chapitre 10
Carla a à peine le temps de comprendre ce qu’elle a entre les mains, qu’Amy la repousse en arrière. Tout le monde se jette au sol afin de se mettre à l’abri de la déflagration. Carla s’écroule quelques mètres plus loin, tenant toujours l’objet entre ses mains. Son cerveau n’a pas le temps de lui faire comprendre qu’elle doit s’en débarrasser le plus rapidement possible. Elle a à peine le temps d’ouvrir la bouche que la grenade explose.
Amy continue à sourire tandis que du sang gicle sur son visage. Ce qui ne semble nullement la perturber. Par miracle, les autres femmes ne sont pas blessées. Elles sont toutes sous le choc, tremblantes, n’arrivant pas à croire ce qui vient de se produire. Elles se sont jetées au sol au bon moment, évitant d’être atteintes par des projectiles.
Elles n’entendent plus rien, leurs tympans ayant soufferts de la déflagration. Elles voient Sandra en train d’hurler sans pouvoir l’entendre. La femme est à genou, les vêtements tachés de sang et deux doigts gisent devant elle, qui appartenaient à sa défunte camarade. Sandra est blessée au niveau du bras, une coupure peu profonde, mais du sang dégouline tout de même de la plaie. Elle hurle, en état de choc, étranglée par ses propres sanglots.
Quant à eux, les trois hommes ont été soufflés et sonnés sous la puissance de la déflagration. Diezel est le premier à réagir. Il a l’impression de tout voir en double et se demande si ce n’est pas dû à un traumatisme crânien. Mais il sait que ce n’est pas le moment de s’en soucier. Il voit l’arme de Constantine à quelques mètres de l’endroit où il se trouve.
Il se jette sur le revolver, le propriétaire de l’arme tente de l’arrêter mais le docteur réussit à éviter l’attaque, en roulant sur lui même. Il se remet debout et braque l’arme en direction de Constantine et son ancien ami. Cross sort tout juste de son état léthargique et a des difficultés à se remettre debout. Un éclat lui a ouvert le crâne au niveau du front, il s’agit d’une blessure superficielle.
Constantine hésite à sauter au cou du docteur. Il évalue toutes les possibilités qui s’offrent à lui, mais aucune ne lui semble favorable. L’agent est tout de même prêt à se sacrifier si cela peut empêcher la fuite de cet individu nuisible. Il jette un regard à Cross, ce dernier secoue négativement la tête, sachant très bien ce qui passe par la tête de son bras droit. C’est un pur suicide de sauter sur Diezel. Le traitre n’hésiterait pas une seconde à faire exploser la tête des deux hommes et le directeur ne veut pas lui offrir cette occasion. Pendant que tout le monde se relève, ils regardent tous les dégâts. Personne n’a rien vu venir, ils sont tous en état de choc.
Le corps de Carla a été éventré par la brutalité de l’explosion. On ne voit même plus son visage qui est devenu un ramassis cramoisi. Du sang et d’autres substances ont giclé sur les murs. Un nuage de fumée se dissipe petit à petit dans le couloir. Les jeunes femmes ont des difficultés pour respirer, l’air semble comme empoisonné. Des éclats de la grenade ont fait des trous dans les murs. Si Amy n’avait pas poussé Carla, tout le monde serait mort à l’heure actuelle.
Le directeur secoue la tête d’un air consterné. C’est comme si on lui avait enfoncé un couteau en plein dans le cœur. Son rêve, le but de sa vie semble s’être évaporé. La perte d’une des femmes est inacceptable pour lui. Son ancien camarade lui a porté un coup difficile à digérer. Il le regarde droit dans les yeux avec un profond mépris, ayant très envie de lui arracher la tête à main nues en hurlant. Mais le revolver braqué sur lui, le dissuade de laisser libre cours à ses pulsions. Malgré la rage qui bouille en lui, il réussit tant bien que mal à se contenir. Pour l’instant tout du moins !
Le docteur ne s’attendait pas à ce que les évènements prennent un détour si tragique. Mais il n’a pas le temps de s’épancher sur le sujet. Il doit réagir au plus vite s’il veut avoir une chance de s’évader avec le reste des captives. L’explosion a dû faire trembler tout le bâtiment et des gardes armés ne vont pas tarder à débouler. Tout en maintenant les deux hommes en joue, il aide Sandra à se relever et dit aux autres femmes :
- Nous n’avons pas une minute à perdre, nous devons y aller tout de suite !
