa barbe et ses cheveux longs. Il revient au rayon vêtements et me montre un mannequin chauve et imberbe. Pigé, sans parler le garçon sait se faire comprendre. Demi-tour pour le rayon électroménager et le rajout d'une tondeuse dans le chariot. Je vois sourire mon reproducteur. Ma liste de courses semble le satisfaire.
Alors que je lui demande ce qu'il aime manger, je m'aperçois qu'il ne connaît pas la plupart des aliments. Une démonstratrice déballe du saucisson et une autre des biscuits chocolatés. Des morceaux sont récupérés par mes blanches mains pour lui fourrer dans le gosier. Il aime les deux, qui remplissent le caddy en supplément des petits oublis de ma semaine et d'autres produits de base pour ma maison. Le jeune homme est de plus en plus intrigué par mon manège. Nous rentrons.
Il m'aide à rentrer les courses sans que je lui demande quoi que ce soit. L'homme regarde la maison et semble apprécier le décor. Je lui dis d'allumer la cheminée puis de visiter pendant que je nous prépare à manger. Le reproducteur doit voir par lui-même l'absence de chaînes et d'engins de tortures pour me faire confiance. Je l'entends faire son petit tour.
Il me montre le jardin, ignorant les mesures de contrôle que j'ai mis en place, il redoute les décharges électriques. Je l'autorise à le visiter sans sortir de l'enceinte des murs. Quelques minutes après, le jeune homme revient en trottinant, ayant vu la piscine encore vide. En souriant, je lui promets que s'il est sage, il pourra y aller quand elle sera rénovée et remise en service. Je lui apprendrai à nager. Il est de plus en plus surpris et inquiet, se demandant ce que je mijote.
Pendant que je cuisine, Alpha Déborah m'appelle. Pour cuisiner à mon aise, je pose mon téléphone sur la table et le met en haut parleur. Déborah a vu la destitution de Zêta Cassandra et panique. Je la rassure, lui disant que je contrôle la situation et que je vais tout faire pour relancer la natalité.
Pour cela, je dois défaire les mauvaises décisions de Zêta Cassandra. Il fallait que je marque un grand coup pour me faire respecter. Oui, génétiquement, c'est ma mère. Mais elle ne m'a pas élevée et c'est un tyran. Ce n'est pas parce que j'ai cinquante pour-cent de gènes en commun que je dois agir de la même façon stupide et catastrophique.
Alpha Déborah se calme. Je raccroche. Le garçon a écouté tout l'appel. Il m'a vu lever les yeux au ciel en parlant, comprenant que je suis bien plus maligne que Zêta Cassandra et plus redoutable.
Il est tendu, s'attendant à voir sa situation empirer. Mon speech sur les défauts de Cassandra ne l'a pas convaincu. Je lui parle pour le calmer et lui propose de faire de l'éducation positive. Le principe est simple, plutôt que de le punir lorsqu'il n'obéit pas, je le récompenserais lorsqu'il obéira.
Il a été sage pendant les courses, je lui achète de bons vêtements confortables. Il m'a aidé à porter mes courses, je cuisine pour lui. Mes explications sur mon ancien statut de Zêta opprimée ne convainquent pas l'esclave sur mes intentions pacifiques. L'identité de ma génitrice ne lui a pas échappée. Les chiens ne faisant pas des chats, le malheureux est convaincu que son sort ne sera guère plus enviable qu'avant.
Le pauvre garçon est déboussolé et ne sait pas trop quoi penser de moi. Je suis si différente, je montre patte blanche tout en laissant transparaître que je suis bien plus redoutable que l'ancien monstre. Le comportement à adopter avec moi est difficile à cerner. Volontairement, je laisse le doute planer. Les actes sont plus importants que les belles paroles. Inutile de bavarder dans le vent, le garçon apprendra avec le temps qu'il n'a rien à craindre de moi et verra mon fonctionnement.
Nous mangeons. Ou plutôt, je mange et il dévore comme je m'y attendais. Je le ressers en lui demandant de prendre sa fourchette, lui jurant ne pas lui retirer son assiette. Le jeune homme se tranquillise, en redemande deux fois. Je remplis son plat à chaque fois jusqu'à ce que le ventre sur pattes soit plein. Je crois qu'aujourd'hui, il a plus mangé qu'en une semaine.
Le nourrissage abondant est l'un de mes moyens pour calmer sa colère, un estomac rempli se rebellant moins facilement qu'un vide. Je débarrasse la table en silence, surprise de le voir se lever pour m'aider. En réalité, il continue d'analyser le moindre de mes faits et gestes, toujours sur le qui-vive. Il me suit pour me surveiller et tenter de me cerner. Cette connasse de Cassandra a dû lui en faire baver un maximum à ce grand dadet pour qu'il se montre aussi craintif et effarouché.
