D'un œil vibrant d'électricité noire, Tom Maynard, rendu à la vie civile par l'US Army, considérait l'immeuble où il emménageait avec Emilianna.

La vie reprenait son cours dans la cité napolitaine. La guerre était un souvenir aussi épars que les dernières volutes de fumée autour d'un feu de camp. Même si les murs de briques portaient encore les stigmates des impacts de balles et les fêlures des tirs d'artillerie.

Dans la chaleur des derniers jours d'août, ceux qui vivaient là suspendaient leur linge sur des fils tendus entre les appartements. La Dolce Vita retissait les liens distendus par le Duce.

Tom Maynard aurait préféré une maison d'un meilleur standing mais Don Cambiasso lui avait patiemment expliqué :

 " Tu ne dois pas attirer l'attention sur toi, l'américain. Maintenant que ton armée a quitté le pays, les carabinieri vont nous avoir à l'œil et, avec eux, les petits arrangements seront un peu plus délicats qu'avec ton colonel.

 - Rester sous le radar, comme on dit chez nous. "

Une nébulosité opaque traversa le regard du vieux parrain comme une indicible menace, un orage dont on ne discerne que les éclairs de chaleur :

 " Ne t'inquiète pas, l'américain, ce n'est pas le travail qui manque. Il y a beaucoup à faire pour redresser ce pays. Maintenant, va profiter de ta maîtresse. "

L'automne approchait mais les soirées gardaient le parfum d'éternité du solstice. Tom rêvassait devant les courbes sous la robe de fin coton d'Emilianna quand une grosse berline noire s'arrêta dans la rue. Damiano Tommasi en descendit. Les gosses qui tentaient de bluffer l'été dans leurs interminables parties de foot stoppèrent leur ballon. Les affaires reprenaient.