1. Premier contact
En cette douce fin d’après-midi, le soleil darde ses derniers rayons horizontaux sur les berges de la Saône. Je remonte à pied les quais d’une démarche assurée. Le Pont de la Feuillée se découpe à contrejour, sur les eaux miroitantes qu’il surplombe. J’approche de l’endroit où je pense le trouver.
Oui. Il est là.
Assis sur ce banc, comme presque tous les vendredis à cette heure-là. Il ignore que cela fait de nombreuses semaines que je l’ai remarqué. Que je suis séduite par son allure soignée, et son style BCBG. Que je suis irrésistiblement attirée par les reflets de l’eau dans ses yeux verts de félin. Que je suis troublée par le pli sérieux de sa bouche ourlée de sensualité. Il ignore tout cela, et il m’ignore systématiquement. Je passe devant lui sans sentir son regard s’attarder sur moi, moi la femme quelconque, habillée de la façon la plus ordinaire qui soit. Mais pas aujourd’hui.
Aujourd’hui, ses yeux se portent sur moi et détaillent ma tenue sexy en se plissant légèrement. Son regard se rive au mien, tentant de me désarmer alors que je me dirige vers lui. L’affrontement est silencieux, la communication, explicite. Je m’assois sur le banc. S’imagine-t-il ce que je porte sous ce manteau trois-quarts ? Se demande-t-il si ce sont des collants ou bien des bas ? Rêve-t-il de poser ses mains sur moi pour confirmer ses hypothèses ? Je croise et décroise mes jambes, envahie par une sensation de chaleur qui irradie du plus profond de mon être. Il ne rompt pas le silence. Moi non plus. Il reporte son regard sur les eaux de la Saône, ne me témoignant pas le moindre intérêt.
Déçue, je me lève et m’éloigne. Est-il vraiment possible que je ne l’ai pas le moins du monde troublé de ma présence ? Je me retourne une dernière fois. Il s’est levé et est parti en sens inverse, laissant un morceau de papier sur le banc que je m’empresse d’aller découvrir.
« Si vous osez me suivre, suivez-moi jusqu’au bout… »
Le défi est lancé. Je ne m’attendais pas à ce qu’il mène le jeu. Je frissonne. Que dois-je faire ? Je relève les yeux pour repérer dans quelle direction il est parti. Je me fige en constatant qu’il s’est arrêté à une dizaine de mètres de moi. Il me fixe intensément. De ce genre de regard qui appelle et invite à lâcher prise, mais qui ne tolère aucune discussion, qui ne souffre aucun compromis. Je n’aurai pas de seconde occasion de le suivre.
Mon cœur s’accélère alors que je marche jusqu’à lui et poursuis mon chemin à ses côtés, au-dessus des quais. Pas un seul mot prononcé. Pas un seul contact physique. Sa présence magnétique me maintient en haleine alors qu’il me précède soudain en bifurquant dans une ruelle…
[A suivre... ?]
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