Aucune des femmes ne semblent l’avoir entendu, toutes en état de choc. Diezel prie silencieusement, espérant qu’elles ne vont pas accoucher tout de suite. Ce serait le pire des scénarios envisageables. Il avance vers les trois femmes blotties l’une contre l’autre et les secoue par l’épaule en leur montrant du doigt la sortie toute proche.
- Allez, nous aurons le temps de pleurer plus tard. Vite, il faut y aller, maintenant !
Les femmes se relèvent lentement avant d’hocher la tête pour lui faire comprendre qu’elles vont se ressaisir. Amy les suit de prés, arborant toujours un sourire béat, presque inquiétant. Elle ne se rend pas compte de ce qu’elle vient de provoquer. Sandra lui jette un regard noir et s’apprête à se jeter sur elle. Mais Diezel la pousse devant lui, n’ayant pas de temps à perdre avec ces mesquineries.
Il se tourne vers ses deux anciens partenaires, toujours immobiles.
- Tu ne te rends pas compte de ce que tu viens de faire dit Cross.
- Ce n’est pas une situation que j’ai voulu et tu le sais.
- Peu importe, le résultat est le même. Tu es un homme mort.
- Pas encore dit-il en attrapant le directeur par le col de sa veste.
Constantine tente de s’interposer mais le directeur secoue la tête pour lui faire comprendre qu’il ne doit rien tenter. La situation est suffisamment explosive comme ça.
- Et maintenant tu comptes faire quoi ?
- On s’en tient au plan et tu viens avec nous. Tu nous serviras de bouclier.
- N’y penses même pas une seconde, sale fils de…
La fin de sa phrase est étouffée par le docteur qui le malmène et lui enfonce brutalement le canon de l’arme dans les cotes.
- Ne crois pas une seule seconde que tu aies le choix. Contentes toi d’avancer ! Toi tu restes où tu es Constantine ! Au moindre geste suspect, je repeins les murs avec le sang de ton boss. Alors ne fais rien de stupide.
Les femmes prennent la tête du convoi, Diezel ferme la marche en tenant fermement le directeur, tout en ne quittant pas des yeux l’agent. Ce dernier reste immobile, collé contre le mur, les mains en évidence. Il dévisage le docteur en se promettant intérieurement de lui faire payer au centuple ce qu’il a osé faire.
- Tu ne m’échapperas pas. Crois-moi !
- Je vais tout de même essayer dit Diezel, qui se permet un petit sourire supérieur au coin des lèvres.
Les femmes gravissent l’escalier aussi vite que leur état le leur permet. Diezel donne sa carte d’accès à Nathalie afin qu’elle puisse ouvrir la porte. Tout le monde se retrouve dans le garage principal.
Une camionnette est garée tout près, les attendant comme prévu dans le plan du docteur. Mais une dizaine d’agents de sécurité ne tarde pas à les encercler, armés de mitraillettes. Ils tiennent en joue tout ce beau petit monde. Les jeunes femmes sont sur le point de craquer, aucunement habituées à autant d’agressivité. Mais cela ne semble pas effrayer le docteur. Ce dernier montre son arme avant de le pointer sur le directeur, s’en servant comme d’un bouclier.
- Je vous conseille de vous écarter de la camionnette si vous ne voulez pas avoir la mort de votre directeur sur la conscience crie Diezel, d’une voix menaçante.
- Ils ne t’écouteront pas ce sont des soldats expérimentés !
- La ferme et avance ! ordonne le docteur en le poussant sans ménagement.
Le docteur reste en alerte, vérifiant chaque recoin afin d’être sûr de ne pas devenir une cible pour un des tireurs embusqués. Mais il doit reconnaître que cela n’est pas évident car le nombre de soldats ne cesse d’augmenter. Les femmes ne savent pas trop quoi faire, dépassées par les évènements. Elles restent en cercle au milieu du hangar, s’imaginant déjà cribler de balles.
- Dépêchez vous de grimper dans la camionnette. Nous n’avons pas une minute à perdre leur dit le docteur.