—Au bain maintenant. Tu pues.
Ma phrase le choque puis enfin lui arrache un petit sourire. Je crois qu'il commence à comprendre que je suis du genre franche et directe, un brin autoritaire aussi. Je lui fais signe de me suivre et me dirige vers la salle de bains.
Une belle pièce au carrelage écru avec un mur couleur océan incrustée de paillettes de nacres. Une belle baignoire et des lavabos de faïence blanche. Un plan de travail et quelques meubles confectionnés en bois et en bambous en font une pièce assez épurée et naturelle. Il me rejoint en m'observant attentivement, toujours sur ses gardes. Je place une vieille couverture au sol et dirige mon compagnon en son centre.
— Enlève tes vieilles fringues.
Il commence à se déshabiller avec méfiance en me voyant faire couler un bain. Mon dieu. Il a une carrure impressionnante même s'il est maigre, agréable à regarder bien qu'il est vraiment couvert de blessures et de brûlures. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il est beau toutefois il a un truc. Il s'arrête au string de cuir, hésitant. En souriant, je l'autorise à le garder, respectueuse de sa pudeur. J'envoie mon premier décret via mon bracelet de gestion.
— Minimum de bracelets autorisé descendu à quatre. Bracelets confortables et non irritants mis en vente.
Je l'applique aussitôt et retire avec délicatesse les bracelets du haut des cuisses et du haut des bras du jeune homme. Il cligne plusieurs fois des yeux, ne comprenant pas mon geste. Trois des entraves sont mises dans un carton pour être rendues en boutique plus tard. J'en pose une sur le côté, j'en aurais besoin après le bain.
Cet énergumène est bien trop grand pour moi, je le fais s'asseoir sur un tabouret placé au milieu de mon drap de coton. Penchant sa tête en arrière, contre moi, son crâne sur ma poitrine, je lui rase le visage au plus court avec des gestes doux et lents. Il voit sa barbe tomber par morceaux sur ma protection temporaire. Je n'aime pas faire le ménage, le grand chiffon m'évitera de balayer une fois mon œuvre accomplie.
On fait un compromis pour les cheveux. Il voudrait être chauve. Je vois aux cicatrices que c'est pour ne plus se faire tirer par les cheveux. Après lui avoir fait la promesse de faire court, voulant garder un peu de longueur pour masquer les cicatrices et lui caresser les cheveux, il accepte à regret, implorant le rasage des aisselles aussi. Sa joie de se débarrasser de cette barbe qui le gratte me permet de négocier. Les dessous-de-bras seront nettoyés, de toute façon, c'était mon intention à la base.
Je lui fais lever les bras en douceur, l'avant-bras sur la tête et nettoie ses aisselles. Il a mal aux bras alors je fais vite. La tondeuse se révèle très efficace et en quelques secondes, les poils rejoignent ceux de la barbe au sol. Le dos est quasi-imberbe, le torse peu velu, ce sont les croûtes de sang séchées qui font sales. Je n'y touche pas, les effleurant à peine du bout des doigts. Il se débrouillera tout seul un autre jour s'il veut diminuer la toison dissimulée sous l'horrible bout de cuir noir.
Une fois la barbe et les aisselles achevées, lui penchant la tête en avant, je débute l'annihilation du poulpe châtain qui lui sert de coiffure. Évitant le plus possible les croûtes, je fais de mon mieux pour raccourcir de manière homogène les tentacules unes à unes.
En voyant les amas de cheveux sales et collés rejoindre les débris de sa barbe, le jeune homme sourit doucement, appréciant de se sentir plus léger. Lorsque j'ai fini, il a cinq centimètres de cheveux sur le haut de la tête et est rasé à un centimètre sur les côtés et l'arrière. Il s'observe dans le miroir, se passe la main sur les cheveux et le visage.
Je crois qu'il se trouve beau. Le résultat n'est pas parfait cependant ça le satisfait. Il se contemple un peu tristement. Je sais ce qu'il a en tête. Je le fais beau pour qu'il me baise après. Il se trompe. Je le mate bien ainsi dénudé, mais je ne le forcerais pas à la procréation. Je ne dirais pas non si cela venait de son initiative, toutefois, je suis bien trop intelligente pour croire une seule seconde que le pauvre garçon ait envie de ça avec moi, bien que je pense être mille fois plus bandante que la vieille carne qui me conçut.
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