Je ne pouvais pas y croire !

Dorian se tenait là, les mains dans les poches de son trench-coat beige. Il était assis sur sa tombe. Je frottai mes yeux, puis les fermai. Pour être certaine que cela était faux. Pour être certaine que cette vision n'était qu'une création de mon esprit. Lorsque je rouvris mes yeux, Dorian était toujours là. Il me lança un regard emprunt de tristesse. Cela me fendit le coeur.

"Tu es revenue me voir, alors?

Je ne répondis pas. Dorian se leva et me fit face. Le corps droit et une pointe de chagrin dans les yeux.

-Je ne t'ai pas oublié, me défendis-je. Je ne t'ai jamais oublié. Jamais. Je pense à toi tout le temps. C'est ton souvenir qui m'empêche de dormir la nuit.

-Je ne t'en aurai pas voulu, Mary. Pourtant, tu es revenue. Ce n'était pas utile. Je ne suis plus celui que j'étais, et tu n'as pas ta place là où je suis aujourd'hui.

-Oh ! Je devais te revoir, Dorian. Tu me manquais. Ton souvenir me hante et brûle mon âme.

-Pleures-tu, parfois?

-Parfois ? Toujours, Dorian. Toujours.

-On a volé ma vie. Mais je refuse de voler la tienne. Tu ignores ce que c'est, Mary, que de demeurer dans une tombe, chaque jour et chaque nuit, à repousser les vers qui veulent dévorer ma peau, à tenter de défaire les clous de cette immonde boîte de marbre. Tu ne sais pas tout cela, Mary. Non, tu l'ignores. Je veux que tu ne le saches pas encore. Ta place n'est pas ici, Mary. Un jour, oui. Mais pas aujourd'hui. Pas maintenant.

-Mais pourquoi pas aujourd'hui ? Et pourquoi pas maintenant ? C'est ton souvenir qui me tue et mon souvenir qui t'empêche de franchir l'autre rive, Dorian. Alors que je suis vivante et que tu ne l'est plus. Je meurs, Dorian. Je meurs parce que je t'aime ; tu vis parce que tu refuses d'arrêter de m'aimer.

Etaient-ce mes larmes qui effaçaient cette vision ? Mot après mot, larme après larme, le fantôme était en train de disparaître, tout comme disparaît la fumée d'un un feu éteint, petit à petit.

-Dorian !"

Pourquoi était-ce ainsi à chaque fois ? Pourquoi ne pouvais-je jamais rester auprès de mon amour ? Oh ! Mon si bel amour perdu !

Soudain, j'entendis un Bip bip bip bip.

Je sentis ma poitrine se convulser.

"Vivez ! Vous allez vivre !", dit une femme à la voix grave sans émotion.

Je ne veux pas vivre.

Je ne veux plus vivre.

Plus sans Dorian.

Arrêtez d'essayer de me sauver à chaque fois que j'essaye de rejoindre mon amour.

Peu à peu, j'ouvris les yeux. Une odeur d'hôpital, toujours la même odeur, me fit mal à la tête.

Les docteurs me regardaient. Certains souriaient. J'étais sauvée.

Je ne veux pas être sauvée.

Je ne veux plus que Dorian soit une vision.

Je ne veux plus devoir avoir du sang sur mes bras pour le retrouver.

Ce n'est pas la liberté.

Je ne veux plus être triste.

J'ai ma place là-bas.

Je reviendrai, Dorian.

Je reviendrai et je serai enfin avec toi.