Les jeunes femmes, toutes tremblantes se dirigent vers l’engin qui est censé les mener à leur liberté. Le directeur tente de jouer une dernière carte afin de faire entendre raisons à ses anciennes prisonnières :
- Ne l’écoutez pas ! je peux vous aider, nous avons tout ce qu’il vous faut pour prendre soin de vous et de vos enfants. Vous avez encore une chance de vous en sortir. Il n’a aucune bonne intention en ce qui vous concerne.
Le docteur lui assène un coup avec la crosse du revolver derrière la tête. Le directeur pousse un grognement de douleur, ses jambes se font flasques mais le docteur le tient fermement.
- Ferme là ! Tu crois qu’elles vont te croire après le supplice que tu leur as fait subir. Un conseil, gardes ta salive, tu en auras besoin pour pouvoir expliquer toute cette merde ! s’exclame Diezel.
- Sois réaliste ! Tu n’as aucune chance de t’en sortir. Mes hommes vont t’abattre comme un chien à la première occasion. Ce hangar sera ton tombeau. Tu en as conscience, j’espère !
- Ne crois pas que la grenade que j’avais était la seule en ma possession. Tu peux être sûr que je m’en servirai.
- Tu es un vrai malade !
Malgré la situation, Diezel se permet de ricaner et de jeter à Cross un sourire carnassier.
- Tu as peut être raison. A force de te côtoyer, j’ai fini par en devenir un ! Maintenant avances et mets là en veilleuse !
Une fois que les jeunes femmes sont installées à l’arrière de l’engin, Diezel referme la porte dans un grand bruit. Il se dirige vers l’avant du véhicule et s’y installe, tout en gardant Cross en joue avec son arme. Il sort la clef de la poche de sa veste et met le contact. Il vérifie les indicateurs afin de s’assurer que personne n’ait trafiqué la camionnette.
Ensuite, il regarde Cross droit dans les yeux. Si tout se passe comme prévu, c’est la dernière fois qu’il le voit. Et il a envie de graver dans sa mémoire, le regard désespéré de son ancien supérieur. Il savoure ce doux moment. Cross grimace de rage et lui jette le regard le plus noir qu’il puisse afficher.
- Bon, il n’est pas de bonne compagnie qui ne se quitte ! s’exclame Diezel.
- Ce n’est pas fini, crois moi grogne Cross.
- Si je n’avais pas besoin de cette arme, je peux t’assurer que cela aurait été avec plaisir que je t’aurai logé une balle entre les deux yeux.
- Tu es un homme mort.
- Changes de disque, ça devient répétitif à la longue dit Diezel, en secouant la tête, aucunement réceptif aux menaces de son ancien camarade.
Diezel vérifie qu’aucun agent ne puisse l’atteindre, avant de frapper Cross avec la crosse de l’arme. Le directeur n’a pas eu le temps de se protéger, concentré sur sa rage. Il prend le coup en plein front. Il pousse un cri de douleur avant de s’écrouler en arrière.
L’instant d’après, Diezel referme sa portière et appuie sur l’accélérateur, fonçant en direction de la sortie. Les agents visent la voiture, prêt à ouvrir le feu mais Constantine apparaît et leur ordonne :
- Ne tirez pas sur l’habitacle, détruisez leurs pneus ! Il nous les faut vivant !
Un crescendo de tirs se fait entendre, les balles fusent vers les roues du véhicule, mais aucune ne réussit à perforer les pneus. Diezel avait prévu le coup. Il s’agit de matériels dont se sert le gouvernement pour les voitures présidentielles, des pneus qui résistent à l’épreuve des balles. Il faudrait un fusil d’assaut pour espérer pouvoir les trouer. Diezel jubile en accélérant, imaginant le visage déconfit des agents. La camionnette, poussée à plein régime, percute violemment la grille d’entrée, qui ne résiste pas sous l’assaut, avant de foncer à travers l’obscurité de la nuit.
Constantine se porte au chevet de son directeur qui commence à récupérer ses esprits. 3 voitures sortent à toute vitesse du hangar afin de poursuivre les fuyards.
Le bras droit du directeur aurait aimé faire partie de la chasse. Il a une dent sévère contre le docteur et il compte bien régler ses différents avec ce dernier. Pour le moment, le plus important c’est d’apporter son soutien à son supérieur.
- Tout est foutu ! s’exclame ce dernier, d’une voix fatiguée.
- Non, monsieur. Il ne peut pas nous échapper. Nos véhicules vont l’appréhender rapidement. Ce n’est qu’une question de temps.
- Vous y croyiez vraiment soupire le directeur avant de s’en aller, tout penaud vers l’escalier de service.
Il n’a aucune envie de craquer devant ses hommes, tout ce qu’il souhaite, c’est de pouvoir s’enfermer dans son bureau. Constantine le regarde partir en faisant la moue. C’est la première fois qu’il voit son supérieur dans cet état. Il aimerait lui prodiguer des paroles réconfortantes mais il n’en a aucune en stock.
- Maudit sois tu Diezel ! s’exclame t’il avant de cracher son mépris au sol.
La camionnette roule à toute allure, tout feu allumé. Diezel ricane tout seul, ressentant une montée d’adrénaline. Le plan n’a pas été suivi à la lettre mais seul le résultat compte. La perte de Carla est un véritable gâchis, mais un gâchis acceptable car il n’a besoin que de Nathalie pour la suite de son plan. Le reste des femmes ne l’intéresse pas, il ne les a aidés que pour pouvoir fuir avec la jeune française. Têtue comme elle est, Nathalie n’aurait pas bougé sans elles et Diezel manquait de temps pour arriver à ses fins par la manipulation. Après les avoir toutes analysées et ausculter sous toutes les coutures, il a l’intuition que l’enfant de Nathalie sera spécial. C’est ce bébé qui l’intéresse et il compte bien garder un œil sur lui.
Il conduit à vive allure, prenant les virages de façon assez serrée. Il essaye comme il peut de ne pas trop secouer le véhicule afin que les jeunes femmes ne souffrent pas trop. Elles sont toutes sur le point d’accoucher et procéder à une naissance maintenant serait désastreux.
Nathalie se glisse à l’avant, du côté passager. Ce dernier lui sourit, la jeune femme a du mal à lui rendre l’appareil. Elle se force mais son sourire fait pâle figure. Elle est tremblante et a le visage pâle. Les évènements de la soirée ont été trop d’émotions pour elle comme pour le reste des femmes.
Ces dernières restent silencieuses à l’arrière du véhicule. Elles jettent des regards alarmés vers la vitre arrière afin d’être sûr que les agents du centre ne les rattrapent pas.
- Nous, nous en sommes sorties !
- Oui dit Nathalie, sur un ton grave.
- Je suis désolé pour Carla. Sa perte est dure à encaisser. J’aurai vraiment voulu qu’elle puisse s’en sortir comme nous tous.
- Je sais, ce n’est pas de votre faute. La situation a dérapé. Ce sont des choses qui arrivent. Mais je suis sûr qu’elle serait heureuse qu’on s’en soit sorties.
- Qu’est ce que tu en sais ? crache Sandra.
- Laisse la tranquille dit Janice, sur un ton menaçant, prête à sortir les griffes.
Catherine allait rétorquer pour calmer les esprits de son amie, lorsqu’elle voit des halots de phares par la vitre arrière. Les lumières se rapprochent d’eux à toute vitesse. Il s’agit des trois véhicules qui sont en train de les rattraper.
- Oh mon dieu ! Ils sont justes derrière nous ! s’exclame Catherine, d’une voix tremblante.
- Pas de panique, c’était prévu dit Diezel, essayant de les rassurer.
Ce dernier respire un bon coup et se concentre sur sa conduite. Des gouttes de sueur dégoulinent de son front, mais il n’y prête pas attention. Il serre fermement le volant, jusqu'à ce que la jointure de ses mains devienne blanche, avant d’appuyer sur l’accélérateur. Il avait prévu un plan de secours au cas où des agents se lanceraient à sa poursuite. Il doit juste atteindre un endroit précis et surtout que personne ne l’intercepte avant.
Une voiture réussit à se glisser à sa hauteur sur la gauche et le docteur aperçoit un homme armé d’une mitraillette qui lui ordonne de se ranger sur le coté. Pour toute réponse, Diezel donne un grand mouvement de volant et percute la voiture sur le côté. Les femmes poussent des cris, tout en s’accrochant à ce qu’elles peuvent. Elles commencent à douter de plus en plus qu’elles vont s’en sortir en un seul morceau.
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